Du débat sur « identité nationale » à la convention « islam et laïcité » du 5 avril 2011
Du prétendu « débat sur l’identité nationale » initié par Eric Besson en 2009/2010, au discours de Nicolas Sarkozy à Grenoble en juillet dernier, de celui ensuite de Brice Hortefeux sur les Roms et maintenant cette prochaine convention annoncée pour le 5 avril prochain ayant pour thème « Islam et laïcité », nous assistons à une surenchère continue d’un discours d’ Etat assumé, raciste et xénophobe, stigmatisant successivement les sans-papiers demandeurs d’asile, les jeunes des banlieues, les Roms et par extension les gens du voyage en général.
Le président Sarkozy et ses ministres, Claude Guéant encore la semaine dernière, valident un cadre d’analyse des difficultés rencontrées par les couches paupérisées de la société française comme dues à « l’invasion » étrangère. Ce discours raciste à vocation électoraliste se retourne contre ses auteurs, ceux à qui il s’adresse « préférant l’original à la copie », et surtout constatant que ce pouvoir qui désigne les étrangers comme coupables se révèle incapable cependant de leur apporter emploi, revenu et sécurité, votent « décomplexés » pour un Front National qui promet d’appliquer une politique encore plus explicitement raciste et xénophobe.
Discours raciste sans équivalent depuis les années 1930 en France et les campagnes antisémites qui ont précédées la politique de Vichy.
Jamais depuis cette période nous n’avons connu une telle production de textes racistes, islamophobes, dans la presse et les médias, un tel nombre de déclarations publiques par les représentants de l’Etat, de partis politiques – et pas seulement de droite !- par les représentants d’associations diverses sous couvert de la laïcité.
Mais ce climat délétère, populiste, ne saurait être compris si nous ne réintégrons pas dans notre grille de lecture, l’héritage colonial qui est le nôtre, le racisme qui le structurait, tout autant virulent que l’antisémitisme qui sévissait en Europe, si nous nions qu’il existe aujourd’hui en France un profond racisme qui trouve son fondement dans des institutions, des pratiques, des discours et des représentations qui se sont élaborées dans le cadre de l’empire colonial français.
Enzo Traverso écrit dans un article récent :
_« L’élément fédérateur de cette nouvelle extrême droite réside dans la xénophobie, déclinée comme un rejet violent des immigrés et, plus particulièrement de l’ Islam. Véritable axe structurant de leur propagande, l’islamophobie joue pour ces mouvements le rôle qui fut jadis celui de l’antisémitisme pour les nationalismes et les fascismes d’avant la Seconde guerre Mondiale. La mémoire de la Shoah – une perception historique de l’antisémitisme au prisme de son aboutissement génocidaire – tend à obscurcir ces analogies pourtant évidentes. Le portrait de l’arabo musulman brossé par la xénophobie contemporaine ne diffère pas beaucoup de celui du juif construit par l’antisémitisme du début du XX siècle ».
Nous devons le reconnaître: nous n’avons pas su établir ce rapport entre ces deux formes de racismes bien que nous dénoncions depuis longtemps l’usage excessif et inconsidéré de la destruction des juifs européens et de « la mémoire » dans le discours israélien, dans celui du CRIF et celui, opportuniste, des politiques français, à propos de la guerre coloniale menée par Israël contre le peuple palestinien.
Aujourd’hui, nous devons être clairs: oui, le discours raciste et xénophobe que portent les plus hauts représentants de l’Etat, les partis de droite et d’extrême droite plus particulièrement, ce racisme dirigé contre des pans entiers de la population française est un racisme qui trouve ses fondements dans des institutions, des pratiques, des discours et des représentations qui se sont élaborées dans le cadre de l’ Empire colonial français .
Un passé aujourd’hui encore largement occulté dans notre mémoire collective.
Nous devons affirmer que ce racisme, post-colonial, n’est pas une simple survivance du passé, qu’il s’agit au contraire d’une construction permanente sans cesse réactivée qui traverse toutes les classes sociales et toutes les forces politiques de notre société, les représentations héritées du passé étant reformulées et réinvesties au service d’intérêts contemporains.
Nous sommes loin du débat sur la laïcité. Celle-ci , en effet, a pour vocation de constituer un espace public commun, au delà des différences culturelles et/ou religieuses. Elle n’a de sens que dans une société multi culturelle et multi religieuse assumée. La laïcité est une réflexion nécessaire sur les conditions de vie commune dans la diversité, le respect de l’ Autre et non sa stigmatisation constante.
Le bilan des ces derniers mois est lourd de menaces, ne peut nous laisser indifférents.
C’est pourquoi nous – Association juive progressiste- nous appelons nos concitoyens à se mobiliser face aux dangers majeurs dont est porteur le discours d’Etat actuel, raciste et xénophobe, à se mobiliser pour faire échec au projet gouvernemental du 5 Avril prochain intitulé :« Islam et laïcité». Nous les appelons à s’investir dans la préparation des manifestations du 28 mai prochain en répondant à l’Appel pour une mobilisation nationale et unitaire contre le racisme, la politique d’immigration du gouvernement et pour la régularisation des sans-papiers : « D’ailleurs, nous sommes d’ici » !.
Le BN de l’UJFP, le 23/03/2011