14 juillet |Article originel sur le site d’Adalah |Traduction MUV pour l’AURDIP
L’Université de Birzeit, Adalah et Al-Haq luttent maintenant pour mettre fin à l’escalade dans la politique discriminatoire israélienne visant à empêcher les universitaires internationaux de séjourner en Cisjordanie et à refuser de renouveler les visas de ceux qui ont des contrats d’enseignement.
Israël refuse de délivrer des permis de travail aux universitaires internationaux travaillant dans des universités palestiniennes en Cisjordanie occupée et durcit sa politique en matière de visas, ce qui les force à abandonner leurs étudiants et à quitter le pays. Les règlements obscurs et arbitraires d’Israël laissent les enseignants internationaux et leurs familles dans une incertitude constante car ils peuvent être expulsés à tout moment.
Aujourd’hui, une université palestinienne en Cisjordanie et deux groupes palestiniens de défense des droits de l’homme intentent une action en justice.
Après trois années académiques consécutives d’intensification des efforts d’Israël pour forcer les universitaires internationaux à quitter le pays, l’Université de Birzeit, Al-Haq et Adalah-The Legal Center for Arab Minority Rights in Israel (le Centre juridique pour les droits des minorités arabes en Israël), exigent l’arrêt immédiat de cette politique qui prend pour cible la liberté académique palestinienne et isole les établissements palestiniens d’enseignement supérieur. L’Université de Birzeit – bien qu’elle opère sous occupation militaire israélienne – doit se voir garantir la possibilité d’exercer son droit à la liberté d’enseignement.
Dans une lettre envoyée le 30 avril 2019 au ministre de l’Intérieur Aryeh Deri, au Procureur général d’Israël, Avichai Mandelblit, à l’Avocat général en chef des armées israéliennes, Sharon Afek, et au Coordinateur des activités gouvernementales dans les territoires (COGAT), Kamil Abu Rokon, Birzeit University, Al-Haq, et Adalah demandent à Israël :
– de lever les restrictions empêchant les universitaires internationaux employés par l’Université de Birzeit de résider et travailler en Cisjordanie ;
– de s’abstenir d’imposer des restrictions arbitraires à la durée du séjour ou à la prolongation de séjour des universitaires internationaux ;
– d’ordonner la publication d’une procédure claire et légale de délivrance de visas d’entrée et de permis de travail pour les universitaires internationaux en Cisjordanie, ce qui permettra à l’université de gérer et maintenir sa liberté académique.
LES CHIFFRES
Si les autorités israéliennes sont les seules à pouvoir en fournir le nombre total au cours des années passées, les refus de renouvellement de prolongation de visas, ainsi que toute une série d’autres conditions, sont en augmentation, comme l’ont confirmé une variété de sources en 2017. La Campagne pour le droit d’entrer, qui suit la question des procédures d’entrée et de visa pour les ressortissants étrangers depuis plus de dix ans, rapporte une claire augmentation des refus de prolongation de visa et un durcissement des restrictions depuis au moins la mi-2016.
Ainsi, le Conservatoire national de musique Eward Said, affilié au Conseil d’administration de l’Université de Birzeit, rapporte une augmentation de 200% des refus de visa au cours des deux dernières années académiques seulement : pendant l’année académique 2017-2018, 4 enseignants internationaux sur 20 se sont vu refuser des prolongations de visa ou l’entrée à la frontière ; en 2018-2019, ils étaient 8 sur 19.
Entre 2017 et 2019, quatre enseignants à plein temps et trois à temps partiel de l’Université de Birzeit ont été contraints à quitter le pays et n’ont pas pu continuer à enseigner parce qu’Israël refusait de renouveler leurs visas. En 2019, Israël a refusé l’entrée de deux universitaires internationaux qui avaient des contrats avec l’Université de Birzeit. Pas un seul des enseignants internationaux, à l’exception de ceux qui étaient directement employés par des programmes gouvernementaux étrangers, n’a reçu de visa pour la durée complète de son contrat pour l’année académique 2018-2019. Au moment de mettre sous presse, six enseignants à plein temps, sous contrat pour l’année académique 2018-2019, n’ont pas de visa valide ; cinq autres – dont un directeur de département – sont à l’étranger sans savoir clairement s’ils seront à même de revenir et d’obtenir les visas requis pour leur séjour durant l’année académique prochaine. Plus de 12 départements et programmes risquent de perdre des enseignants au cours de la prochaine année académique à cause de la politique israélienne.
