Monsieur le sénateur, c’est en tant que militant anti-apartheid que nous souhaiterions vous interviewer, car vous étiez un militant anti-apartheid en Afrique du sud (ADS) n’est-ce pas ?
J’ai été très tôt engagé dans la lutte à la fois contre l’apartheid en ADS et la question qui était jointe à cela, la libération de Nelson MANDELA. C’était une action très difficile, solitaire au départ, nous étions très peu. C’est une action qui s’est développée au fil du temps, avec des progressistes, des communistes, je me souviens notamment dans le Rhône d’Arlette CAVILLON qui était au cœur des combats avec le Mouvement de la Paix.
Nous avons alors engagé une lutte des certitudes.
L’État d’apartheid en ADS avait alors bonne presse auprès des gouvernements occidentaux et des États Unis. J’aurais aimé que le président des USA le reconnaisse lors de sa récente visite en ADS. (Notons que ce n’est pas parce qu’il y a eu Nelson MANDELA et le président ZUMA que les discriminations et les inégalités se sont aujourd’hui comblées. Il y a, comme dans la plupart des états africains, des inégalités très profondes qui perdurent, je vis cela encore douloureusement.)
Quelles étaient les actions que vous avez-vous menées contre l’ADS à l’époque et quelles répercussions avaient-elles au niveau de l’opinion publique ?
Pour percer et notamment faire vivre ces actions ce fut très difficile, car l’opinion publique n’était pas préparée à cela. Ça a été, pour ma part, un des points qui a forgé mon attachement aux droits fondamentaux, en tant que militant puis sénateur communiste.
On organisait des manifestations, on étaient fichés, le comité anti-apartheid du Rhône fut parmi les premiers. On a eu ensuite le soutien de Charles FITERMAN en tant que ministre de François MITTERAND, on a pu élargir notre audience de cette manière là. Comme vous le faites aujourd’hui dans le soutien au peuple Palestinien, c’est la pugnacité, la ténacité, la volonté de faire éclater la vérité au plus grand nombre qu’il faut manifester.
J’ai toujours voulu que l’ont traite humainement l’ensemble des immigrés sur notre territoire. J’ai réagi vivement aux conditions qui sont faites dans les centres de rétention. Je voudrais faire un certain nombre d’actions « coup de poing » dans les centres de rétention et prisons de la région lyonnaise à l’automne.
A la fois, Droit de l’homme, lutte contre l’apartheid, lutte pour la défense du peuple palestiniens et pour que l’on fasse vivre tous les textes qui ont été votés aux Nations Unies et toutes ce motions, depuis des décennies.
Pour ma part tout cela ça fait partie de mes intimes convictions.
On fait aujourd’hui un parallèle entre l’apartheid en Afrique du Sud et les discriminations qui sont faites aux Palestiniens par l’État d’Israël. Ainsi Michel BOLE-RICHARD ancien journaliste du monde a fait paraître le livre « Israël le nouvel apartheid », qu’en pensez-vous ?
Quand j’ai vu un article annonçant concernant la parution du livre, cela m’a tout de suite interpellé et je l’ai immédiatement commandé. C’est un livre de témoignages très fort. C’est un livre très documenté.
Les raisons qui plaident pour employer le terme apartheid à Israël sont :
– la judaïsation de Jérusalem-Est,
– la discrimination envers les arabes israéliens,
– le blocus de Gaza,
– la politique d’expulsion des bédouins,
– le pillage des terres palestiniennes et le regroupement en « bantoustan »,
– la colonisation galopante,
– les humiliations des Palestiniens.
La transposition du terme de « bantoustan » [note]<*> Les bantoustans étaient les régions créées durant la période d’apartheid en Afrique du Sud réservées aux populations noires et qui jouissaient à des degrés divers d’une certaine autonomie.
Aujourd’hui, le terme bantoustan désigne par extension tout territoire ou région dont les habitants sont victimes de discriminations et se sentent considérés comme des « citoyens de deuxième classe » dans leur propre pays. [NDLR] ]] à la Palestine est à elle seule significative !
L’amorce du boycottage développé contre Israël est aussi un point commun entre les deux situations.
Israël développe un apartheid réinventé, un apartheid masqué, les faits et la réalité sont là.
Nous avons eu également beaucoup de témoignages de la terrible réalité à travers les actions de l’association « Jenine-Vénissieux », à ce propos, nous venons de déplorer la disparition de Blandine CHAGNARD qui animait cette association
J’ai reçu tant à Paris qu’ici [Vénissieux Rhône] des cultivateurs palestiniens qui travaillaient leur terre depuis des générations et des générations, on les a privé d’une grande partie de leur terre, on leur a coupé par rétorsion tous leurs oliviers, ils pleuraient dans mon bureau.
Il faut faire vivre les droits fondamentaux pour ce pays en matière d’éducation, de santé, de travail et de logement.
Quelle appréciation faites-vous du développement de la campagne de Boycott à l’égard de l’état d’Israël?
On a beaucoup à faire encore. C’est très difficile de soulever le couvercle, on a pas encore suffisamment fait avancer les choses, il y a une bagarre très forte, on le voit avec les positions complaisantes prises par les différents présidents de la République vis-à-vis d’Israël, pour ma part je ne suis pas du tout satisfait.
On a beaucoup espéré de l’élection de Barack OBAMA et ce fut une immense déception.
Quels sont les différentes actions que peut mener la société civile : campagne pour l’étiquetage des produits des colonies, boycott des produits israéliens …?
L’Union Européenne considère que les colonies violent le droit international et constituent un obstacle à la paix, mais c’est de l’affichage, c’est du discours … quand elle a dit cela qu’est ce qu’elle fait concrètement ? Rien, Rien.
J’ai signé l’appel de la plateforme des ONG pour la Palestine pour que la France décide de l’étiquetage des produits des colonies, et j’ai posé une question écrite au ministre des affaires étrangères à ce sujet. Nous attendons sa réponse.
On parle de la France de la Révolution, des Droits de l’Homme, mais il faut se battre pour qu’ils soient mis en œuvre, pour faire vivre les droits fondamentaux, se battre pour les régularisations, contre les expulsions. On va fêter à Bron un cas de régularisation, mais ces cas de régularisation sont rares, on est confrontés à une politique qui n’a pas changé dans ce domaine.
C’est une lutte difficile, qui n’a pas suffisamment de relais dans les médias.
Je suis prêt à m’engager dans des actions communes à la rentrée.