« Les discriminations et le racisme sont contraires à nos valeurs juives »
Pierre Stambul, porte-parole de l’association Union juive française pour la paix (UJFP), présente ce mercredi à la librairie Transit (Marseille, 1er) à 19 heures l’ouvrage « Parcours de juifs antisionistes en France ».
Depuis sa naissance en 1994, l’UJFP se prononce en faveur du droit au retour des Palestiniens, du boycott d’Israël, et définit l’État hébreu comme un État d’apartheid. L’association est ouvertement antisioniste.
La Marseillaise : Quelle est la particularité de ce livre ?
Pierre Stambul : Certainement la richesse des 22 témoignages qui le composent. On retrouve des jeunes et des vieux, des hommes et des femmes, des Sépharades et des Ashkénazes, ainsi que des anciens sionistes et des personnes qui ne l’ont jamais été. La parole est donnée à certains éduqués dans la religion, d’autres non, à ceux qui connaissent Israël et ceux n’y étant jamais allés. Tous ces témoignages convergent vers l’idée que les discriminations, le racisme, et l’essentialisation sont des crimes contraires à toutes nos valeurs juives.
Quelles sont les principales raisons de cet antisionisme ?
P.S. : La société israélienne est suprémaciste. Et pour une partie d’entre nous qui sommes des enfants du génocide, cela nous est totalement insupportable. Un consensus a été trouvé au sein de l’UJFP pour dire qu’Israël a pratiqué une politique d’apartheid dès sa création en 1948, avec l’expulsion des Palestiniens qui a été véritable nettoyage ethnique prémédité. Certains témoins du livre ont été choqués du racisme ambiant lors de leur séjour en Israël, qui a été un élément déclencheur. D’autres sont des juifs marocains, et ne supportent pas l’oppression exercée sur les Arabes. Nous ne sommes pas surpris de ce qu’est le gouvernement israélien aujourd’hui. Le sionisme ne pouvait mener qu’à ça.
L’idéologie sioniste n’était-elle pas laïque à l’origine ? A-t-elle été infestée par le fait religieux ?
P.S. : Ces juifs laïques ont commis tous les grands crimes contre les Palestiniens. En 1956, l’expédition dans le Sinaï a été conduite par un gouvernement travailliste, la conquête de 1967 a été ordonnée par un régime laïque, et le mur de séparation a également été édifié par les travaillistes, qui ont bombardé Beyrouth en 2006. Les récentes manifestations à Tel-Aviv contre le gouvernement montrent l’absence du fait palestinien dans les revendications pour une société libérale. Pour nous, la gauche sioniste n’existe pas. Nous sommes universalistes et considérons que chacun doit avoir les mêmes droits.
Pourquoi de nombreux juifs en France refusent la critique de l’État d’Israël ?
P.S. : Il y a une évolution communautaire extrêmement négative dans laquelle des intellectuels ont joué un très sale rôle. Le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) est devenu une antenne de la droite du Likoud. On se retrouve également avec des histrions racistes comme Alain Finkielkraut, Bernard-Henri Lévy ou Pascal Bruckner. C’est tout un mouvement général qui s’est construit en associant la critique d’Israël à l’antisémitisme. C’est une aberration. Dernier élément, un regain religieux très fort dans le judaïsme orthodoxe, majoritaire en France.