Du sionisme originel, il ne reste qu’une chose : l’Etat juif prôné par Herzl est devenu le bastion avancé de la civilisation contre la barbarie. Si l’argument du bastion exprimé par Herzl n’était peut-être qu’un argument de circonstance pour convaincre les puissances de l’époque de soutenir la création d’un Etat juif en Palestine (et pour Herzl les Juifs sont essentiellement les juifs européens), la création de l’Etat d’Israël a atteint cet objectif et c’est le seul objectif atteint. Quant au havre de paix pour les Juifs prôné par Herzl, il est mort dès lors que le mouvement sioniste a décidé de construire son Etat en Palestine, nonobstant le fait que la Palestine était peuplée. Une fois cette décision prise, le mouvement sioniste ne pouvait que conduire à la conquête de la terre palestinienne et à l’expulsion de ses habitants.
L’histoire de l’Etat d’Israël est jalonnée de guerre, guerre que ses thuriféraires présentent comme des guerres de défense depuis la guerre dite d’indépendance de 1948 jusqu’aux guerres d’aujourd’hui. Et pourtant ces guerres ne sont que la continuation de la guerre de 1948 pour accroître la part de terre palestinienne occupée par l’Etat d’Israël. La colonisation des terres occupées depuis 1967 n’est pas, comme une certaine bonne conscience de la « gauche sioniste » se complaît à le dire, le fait de quelques minorités extrémistes plus ou moins religieuses mais une politique d’Etat qui a permis à de nombreux Israéliens de s’établir dans ces colonies, que ce soit pour des raisons idéologiques ou simplement pour des raisons économiques, les divers gouvernements israéliens favorisant l’établissement dans les colonies. Sans oublier la colonisation intérieure qui se pratique à l’intérieur de la ligne verte (la frontière de 1948) à l’encontre des Palestiniens citoyens d’Israël, ainsi au Negev ou en Galilée.
S’il y eut une initiative de paix, celle-ci revient aux Palestiniens qui acceptaient en 1988 le principe de la coexistence de deux Etats autour de la frontière de 1948 laissant aux Israéliens 78% du territoire palestinien. « La paix contre les territoires » pourrait-on dire. Mais l’Etat d’Israël n’a jamais voulu entendre cet appel et ses alliés occidentaux n’ont su que brocarder Arafat qui était à l’origine de cette initiative. Quant aux diverses initiatives qui ont été prises depuis, elles étaient autant de leurres qui avaient pour seul but de renforcer l’hégémonie israélienne sur le territoire palestinien, que ce soit les Accords d’Oslo ou que ce soit la « feuille de route », les Palestiniens apparaissant comme les agresseurs auxquels on demandait de faire les concessions nécessaires pour aboutir à la paix comme s’ils étaient les seules responsables de l’occupation de leur pays. Mais il semble que la question est moins d’aboutir à la paix que de montrer au monde que si celle-ci ne peut se faire, la faute en incombe aux Palestiniens.
Le dernier grand leurre fut le « désengagement de Gaza » qui fit passer Sharon pour un homme de paix. Gaza, une fois débarrassée des colons israéliens, devenait une prison pour ses habitants, enfermé entre ses frontières terrestres et la mer contrôlée par la marine israélienne. Et comme l’ont montré les derniers événements, il devient plus facile pour l’armée israélienne d’intervenir sur le territoire débarrassé des colons juifs et l’on peut détruire plus facilement l’infrastructure du pays.
Et les alliés occidentaux d’Israël, européens et américains, oublient facilement que la question essentielle est celle de l’occupation et du refus de reconnaître les droits des Palestiniens. L’hypocrisie est apparue au grand jour avec l’arrêt des subventions à l’Autorité Palestinienne sous le prétexte qu’aux élections du Parlement Palestinien, les plus démocratiques dans le monde arabe nous a-t-on expliqué, les élus n’étaient pas les bons et que le gouvernement issu de ces élections ne reconnaissait pas l’Etat d’Israël, ne renonçait pas à la violence et ne respectait pas les Accords d’Oslo. On oubliait ainsi que l’Etat d’Israël n’a jamais reconnu le droit à un Etat palestinien, n’a jamais cessé l’occupation avec toutes les violences qu’elle implique, des cheiks points aux assassinats ciblés et à la déstructuration de la société palestinienne, et a oublié depuis longtemps les Accords d’Oslo qui leui étaient pourtant favorables.
Il a suffi d’une opération de la Résistance palestinienne pour que le gouvernement israélien déclenche une opération militaire contre Gaza conduisant à des meurtres de civils et à la destruction des infrastructures vitales (électricité et eau) du pays. Devant cette intervention militaire, les alliés occidentaux n’ont su que déclarer le droit de l’Etat d’Israël à se défendre tout en demandant que la riposte ne soit pas disproportionnée. Qu’est-ce que cela veut dire ? que l’on ne parle pas d’occupation et que l’on condamne toute action de résistance, en contrepartie on demande à Israël de ne pas tuer trop de Palestiniens.
Pourquoi une telle attitude occidentale, y compris de ceux des Européens qui se déclaraient soucieux du sort des Palestiniens. C’est parce que Israël est un Etat occidental, qu’il est, pour reprendre le langage de Herzl, le bastion de la civilisation contre la barbarie dans la grande guerre que certains veulent définir comme le choc des civilisations. Si guerre il y a au Moyen-Orient, le responsable ne peut être ce bastion de l’Occident qui peut se permettre en toute impunité de bafouer le droit international. Les Palestiniens ont le malheur d’être les victimes de ce bastion et tout au plus les bonnes âmes de l’Occident leur offrent leur compassion et leur demandent d’accepter les exigences de leurs oppresseurs pour que tout rentre dans l’ordre.
Après Gaza le Liban. Prenant prétexte d’une opération militaire du Hezbollah, le gouvernement israélien décide d’attaquer le Liban, de bombarder villes et ports, faisant de nombreuses victimes civiles, et de mettre en place un blocus du pays. Ici encore que font les alliés occidentaux ? ils déplorent. On peut alors voir la différence de traitement, toujours à propos du Liban, envers la Syrie et Israël. Lorsque la Syrie intervient au Liban, la « communauté internationale » intervient et montre qu’elle sait obliger la Syrie à obéir, mais lorsque le bastion israélien intervient au Liban, on se contente de déplorer. Aucune mesure de rétorsion contre un Etat qui, parce qu’il appartient à la famille occidentale, peut tout se permettre.
Civilisation contre barbarie dit-on ! oui si l’on reconnaît que toute civilisation comporte sa part de barbarie, et la civilisation occidentale comporte sa part de barbarie, que ce soit la barbarie coloniale, la barbarie européenne au cours des deux guerres mondiales du XXème siècle, ou la barbarie à l’encontre de ceux qui ne veulent pas se plier aux exigences de l’Occident. Et l’Etat d’Israël, bastion avancé de la civilisation occidentale, participe pleinement de cette barbarie.
Comme le dit Benjamin
« Car il n’est pas de témoignage de culture qui ne soit en même temps un témoignage de barbarie. »
Rudolf Bkouche
membre du Bureau National de l’UJFP.