Un colloque, organisé par La France Insoumise (LFI) et animé par Danièle Obono, s’est tenu le 15 mars 2019, à l’Assemblée Nationale.
Ce colloque avait pour thème général : « Égalité des droits et lutte contre le racisme et les discriminations.
La 2ème table-ronde, dont le thème était : »En finir avec le racisme et les discriminations : la République à l’épreuve des faits, a vu l’intervention de Michèle Sibony, dont le texte suit.
Je m’intéresserai à la question de l’antisémitisme qui occupe de fait le devant de la scène en ce moment. C’est une question qui occupe particulièrement l’UJFP et dont l’association s’est emparée très tôt dans le cadre de la montée du racisme en France. Je rappellerai le partenariat constitué très tôt au début des années 2000 avec l’ATMF et dont le fondement était de signifier partout où c’était possible que la ligne de démarcation voulue par Bush qui séparait l’occident judéo chrétien et l’islam, le bien du mal, passait pour nous ailleurs, entre le droit et le déni du droit, et que dans ce découpage juifs et arabes pouvaient se trouver du même côté.
Je me souviens d’un événement de 2002, où l’ATMF de Gennevilliers nous avait demandé d’intervenir avec elle. Des tags assimilant étoile de David et croix gammées étaient apparu suite à la réinvasion de Ramallah Naplouse Jenine … L’ATMF Gennevilliers a battu le rappel dans les cités, et nous sommes intervenus ensemble avec une invitée militante israélienne de Ta’ayush (vivre ensemble en arabe : un groupe juif et palestinien d’Israël qui apportait la solidarité dans les territoires occupés palestiniens de Cisjordanie). Esti avait avec elle le film sur leurs dernières actions : franchir un check point pour atteindre des villages des TOP. Elle avait encore l’épaule plâtrée conséquence de l’agression militaire subie sur place une dizaine de jours avant.
Notre rôle à nous était d’expliquer que nous étions juifs, et non israéliens que nous n’avions rien à voir avec ce que faisait Israël dans les TOP prétendument en notre nom, (ce que claironnait le CRIF à l’époque) et que nous soutenions plutôt les actions pacifiques de nos camarades israéliens anticolonialistes. Nous avons expliqué ce qu’était le racisme et sa forme antisémite, comment on pouvait, à la fois lutter contre les préjugés racistes antisémites comme tous les autres, il le fallait, et tenir des positions politiques critiques (ou non d’ailleurs) vis à vis d’Israël. Qu’il s’agissait de deux registres différents qui ne devaient à aucun prix être mélangés ou confondus. Il fallait voir l’étonnement des jeunes de la cité devant ceux qu’ils regardaient comme des ovnis, une israélienne se faire casser l’épaule par un soldat israélien, des juifs contre l’occupation, et critiques d’Israël et il fallait entendre comment la question de l’antisémitisme, de la confusion des termes qui avait surgi avec le bâillon posé sur la critique d’Israël (puisque déjà à l’époque les critiques étaient assimilées à de l’antisémitisme dès qu’elles émanaient des banlieues et des quartiers populaires) s’effondrait devant cette possibilité d’élaboration politique que nous avions réouverte pour eux.
Le droit à la critique d’Israël et de sa politique sans amalgame avec la haine des juifs, le politique contre le racisme. Un programme qui leur était interdit, et qui est plus que jamais d’actualité. À ceux-là le rapport Rufin deux ans plus tard réservait le racisme comme seule issue entérinant la dissociation catégorique antisémitisme /racisme et en posant un concept qui a fait école depuis : l’antisionisme radical (de l’extrême gauche et des banlieues) qu’il assimilait à l’antisémitisme en réclamant une loi qui sous bien des aspects rappelle les exemples de la définition de l’IHRA.
Un premier constat s’impose et s’oppose au titre de ce colloque : il n’y a pas égalité de droits dans le traitement des discriminations, loin s’en faut. Sous l’influence néoconservatrice importée et conjuguée avec le postcolonialisme républicain le racisme est devenu un outil de division manié par le pouvoir dans une guerre idéologique contre l’islam. Le premier problème est le refus d’envisager la dimension idéologique des structures antiracistes mises en place par nos derniers gouvernements. Je prendrais le cas de la DILCRAH créée en 2012 ; on se souvient que cet organisme a longtemps été dirigé par Gilles Clavreul qui ne cache pas son islamophobie virulente, et trouve dans le printemps républicain le cadre d’accueil idéal de ce racisme avatar néoconservateur.