Abdullatif Abuhijleh, le président de l’Université de Birzeit, a déclaré : « L’obstruction à notre droit d’engager des universitaires internationaux fait partie des efforts continus de l’occupation israélienne pour marginaliser les établissements d’enseignement supérieur palestiniens. Le récent durcissement dans les restrictions de visa n’est qu’un élément d’une politique israélienne systématique et de longue date visant à saper l’indépendance et la viabilité des établissements palestiniens d’enseignement supérieur. »
LES UNIVERSITÉS PALESTINIENNES EN LIGNE DE MIRE
L’Université de Birzeit n’est pas la seule : des universités sont affectées par la politique israélienne dans tout le territoire palestinien occupé, y compris à Jérusalem-Est.
Une étude de février 2018 du ministère palestinien de l’Éducation a révélé que plus de la moitié des enseignants et employés internationaux (32 sur 64) de huit universités avaient été affectés pendant les deux années précédentes par des rejets israéliens de leurs demandes de nouveau visa ou de prolongation de visa, ou par le refus de les laisser entrer en Cisjordanie. Ces universitaires, dont beaucoup sont des Palestiniens détenteurs de passeports étrangers, sont citoyens de divers pays, dont les Pays-Bas, la France, l’Allemagne, l’Inde ou la Jordanie ; la majorité d’entre eux viennent des États-Unis et de pays membres de l’Union européenne.
Au cours des deux dernières années, Israël a durci ses restrictions de visa à l’encontre des universitaires internationaux : leur refusant l’entrée en Cisjordanie ; leur refusant des prolongations de visa ; retardant la procédure de prolongation de leur visa au-delà de la période de validité du visa ; leur attribuant de façon arbitraire des visas de courte validité, parfois de seulement deux semaines à trois mois ; limitant les visas à la seule Cisjordanie et n’autorisant l’entrée et la sortie que par le pont Allenby, plutôt que par l’aéroport Ben Gourion ; exigeant le dépôt de grosses sommes d’argent comme garantie, sommes allant parfois jusqu’à NIS 80 000 (environ US$ 23 300).
Sans permis de travail délivré par Israël et sans moyens clairs pour s’assurer d’obtenir un visa d’entrée ou de séjour, les universitaires internationaux n’ont aucune garantie qu’ils pourront se rendre dans les universités palestiniennes qui les ont recrutés, rester dans les Territoires occupés pour toute la durée de leur contrat académique, ou revenir s’ils voyagent à l’étranger pour des raisons académiques ou personnelles.
Ces restrictions israéliennes ont des répercussions sévères sur Birzeit, ses étudiants et le public palestinien en général en isolant l’université des autres établissements d’enseignement dans le monde et diminuant la qualité de l’enseignement qu’elle offre aux Palestiniens.
POLITIQUE ISRAÉLIENNE ILLÉGALE
Dans le Classement mondial des universités QS de 2019, l’Université de Birzeit s’est classée parmi les trois pour cent des meilleures universités du monde. Mais ce classement se base sur un certain nombre d’indicateurs clés – dont la proportion d’enseignants étrangers et d’élèves étrangers – qui sont maintenant la cible d’Israël. En empêchant Birzeit d’employer des enseignants internationaux, Israël entrave sa capacité à fonctionner comme une université qui répond aux normes internationales.
La politique qu’Israël mène à l’égard des universitaires internationaux viole à la fois le droit israélien et le droit international. Elle viole la liberté des universités d’élargir les champs de recherche et d’études qu’elles offrent aux étudiants palestiniens comme aux internationaux. En ce faisant, Israël empêche la population palestinienne occupée de déterminer par elle-même le type d’enseignement qu’elle souhaite dispenser.
La directrice générale adjointe d’Adalah, l’avocate Sawsan Zaher, qui a rédigé la lettre aux autorités israéliennes, a déclaré : « Les Palestiniens de Cisjordanie et de la Bande de Gaza – comme tous les autres peuples du monde – sont habilités à exercer leur droit à la liberté académique dans le cadre de leur droit à l’autodétermination. L’occupation militaire israélienne ne peut empêcher les Palestiniens d’exercer ce droit. »
De fait, selon l’interprétation appliquée à l’article 43 du Règlement de La Haye de 1907, la souveraineté sur l’éducation ne change pas de mains – elle est inaliénable – et doit demeurer entre les mains de la population palestinienne occupée.
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