Intervention de Michèle Sibony au Meeting de solidarité internationale pour l’Algérie

Meeting Algerie 26 février 2024

L’UJFP dont je suis l’un des porte parole, tient à apporter ici tout son soutien aux prisonniers du Hirak algérien, et en particulier aux grévistes de la faim (voir la présentation du meeting du 26 février 2022).

Saïd Salhi, vice-président de la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme (LADDH) expliquait ainsi la situation le 6 février dernier (TV5 Monde) :

« Les Algériens n’arrivent même pas à exercer leurs droits les plus basiques. Je parle même de droits acquis en 1988. Aujourd’hui, ils sont remis en cause. Les droits d’association, le droit de manifestation publique, de réunion : ce sont les droits de première génération. Nous n’avons jamais vécu une telle situation depuis la décennie noire. Nous n’avons jamais atteint le chiffre de 333 détenus d’opinions. Nous n’avons jamais assisté à un cas de dissolution de parti ou d’association. Tous les partis de l’opposition démocratique sont menacés. Nous avons sept femmes en prison. C’est un cas inédit. Près de quatorze journalistes sont sous poursuites judiciaires. Quatre sont en détention. Nous assistons à une escalade de la répression. »

Les prisonniers du Hirak algérien, méritent notre soutien total à plus d’un titre. Ils payent de leur droit  fondamental  à la liberté et à une vie digne, en  portant sur leurs épaules les droits humains fondamentaux bafoués, l’indignité de traitement des populations révoltées à juste titre, la violence des régimes qui oppriment ces populations.

ils sont aujourd’hui, hommes, femmes et enfants, les héros de la liberté et des revendications démocratiques que nous soutenons. Ils sont les résistants d’aujourd’hui et l’histoire leur rendra justice, et qualifiera les oppresseurs. Mais ils ont besoin de notre aide maintenant !

Au-delà  de ce qu’ils subissent, la pire chose qui les menace, qui nous  menace, et  qui conforterait les régimes qui les oppriment ce serait l’oubli. Les abandonner à leur sort, reviendrait  à nous abandonner nous mêmes. Ils portent nos revendications, nous leur devons de lutter pour leur libération. Une proche d’un détenu déclarait récemment : « Ce dont ils ont le plus peur, c’est d’être oubliés. Ils le vivraient comme une trahison ».

Je voudrais  aussi  évoquer  puisque nous sommes dans un meeting de solidarité internationale, les prisonniers du Hirak marocain  ceux d’Égypte  et  ceux de  Palestine, car dans des contextes différents ce sont tous des prisonniers du Hirak, ce terme qui désigne les mouvements de contestation, de revendications et les soulèvements dans le monde arabe.

Un rassemblement de la communauté marocaine a eu lieu mercredi, dernier devant le Parlement européen à Strasbourg, pour attirer l’attention de l’Europe sur les atteintes aux  libertés,  l’appeler à exiger la libération de tous les prisonniers politiques et d’opinion au Maroc. Et notamment les journalistes Omar Radi, Soulaimane Raissouni, Toufik Bouachrine, les prisonniers du Hirak du Rif : Nasser Zefzafi, Nabil Ahamjik, Saïd lghid, Zakaria Adehchour, Mohamed Jaloul, le militant Nouredine Aouaj et les citoyens actifs sur les réseaux sociaux.

Si aujourd’hui seuls huit membres du Hirak demeureraient incarcérés selon un membre de l’Association des familles,  les leaders du mouvement, Nasser Zefzafi et Nabil Ahamjik, condamnés à 20 ans de prison chacun, ne sont pas concernés par la grâce.  

 Et l’appel du rassemblement nous précise cependant  qu’: »Au Maroc, les enlèvements, la torture, les arrestations arbitraires, les poursuites judiciaires, les condamnations à de lourdes peines de prison restent ce qui caractérise +l’exception marocaine+ tant défendue par les Etats membres de l’UE »…on continue à cibler les journalistes et des défenseurs des droits humains à l’aide du logiciel israélien Pegasus, les atteintes aux droits fondamentaux, à la liberté d’opinion, à la liberté de la presse se multiplient,  on harcèle, salit, instrumentalise et condamne, le courage et l’engagement se paient au prix de vies brisées. »

Déclaration du militant palestino égyptien  Ramy Shaath  à sa libération en janvier dernier, libération qui l’a obligé à renoncer à la citoyenneté  égyptienne, Sa citoyenneté :