Je renvoie d’ailleurs au site de la DILCRAH aujourd’hui, où l’on peut constater l’effet pervers de la séparation antisémitisme/racisme qui agit dans tous les titres en identifiant clairement le racisme antisémite, et en anonymant toutes les autres formes de racisme sous l’étiquette générique de « racisme ».
On a donc un silence massif sur l’islamophobie, la négrophobie invisible, et la Rromophobie, toutes trois très actives dans ce pays et rien non plus sur le racisme qui frappe les personnes d’origine asiatique. Cette transparence est incroyablement dangereuse, car elle désigne les Juifs comme ceux dont on s’occupe en priorité, au lieu de démontrer l’égalité de traitement. Et que dire des 1000 agressions dont 270 physiques recensées contre les homosexuels.
On a d’ailleurs beau jeu après ce désintérêt et cette minimisation des autres formes de racisme ou même cette négation concernant l’islamophobie d’attaquer le CCIF par exemple qui s’est constitué sur ce vide en défense de victimes abandonnées. De même on trouve sur le site des rubriques comme « éduquer contre les préjugés » entièrement orientées contre des préjugés présupposément articulés sur un problème de laïcité, suivez mon regard. Je cite :« Les référents « mémoire-citoyenneté » agiront en articulation étroite avec les équipes académiques « laïcité et fait religieux ». Placés sous l’autorité du recteur, ils conduiront deux missions : prévenir et lutter contre les atteintes racistes et antisémites. » et plus loin « renforcer le rôle des référents « mémoire et citoyenneté », en lien avec les équipes académiques « laïcité et fait religieux ». Et encore : « systématiser des formations visant à outiller les enseignants confrontés à des contestations d’enseignement ou abordant des questions dites « controversées ». Suivez toujours mon regard.
Première difficulté : d’un côté l’État affiche un soutien sans faille, et en soi légitime, de la population juive contre des attaques émanant de la société, mais pour lesquelles il désigne toujours les musulmans, et relativise le rôle d’une extrême droite montante, mais de l’autre il est lui-même l’auteur ou la source de discriminations et éventuellement de la répression de la population musulmane : c’est la police qui pratique le quotidien délit de faciès, et tue des jeunes ou moins jeunes arabes, noirs… Cette asymétrie violente entre une position de l’État qui discrimine une partie de la population et en protège une autre contre la première, ne permet pas d’égalité de traitement tant que l’état ne change pas radicalement de position pour s’occuper de toutes les formes du racisme et devenir en quelque sorte un état de tous ses citoyens. En ce sens la séparation antisémitisme et racisme pose aujourd’hui problème. Elle accentue ce qui est vécu comme une différence de traitement. Les raisons historiques de cette dichotomie devraient céder le pas sur les urgences contemporaines et la lutte nécessaire contre le racisme sous toutes ses formes.
Deuxième difficulté : On a affaire à une politique du racisme qui est idéologisée, et opportuniste, notamment pour ce qui concerne l’antisémitisme et l’islamophobie, par le sionisme et l’alliance politique avec Israël. Il est bien plus utile aujourd’hui de faire porter le racisme antijuif aux arabes et aux musulmans qu’à l’extrême droite, ou par opportunisme aux gilets jaunes. Pourquoi ne pas évoquer par exemple l’importance du syndicat de police FN ? La montée de l’extrême droite (aux portes du pouvoir) en Europe et en France ? Le CRIF comme la LICRA par exemple, le gouvernement et bien des médias minorent systématiquement cette montée de l’extrême droite et ses effets évidents sur le racisme.
L’association étroite antisionisme antisémitisme voulue par Israël et aujourd’hui par le gouvernement français, n’a de sens que liée à l’alliance politique affichée entre la France et Israël depuis le tournant du millénaire. Une alliance politique qui s’affirme au mépris de tous les droits, des décisions de l’ONU, des traités internationaux, de l’UE et donc l’impunité garantie à Israël, la destruction de la Palestine, et l’interdit d’en être critique favorisent l’antisémitisme.
