Communiqué de Solidaires. 7 mai 2020.
Le 20 décembre 2019, Fatou Bensouda, procureure de la Cour pénale internationale (CPI) à La Haye, a exprimé sa volonté d’ouvrir une enquête sur les crimes de guerre commis en Israël-Palestine en vertu du Statut de Rome, précisant que l’enquête portait sur la Cisjordanie, Jérusalem Est et Gaza.
Suite au débat qu’elle a ouvert avec des spécialistes internationaux du droit sur les compétences territoriales de la CPI, elle estime aujourd’hui, dans un document de 60 pages publié le 30 avril 2020, qu’une telle enquête peut être ouverte.
Parmi les obstacles, celui de savoir si l’État de Palestine, bien qu’il ne soit ni souverain ni indépendant, est habilité à saisir la CPI et à poursuivre Israël pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Paradoxe des manœuvres israéliennes, la Palestine se voyait déniée de son droit d’être un État en vertu des accords d’Oslo, alors que ces accords prévoient cet État, mais qu’Israël en empêche la création depuis près de 30 ans.
Les chancelleries traditionnellement alliées d’Israël se sont mobilisées : États-Unis, Brésil, Hongrie, Allemagne, Autriche, mais aussi une équipe internationale de juristes conduite par Robert Badinter qu’on a connu plus soucieux de la vie humaine. A cela s’ajoute les sempiternelles accusations d’antisémitisme qui sont de plus en plus déplacées. Mobilisation procédurière sans précédent, et pour quoi ? Pour empêcher que des crimes soient jugés ? Pour protéger des criminels ? Pour protéger une puissance militaire occupante ?
L’obstacle a été levé et la procureure a bien confirmé l’habilitation de la Palestine, question posée depuis plus de cinq ans. Cinq ans pendant lesquels Israël a bombardé Gaza, causant des milliers de morts qui auraient pu être évités. Si les victimes palestiniennes de crimes de guerre dus à la colonisation israélienne s’accumulent depuis plusieurs décennies, une intervention de la CPI aurait pu permettre d’épargner la vie des civils manifestant chaque semaine depuis deux ans pour défendre leurs droits, et assassinés à bout portant par l’armée israélienne.
Il est plus que temps maintenant de traduire devant la cour les criminels de guerre israéliens, dont certains comme Benjamin Netanyahou et Benny Gantz dirigent encore le pays ! De même qu’il sera temps plus tard de juger ces dirigeants, et d’autres, du crime d’apartheid.
Un ministre israélien a déclaré voir chez Fatou Bensouda l’influence de la campagne BDS (Boycott, désinvestissement et sanctions). Paradoxalement, c’est l’occasion pour le mouvement de solidarité avec la Palestine auquel appartient notre syndicat de découvrir que la stratégie juridique est une voie complémentaire de celle du boycott citoyen, et que les deux doivent être menées de front. En plus de rendre justice, la possibilité pour la Palestine de déposer plainte auprès de la CPI est une reconnaissance et une fierté dont la portée symbolique n’est pas négligeable.
Une chambre préliminaire du CPI, composée de trois juges, doit maintenant entériner la décision de la procureure. C’est en général une formalité, si les juges ne cèdent ni aux pressions, ni aux tentatives de manipulation. D’autres obstacles surgiront peut-être, le Conseil de Sécurité peut par exemple retarder d’un an l’enquête lancée par la procureure.
Nous restons donc attentifs, car la Palestine a malheureusement l’habitude des retournements de situation. Cela fait plus de 70 ans qu’elle attend que le vent tourne. Il est plus que temps.Voir en ligne : l’article sur le site de Solidaires