Intervention de Georges Gumpel au procès en appel de Pierre-Alain Mannoni

pierre-alain-mannoni

Pierre-Alain Mannoni passe pour la cinquième fois depuis février 2017 devant la justice …

Cette fois, c’est ici (à Lyon), devant la Cour d’appel, dans ce même temple de la justice ou avait été jugé et condamné en 1987 Klaus Barbie pour crimes contre L’Humanité.

Un lieu chargé d’histoire :
Hier pour juger le bourreau des Résistants lyonnais et des innocents comme l’étaient les Enfantsd’Izieu, Simone Lagrange et tant d’autres.
Aujourd’hui, pour juger une énième fois un Homme dont le seul crime est d’affirmer son humanité.

À propos du procès de Klaus Barbie, des Enfants d’Izieu et de la déposition de Madame Sabine Zatlin – la créatrice et directrice de cette maison d’enfants – permettez moi de rappeler les mots exacts de la conclusion de son témoignage au terme de l’audience du 27 mai 1987, lorsqu’elle interpella la Cour. Voici ses mots :

« Pour moi, Monsieur le Président, Monsieur le Procureur Général, Messieurs les Jurés,
Les enfants sont des enfants.
Qu’ils soient BLANCS, qu’ils soient NOIRS ou qu’ils soient JUIFS ».

33 ans séparent la déclaration de Sabine Zatlin, tant admirée alors, des actes légitimes de femmes et d’hommes qui, aujourd’hui, comme Pierre Alain, se portent au secours de personnes en détresse, agissent selon leur conscience et leur dignité.

Sont nos vigies au bord de l’abîme.

Rien ne sépare leurs certitudes, rien ne les différencie de celles de Sabine Zatlin, affirmées avec force ce 27 mai 1987.
Cette certitude et cette affirmation qui replaçaient tous les enfants de l’Homme sur le même pied d’égalité.

Cette égalité que niaient Barbie et ses complices français qui lui avaient permis d’arrêter et de déporter les 44 enfants juifs de la colonie d’Izieu.

Malheureusement, cette déclaration faite à la Cour a été supprimée de la déposition de Sabine Zatlin qui figure dans le film consacré à ce procès historique et qui passe en boucle au CHRD de Lyon …

Oblitération qui ne peut que nous interpeller lorsque l’on sait que des dizaines de milliers de personnes – jeunes principalement- voient ce film chaque année.
Ce film dont la fonction affichée est de servir d’introduction et d’outil pédagogique pour l’éducation de la jeunesse contre le racisme, sous toutes ses formes et non pas le seul antisémitisme !

Oblitération volontaire, effectuée par les trafiquants officiels de la Mémoire et de l’antiracisme de bon ton – autorités juives comprises- qui, sans cesse, refaçonnent au gré des jeux politiques du moment la mémoire pour obtenir un récit conforme aux basculements idéologiques en cours.

Aujourd’hui, avec la montée en puissance en France d’un racisme d’État érigé en cause nationale majeure. Où la négrophobie et l’islamophobie sont portées au paroxysme par les plus hauts représentants politiques de l’État et que l’antisémitisme reste toujours tapi dans l’ombre.

Voyez les tags nazis tracés le 18 août dernier sur une maison dans le 5ème à Lyon

Une mémoire et un antiracisme à géométrie variable où, seule reste constante l’invisibilité organisée de l’humanité noire. Séquelle de notre histoire coloniale jamais réglée.

Paradoxe en apparence improbable quand, en réalité – et c’est bien la centralité de celui ci – la politique actuelle de la France renoue avec les pires moments de la politique de Vichy, cette fois à l’encontre les migrants noirs venus de l’Afrique sub-saharienne et qui tentent de franchir nos frontières après avoir survécu à la traversée de la Méditerranée .

A l’encontre également des hommes et des femmes qui leur viennent en aide, les accueillent, les aident, en criminalisant – comme hier là encore – la solidarité.

Voyez ce qu’il se passe actuellement à Calais, les interdits préfectoraux faits aux solidaires qui distribuent de la nourriture aux migrants dans le seul but de les affamer et les obliger à quitter la région.
Mêmes pratiques criminelle utilisées aujourd’hui à Lesbos contre les migrants qui ont fui le camp en flammes de Moria.

Il faut être clair :

La France n’a jamais été cette terre d’accueil tant exaltée, mais, plus précisément, le pays des Ténèbres depuis la fin de la Troisième République, depuis la Conférence d’Évian de juin 1938, scellant le sort des juifs européens fuyant le nazisme et le fascisme.

Aujourd’hui, cette politique de refus d’accueillir les migrants noirs précisément – ces damnés de la terre – contre lesquels sont organisées de véritables chasses à l’Homme dans les massifs montagneux qui ourlent notre frontière avec l’Italie, cette politique est en tout point identique avec celle que les juifs ont subi hier lorsqu’ils tentaient de s’exiler pour survivre.

Vies sans valeur – hier comme aujourd’hui – seules nos couleurs de peau diffèrent.

Que puis-je dire d’autre ?

Si ce n’est notre solidarité absolue avec Pierre-Alain Mannoni justement, pour ses actes exemplaires, ceux là mêmes qu’ont accompli hier les Hommes et les Femmes qui nous ont cachés, nous ont sauvés au risque de leurs vies.

Notre solidarité absolue avec toutes celles et tous ceux qui aident et protègent les migrants noirs, que ce soit à la Roya, à Vintimille ou dans le massif de Briançon, à Calais.

Quand aujourd’hui, même donner à manger devient un crime.

Que toutes et tous sachent – parce qu’il s’agit d’un tragique retour sur notre propre histoire – que le combat de Pierre Alain est le nôtre.

Il s’inscrit dans les grands combats qui ont marqué notre histoire, il nous rappelle avec force qu’à certains moments de l’Histoire, la solidarité devient un acte de résistance et rien d’autre.

Hier en notre faveur – en ma faveur – puisque j’ai été un enfant juif caché (à Lyon notamment), aujourd’hui, en faveur des Migrants, noirs le plus souvent, nouveau groupe humain dont la vie est sans valeur, comme la nôtre l’était hier,
tant en France que, dans la forteresse Europe toute entière.

Ce vil procès n’est rien d’autre qu’une énième tentative de l’État pour museler les consciences en éveil.
Tenter de nous faire taire.

Car il y a bien aujourd’hui en France une prise de conscience citoyenne fondamentale et irréversible.

Le combat de Pierre Alain en témoigne.
Qu’il soit assuré de notre indéfectible soutien.

Georges

jeudi 24 septembre 2020 

Pour Pierre-Alain Mannoni.

Pour la coordination nationale de l’UJFP
Pour la section lyonnaise de l’UJFP.

    Tous les dossiers