S’il fallait une préconisation le maitre mot serait l’égalité de traitement, et l’on vient de voir pourquoi elle est impossible. Ou du moins pourquoi un sérieux infléchissement de politique sociale et de relations internationales avec Israël serait nécessaire pour favoriser ce changement.
D’ailleurs depuis des années cette même idéologie, ce racisme politique ou d’État cherche à imposer les bienfaits de la colonisation en France, voir le dernier incident de Nantes avec le refus de l’académie de communiquer sur l’exercice proposé aux élèves autour de ces bienfaits, tout en confirmant qu’il existe bien. Mais voir aussi la proposition de traitement de l’antisémitisme dans l’ouvrage rédigé pour l’éducation nationale sous la direction d’Antoine Spire et de Mano Siri et édité en 2014 par la LICRA partenaire favori de l’Éducation nationale nous y reviendrons. Cet ouvrage intitulé « 100 mots pour se comprendre » a été retiré par le ministère non pas parce que grotesquement sioniste, et assimilant l’antisionisme à l’antisémitisme mais parce qu’un des rédacteurs avait été jugé pour pédophilie dans le passé.
Voir aussi le traitement du dit conflit du Moyen-Orient dans les livres scolaires, l’UJFP fait partie d’un groupe de travail sur cette question avec l’AFPS et le CICUP (Institut de recherches de la FSU), et il y a du travail, cartes fausses montrées aux élèves, j’entends par fausses non conformes à l’état du droit international, textes traitant de la question des réfugiés palestiniens ou de la guerre dite d’indépendance d’Israël et de la Naqba, de façon tout à fait contestable et contestée par les plus grands historiens spécialistes de ce domaine. Je renvoie ici au livre [note]Roland Lombard et Marilyn Pacouret (coord), Israël Palestine, le conflit dans les manuels scolaires, Paris : Syllepse, 2014]] réalisé par ce groupe de travail qui faute de changement dans les nouvelles éditions scolaires ne peut cesser ses activités. Par exemple les atlas Gallimard Jeunesse et Nathan 10-14 ans copyright 2017/2018 placent Jérusalem comme capitale d’Israël.
L’UJFP a publié avec une subvention du CGET un livre intitulé « Paroles juives contre le racisme » augmentée dans une réédition qui a pris en compte les lacunes de la première Union Juive Française pour la Paix, [note]Une parole juive conte le racisme, Paris : Syllepse, 2018 (2° édition revue et augmentée)]]. Ce livre vise un public jeune de collège lycée ou maisons de quartiers, pour expliquer ce qu’est le racisme historiquement, comment il s’est développé, ce qu’est l’antisémitisme, ce qu’est l’antisionisme, l’islamophobie la négrophobie, le traitement des Rroms, le féminisme, l’homophobie. Cet ouvrage, qui connait jusqu’ici un véritable succès dans les établissements où nous sommes invités pour le présenter, a été attaqué par Gilles Clavreul qui s’est offusqué de son contenu. La présentation de Paroles juives contre le racisme dit :« Ce livre est une petite pierre à ajouter à la construction d’un nouvel antiracisme politique et décolonial, dans la solidarité avec les mouvements autonomes des racisé·es. »
Nous rencontrons des lycéens curieux intéressés motivés à comprendre, qui se sentent parfois visés par des regards malveillants et accusateurs, comment éduquer des élèves avec ce regard de suspicion permanente. On tremble quand on sait que la LICRA reste le partenaire privilégié du gouvernement pour l’éducation nationale malgré ses choix extrêmement partisans et idéologiques, ses twitts racistes, sa participation active au Printemps républicain. La LICRA, dont le directeur de communication, Stéphane Nivet, également membre du Printemps Républicain et connu pour ses sorties islamophobes, a conseillé dans un tweet récent à Taha Bouhafs, militant antiraciste, d’aller se loger chez « Jawad », l’hébergeur des auteurs de l’attentat du 13 novembre 2015. La moindre des choses serait d’établir une politique antiraciste de l’éducation nationale fondée sur des consultations ouvertes et croisées avec plusieurs associations antiracistes et de respect des droits humains.