«…Je suis déterminé à poursuivre mon combat pour les 60 000 prisonniers d’opinion en Égypte. Maintenant que je connais cette cause de l’intérieur, que j’ai vu de mes propres yeux la torture, les souffrances, les familles brisées, ruinées, c’est devenu une affaire personnelle. Le système répressif égyptien crée une nation de désespérés, gouvernés par la peur et la colère. Les détenus qui ne se radicalisent pas en prison ne veulent plus qu’une chose : fuir à l’étranger, ou bien, pour ceux qui ont perdu tout espoir, se suicider. C’est une catastrophe, à l’échelle individuelle, mais aussi à l’échelle nationale.

Palestine :

Au total, 8 000 Palestiniens ont été arrêtés par les autorités de l’occupation israéliennes en 2021.

Au 8 février 2022, il y avait 4 500 prisonniers politiques palestiniens enfermés en Israël, dont 180 enfants et 500 détenus administratifs. Sinistre héritage juridique du mandat britannique  qui permet de renouveler indéfiniment les 6  premiers mois  de détention, sans procès et sans acte d’accusation, les avocats n’ayant pas accès au dossier classé secret.

Les 500 prisonniers administratifs poursuivent  leur boycott des audiences des tribunaux, depuis plus de 50 jours en protestation contre la politique de détention administrative.

Je voudrais indiquer ici  la dernière publication de Addameer, ONG palestinienne de défense des prisonniers du 21 février dernier, une brochure intitulée :  « Luttes croisées en Palestine, en Colombie et en Espagne », et présentée en ces termes :

« Les prisonniers politiques représentent une catégorie et un phénomène d’individus soumis à l’incarcération en raison de leur dissidence vis-à-vis des puissances étatiques ou occupantes. Ainsi, le phénomène est mondial et transnational, et bien que les différences abondent dans les contextes sociopolitiques, les structures oppressives, et/ou le degré et la portée de la répression, les prisons continuent d’être un site principal de la violence infligée par les puissances étatiques (ou occupantes) pour étendre le contrôle sur les populations et réprimer les actes de résistance…

 …le livret vise à devenir un outil entre les pays pour rapprocher les civils en ce qui concerne l’incarcération pour des motifs politiques, la torture et les mauvais traitements, la criminalisation de la dissidence politique, le non-respect des garanties d’un procès équitable, parmi d’autres violations des droits des prisonniers et des droits de l’homme, et, surtout, le coût humain aigu supporté par les prisonniers politiques et leurs familles. »

Il me semble que cette présentation  constitue un assez beau programme de lutte convergente pour nos sociétés civiles, pour la protection  et la libération des prisonniers politiques  où qu’ils se trouvent  dans le monde et donc  la sauvegarde de nos libertés qu’ils représentent.

 J’ajouterais pour terminer une pensée  que nous devons avoir pour Julien Assange le prisonnier occidental le plus menacé aujourd’hui ( 175 ans de prison s’il est extradé aux États-Unis) pour avoir divulgué ce que chaque citoyen du monde est en droit de savoir).

Et aussi : ne nous y trompons pas, l’arbitraire s’est étendu à la France, dissolution d’associations musulmanes, puis pro palestiniennes, fichés S par milliers dans l’opacité la plus totale.  Lois discriminantes.  Sans parler de George Ibrahim Abdallah  toujours détenu  pour  des raisons politiques,  alors que selon le droit français il est libérable depuis 1999.

Agissons tous pour  la libération des prisonniers du Hirak, en Algérie et  de tous ceux qui partout dans le monde sont le symbole de nos libertés bafouées, leur destin sera le nôtre. 

Notre planète est en grand danger par de multiples aspects, l’impérialisme, et ses guerres, des régimes de plus en plus autoritaires qui se développent partout, la régression de toutes nos libertés : nous sauver passe par la défense des prisonniers du Hirak Algérien, ceux du Maroc, d’Égypte, de Palestine, et de tous ceux qui dans le monde payent le prix de la liberté d’expression et de la lutte politique pour un monde meilleur.

Je citerai pour conclure Etel Adnan  la poétesse libanaise décédée  en novembre dernier :

« il n’y a pas lieu de craindre ceux qui insultent notre insoumission, les vaincus auront toujours le dernier mot ».