Des forces de sécurité israéliennes ont démoli une partie d’une banque de graines le 31 juillet. Une « attaque contre la souveraineté alimentaire palestinienne », alors que la Cisjordanie est progressivement annexée par la force.
Beyrouth (Liban), correspondance, le 2 août 2025
La sidération. Des bulldozers accompagnés d’hommes cagoulés et de soldats israéliens ont pris d’assaut la banque de semences paysannes de l’Union des comités de travail agricole (UAWC) à Hébron (Cisjordanie occupée), le jeudi 31 juillet. La vidéo des caméras de sécurité, visionnée par Reporterre, les montre sortir et jeter du matériel avant de démolir un bâtiment, laissant des tôles ondulées dans leur sillage.
« L’occupation israélienne a débarqué sans préavis avec des bulldozers et des machines lourdes. Il n’y a eu ni ordre d’évacuation, ni mandat, ni décision judiciaire », s’indigne Yasmine el-Hassan, responsable du plaidoyer et de la mobilisation communautaire de l’Union des comités de travail agricole, l’une des plus grandes organisations agricoles palestiniennes, dans une note vocale envoyée à Reporterre.

La banque de semences fait face à une paralysie totale après la destruction complète de son réseau électrique, forçant l’arrêt de toutes ses opérations quotidiennes, affirmait l’UAWC le 1er août au matin. Les infrastructures hydrauliques auraient également subi de lourds dommages, entraînant une coupure totale de l’eau et mettant en péril les 16 dunums de terres cultivées. « Sans irrigation, les cultures risquent une déshydratation rapide, compromettant l’ensemble de la saison agricole », explique Yasmine Al-Hassan.
Les membres de l’UAWC qui étaient présents ont écarté manu militari lors de l’opération et sont en sécurité, affirme-t-elle. « Nous nous estimons chanceux qu’il ne leur soit rien arrivé », ajoute-t-elle. C’est la première attaque contre cette banque de semences paysannes, fondée en 2003, qui sert à protéger et à disséminer des semences paysannes et autochtones palestiniennes.

L’armée israélienne a affirmé auprès de Reporterre ne pas avoir connaissance d’une telle opération, et les autres forces de sécurité n’ont pas répondu à nos relances. Le flou plane donc sur les motivations de l’État hébreu.
« C’est une attaque contre la souveraineté alimentaire en Palestine »
« C’est une attaque contre la souveraineté alimentaire en Palestine — qui est l’un des fondements d’un avenir palestinien durable, ce qui leur fait peur, donc ils ciblent des initiatives pour tenter de nous empêcher de rester sur nos terres », fustige Yasmine Al-Hassan.
La banque de semences de l’UAWC sauvegarde et reproduit plus de 50 variétés de semences traditionnelles « autochtones » qui constituent la base de la souveraineté alimentaire palestinienne, d’une génération à l’autre. « Notre banque de semences s’emploie à renforcer l’indépendance des agriculteurs palestiniens et à réduire leur dépendance à l’égard des semences commerciales importées », explique sa porte-parole.
« La banque de semences [de l’UAWC] est très importante pour tous les Palestiniens : agriculteurs, institutions académiques et organisations environnementales, c’est un lieu éducatif pratique qui soutient la souveraineté palestinienne », s’indigne également indignée Abeer Butmeh, coordinatrice du Réseau des ONG environnementales palestiniennes — Amis de la Terre (PENGON-FoE), dans un message électronique à Reporterre.

L’opération israélienne contre la banque de semences de l’UAWC survient alors que l’occupation s’intensifie en Cisjordanie. Une semaine plus tôt, le Parlement israélien approuvait une motion symbolique pour l’annexion totale du territoire et validait un plan de 275 millions de dollars pour les colonies, illégales selon le droit international.
En mai, un nouveau règlement sur le recensement foncier renforçait encore le contrôle israélien sur la Zone C — 60 % de la Cisjordanie — facilitant l’accaparement des terres, où vivent 500 000 colons parmi 3 millions de Palestiniens.
2 200 attaques de colons
« Ils ont endommagé la banque de semences sous prétexte qu’elle se trouve dans la zone C », estime Abeer Butmeh. « Les incursions israéliennes s’intensifient, la violence augmente, et ils annexent autant qu’ils peuvent : c’est très clair sur le terrain », poursuit-elle.
En janvier, Israël lançait l’opération « Mur de Fer » en pleine trêve à Gaza. Depuis, 647 Palestiniens ont été tués, plus de 5 000 blessés et 36 000 déplacés, selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU qui recensait fin juin 2 200 attaques de colons.