L’UJFP a aussi réalisée dix clips vidéo avec le cinéaste Eyal Sivan, sur dix thèmes du racisme explorés par nos adhérents afin de lutter contre la propagation des idées racistes souvent par l’outil vidéo comme le font Soral et Dieudonné. Ces clips ont été traduits en anglais et en arabe et diffusés largement sur les réseaux sociaux. Ces clips ont suscité une attaque depuis Jérusalem commandée par une ONG israélienne intitulée NGO monitors qui se charge de la chasse aux organisations de la solidarité avec la Palestine en France, campagne relayée ici par Causeur, et qui fait proférer à nouveau des contre-vérités à Gilles Clavreul dont on se demande quel intérêt il trouve à soutenir l’organisme israélien NGO Monitors.
Et le meilleur pour la fin c’est Gil Taieb vice-président du CRIF qui vient d’être désigné, entre autres, par le ministre de l’EN » comme chargé de réflexion sur les moyens de lutter contre la propagation de la haine sur la toile. Une jeune enseignante en lycée, membre de l’UJFP, s’en est étonnée légitimement et a rappelé que c’est « Gil Taïeb :
– qui sur son blog, amalgame allègrement les Juifs de France à l’État d’Israël et écrivait, il y a une semaine, « À la différence d’un passé encore trop proche, le juif n’est pas un orphelin des Nations, il a sa Terre. Aujourd’hui, il a Israël ! » …
– qui considère que l’ONU, dont la France est un État membre, « peut voter autant de condamnations qu’elle veut, elle n’est plus crédible ni audible au vu des massacres qu’elle laisse se perpétrer et pour lesquelles elle montre son incompétence et son inefficacité » – déclaration faite dans un article fustigeant les voix critiques à la politique israélienne responsable de la situation catastrophique dans la Bande de Gaza. »
– et surtout qui dirige l’ABSI, Association qui collecte de l’argent en France pour le Bien-Être du Soldat Israélien, de cette armée qui tue des manifestants palestiniens non armés, y compris des enfants, en Cisjordanie et à Gaza depuis des années. »
Notre implication dans l’antiracisme politique et décolonial nous a engagé dans une dernière action : la construction avec nos nombreux partenaires associations racisées, de migrants réfugiés, de quartiers populaires, issues de l’immigration, syndicats et partis, de ce que nous appelons un espace antiraciste respirable, c’est-à-dire non pollué par les idéologies du régime, et celles du CRIF, cet espace a été conçu lors de l’assassinat de Mireille Knoll, car s’ il nous semblait évident de devoir manifester contre l’antisémitisme, il nous semblait tout aussi évident que nous ne pouvions le faire avec le Front National, ou les acteurs de la promotion du racisme en France, qu’ils soient gouvernementaux ou lobbyistes israéliens. Il s’agissait donc de construire un espace de manifestation contre le racisme antisémite et sous toutes ses formes, dégagé de toute instrumentalisation. Je crois qu’on peut dire que cette première, le rassemblement alternatif de Ménilmontant le 19 février dernier, a été un succès, mais victimes de notre succès nous sommes attaqués, nous ne serions pas assez, quoique nous disions contre l’antisémitisme, et nous serions trop axés sur son instrumentalisation. Outre l’aspect juste mensonger de cette affirmation, démenti par tous nos textes et nos communiqués, et même par ce qui fonde notre propos en construisant cet espace, qui est très précisément de pouvoir manifester contre l’antisémitisme, l’instrumentalisation n’est pas un aspect mineur, c’est un élément majeur dans la lutte contre le racisme. Elle signifie que ceux qui l’utilisent, utilisent l’antisémitisme, un racisme qui tue, au service d’un autre agenda que la lutte antiraciste, c’est très grave ! que ce soit pour liquider le mouvement social des gilet jaunes, pour faire avancer un autre racisme, l’islamophobie, dont on a besoin au service de la cause néocons, ou pour faire avancer la cause israélienne, on détourne le public de ce racisme lui-même et des vraies solutions pour le réduire. On fait peser sur les juifs les objectifs de cette manipulation, ce serait à cause d’eux que le mouvement des gilets jaunes serait condamné, à cause d’eux que l’islamophobie se développe, à cause d’eux que l’agenda israélien avance dans notre pays. On favorise ainsi le développement des thèses complotistes et l’antisémitisme. L’instrumentalisation brouille les esprits fait écran entre l’individu et l’acte raciste, ni les victimes de l’instrumentalisation ni ses détracteurs ne sont plus en situation d’appréhender l’antisémitisme pour ce qu’il est.
