Israël, complice des génocides

Par Yair Auron. Publié dans Haaretz, le 2 octobre 2017.

(traduit de l’anglais par Yves Jardin, membre du GT de l’AFPS sur le génocide)

L’État d’Israël envoie des armes à un pays qui est en train de perpétrer un nettoyage ethnique. Autrefois on n’aurait même pas pu imaginer une telle chose, puis il s’est avéré que pendant les années 1990 le gouvernement de Rabin, de Peres et du Meretz vendait des armes aux gouvernements génocidaires du Rwanda et de Serbie.

L’envoi d’armes a un gouvernement qui est coupable de génocide ressemble beaucoup à (excusez la comparaison) l’envoi d’armes à l’Allemagne nazie pendant l’Holocauste. Nos dirigeants néanmoins l’ont fait sciemment et ont par ce processus profané la mémoire de l’Holocauste. Il est important de souligner qu’ils nous ont tous deux, vous et moi, transformés en criminels, en complices d’un crime et en complices du génocide.

Au Myanmar (Birmanie) il y a actuellement un «exemple classique de nettoyage ethnique » qui se poursuit, selon l’Organisation des Nations Unies. Le Ministre de la Défense Avigdor Lieberman peut tergiverser et mentir, mais l’amère réalité est cruelle. Israël est le seul pays démocratique, du moins selon les reportages de la presse, qui vend encore des armes au Myanmar. Les pays d’Europe et d’Amérique du Nord ont cessé de le faire, alors même qu’il n’y a pas d’embargo officiel.

Eitay Mack, qui pendant des années a mené la lutte contre les exportations criminelles d’armes par Israël – non pas par des marchands d’armes privés, mais par l’Etat d’Israël – à des régimes douteux, a adressé une requête à la Haute Cour de Justice pour faire cesser les exportations de matériels de défense au Myanmar. Sa requête a été rejetée, et, par une démarche sans précédent, il y a eu l’imposition d’un ordre de non-divulgation de tout le jugement, même si l’affaire a été examinée en audience publique.

J’ai eu le privilège de présenter avec Mack des requêtes contre les ventes d’armes par Israël au régime meurtrier de Serbie, qui a procédé au début des années 1990 à des campagnes de nettoyage, et au moins à un massacre à Srebrenica en Bosnie, et une autre requête contre les livraisons d’armes au gouvernement des Hutu au Rwanda, qui a perpétré le génocide le plus rapide de l’histoire humaine.

Il y a une relation entre le rejet de nos pétitions à ce moment-là et la réalité actuelle. Les requêtes d’alors ont été présentées après les faits, au sujet de crimes qui avaient déjà été commis. La pétition et la lutte actuelles portent sur le présent. Aujourd’hui, au Myanmar, il y a des enfants et des personnes âgées qui sont assassinés et des femmes qui sont violées. Il y en aura presque certainement davantage demain.

Nous avons dit à la Haute Cour «de gauche» que révéler des documents en application de la Loi sur la Liberté de l’Information pourrait envoyer le signal au gouvernement israélien qu’il y a des limites et des restriction à la vente d’armes à des régimes meurtriers. La requête a été rejetée aux motifs qu’elle saperait la sécurité de l’état et les exportations de matériel de sécurité de l’état. Mais le succès de la lutte actuelle peut sauver des vies.

J’ai appris une chose en m’occupant de l’Holocauste et du génocide, et c’est la valeur sacrée de la vie humaine et l’égale valeur des vies humaines, parce que nous sommes tous des êtres humains créés à l’image de Dieu. Quand nous nous souvenons de ce fait fondamental, beaucoup de choses deviennent simples.


Le Prof. Auron est un chercheur sur le génocide qui travaille à faire reconnaître les génocides d’autres peuples.