Pour conclure je partagerai ici un sentiment qui traverse nos associations.
Nous nous sentons aux portes du fascisme, un moment où nous avons besoin d’un espace antiraciste large ouvert, clair et dégagé de toute instrumentalisation, prenant en compte la nécessité d’écouter et de travailler d’abord et avec les victimes du racisme et les groupes racisés et non à leur place. Et nous n’y sommes pas encore ; c’est parfois la gauche au sens large, celle où nous pouvons trouver notre élargissement et nos convergences qui hésite, d’où notre inquiétude.
Et je redonne ici la parole à ma jeune collègue membre de l’UJFP pour sa conclusion, elle qui enseigne toujours en lycée de banlieue.
« J’aimerais dire au Ministre et à toutes celles et ceux qui semblent penser que la lutte contre le racisme peut passer par la défense des points de vue partagés par ce monsieur (Gil Taïeb) et d’autres, que non seulement leur analyse est erronée, elle est en plus totalement contreproductive et dangereuse.
Je m’explique : cela fait maintenant 10 ans que j’enseigne en lycée. J’ai, au cours de ces années, eu l’occasion d’entendre des propos de collègues d’histoire-géographie, d’élèves, parfois même d’échanger directement avec des élèves sur les Juifs, le sionisme et le Proche Orient (notamment le jour de la tuerie de l’Hypercacher). Dans la grande majorité des cas, le point de vue des élèves (je parle ici de jeunes souvent issus de l’immigration postcoloniale) était le suivant : « Aucun problème avec les Juifs, nous respectons toutes les croyances mais ce qui se passe en Israël/Palestine est injuste. Le problème n’est pas le fait d’être juif ou non, mais de soutenir la politique israélienne vis-à-vis des Palestiniens. »
Alors soyons clairs :
– Qu’un jeune haïsse les Juifs parce que juifs, c’est inacceptable et à combattre fermement. Un souci partagé naturellement par la plupart des élèves que je côtoie dans un lycée mixte « de banlieue » depuis des années.
– Qu’un jeune esprit en formation emploie mal certains termes (« sioniste » à la place de « Juif », par exemple), soit mal informé sur certains faits de société et historiques et amalgame des concepts distincts est autre chose ; il incombe alors à tout éducateur au sens large d’instruire, d’expliquer afin d’éclaircir ce qui relève de l’ignorance et/ou de la confusion. J’ajoute que quand le Président de la république lui-même use de l’amalgame entre antisionisme et antisémitisme, on peut difficilement reprocher à un enfant de confondre « sioniste » et « Juif ».
Pour conclure, j’ai envie de dire à M. Blanquer que, en tant qu’enseignante de ce pays, en tant que descendante de Juifs déportés, je ne crois pas que l’on puisse lutter efficacement contre ce fléau qu’est le racisme en confiant ce combat difficile à certains de ses promoteurs, et en bridant le débat d’idées. Enfin, il me semble urgent et indispensable que les responsables politiques au pouvoir qui n’ont pas de problème à dénoncer, à juste titre, les agressions physiques contre des Juifs s’insurgent tout autant quand les victimes sont des femmes musulmanes voilées ; il me semble urgent et indispensable que nos autorités cessent de laisser mourir dans la Méditerranée et dans nos montagnes des exilés souvent venus d’Afrique ; il me semble urgent et indispensable que notre police cesse de brutaliser des jeunes issus de l’immigration vivant dans les quartiers populaires.
En somme : lorsque tous les racismes seront perçus comme aussi graves les uns que les autres, nous aurons alors une chance de transmettre un message légitime, juste et efficace de lutte contre la haine à tous nos enfants. »
Michèle Sibony