Ils ont vraiment la mémoire courte !

Des intellectuels arabes de divers pays du Maghreb et du Machrek, mais ne représentants qu’eux-mêmes, ont créé voici quelques mois à Londres un « Conseil arabe pour l’intégration régionale ».

Certains d’entre eux, dont même un professeur palestinien de l’université d’Al-Qods, étaient à Paris le 11 févier dernier pour plaider la cause de leur organisation : rien moins qu’un appel à cesser le boycott d’Israël et à s’engager avec ce pays dans un « véritable dialogue israélo-palestinien », en vue d’une normalisation des relations avec l’État israélien.

Un projet très clair en opposition totale avec celui des résistants palestiniens, quel que soit leur parti, du Fatah au Jihad islamique en passant par le Hamas, sans oublier les 172 partis, organisations et syndicats représentant la société civile palestinienne, qui ont précisément lancé un appel aux sociétés civiles internationales et aux gens de conscience du monde entier, le 9 juillet 2005, en vue d’imposer de larges boycotts à Israël et des retraits d’investissements – la campagne « Boycott, Désinvestissement, Sanctions » – dans le but essentiel de faire respecter par Israël le droit international ignoré par cet État depuis sa proclamation en 1948.

Cet appel, ces intellectuels arabes le lançaient à l’Assemblée Nationale, devant des politiques français, dans l’espoir de les convaincre de soutenir leur initiative collaborationniste pour le bien des pays arabes et pour la Palestine !

Dans cet appel, pas le moindre mot sur la Nakba, l’expulsion de 750 000 Palestiniens en 1948/49 et la destruction de plus de cinq cents villages ; sur l’occupation, à la même époque de près de 15 % de plus que prévu au scandaleux partage de la Palestine mandataire par l’Assemblée générale des Nations Unies, le 29 novembre 1947, sans qu’à aucun moment le peuple palestinien ait été consulté.

Pas un mot sur l’occupation en juin 1967 du reste de la Palestine.

Pas un mot sur le massacre des Gazawis manifestant pacifiquement pour exiger leur droit au retour.


Pas un mot sur le national-sionisme israélien, qui conteste tout État palestinien à l’ouest du Jourdain et entend d’ores et déjà en annexer une partie ; qui considère, tant en Israël qu’en Palestine occupée, les citoyens arabes, musulmans ou chrétiens, comme des citoyens de seconde zone, soumis au régime d’apartheid.

Ce beau programme, envisagé par ces angéliques (?), pour l’avenir du « vivre ensemble » au Proche-Orient, pourrait sans doute être retenu plus tard, comme, après les deux guerres mondiales, nous avons pu assister à la réconciliation franco-allemande, ce véritable défi lancé par De Gaulle et Adenauer.


Mais, chacun le sait, cette réconciliation ne s’est faite qu’après la défaite de l’Allemagne nazie.

Le 11 mai dernier, « oubliant », semble-t-il, ce point capital, plusieurs dizaines de députés et sénateurs français, de droite du centre et (étonnamment) de gauche, anciens chefs de gouvernements, anciens ministres, intellectuels, publiaient une tribune dans Le Point, intitulée « Protégeons les Arabes qui dialoguent avec Israël », s’engageant, contre le virus de la haine « à apporter leur soutien à cette initiative historique du Conseil arabe pour l’intégration ».

Après avoir contesté « le boycott d’Israël au triple effet pervers », selon eux, ils affirmaient : « Nous sommes confrontés, depuis les années 2000 à l’instrumentalisation du conflit israélo-palestinien sur le territoire national. (…) Nous pensons qu’en mobilisant les sociétés civiles du Maghreb et du Machrek pour avancer une véritable culture de paix, le Conseil arabe peut contribuer à reculer l’extrémisme, non seulement dans cette région du monde, mais aussi sous nos latitudes »

Mais, ils ont vraiment la mémoire courte !

Ces hommes politiques français ne se souviennent-ils pas que le 24 octobre 1940, Philippe Pétain, alors chef de l’État français, rencontrait Adolphe Hitler à Montoire, seulement quatre mois après la défaite de juin 1940 ? Que le 30 octobre, il s’exprimait ainsi : « Cette première rencontre entre le vainqueur et le vaincu marque le premier redressement du pays (…). Une collaboration a été envisagée entre nos deux pays. J’en ai accepté le principe (…) ».

Et, Pétain n’était pas le seul à promouvoir cette collaboration, avec l’Allemagne. Le traumatisme de la défaite avait marqué beaucoup d’intellectuels français. A côté de ceux qui entraient en résistance, certains choisissaient l’exil, d’autres optaient pour la collaboration, de Jacques Benoist-Méchin à Robert Brasillach, par exemple, sans oublier Drieu La Rochelle, le premier affirmant : « Un pays vaincu a le choix d’être soumis à son vainqueur ou d’être avec lui ; je choisis d’être avec lui ». De même des hommes politiques, de Pierre Laval, à Marcel Déat, Doriot, Bousquet, et, hélas, tant d’autres !

Alors, aujourd’hui, ces intellectuels français, ces hommes politiques, au lieu de soutenir cette démarche d’intellectuels arabes, ces « bâtisseurs de paix » comme ils les appellent, que je qualifierai, moi, en l’état, de « collaborateurs des sionistes israéliens », qu’ont-ils fait ? que font-ils ? pour que l’État de Palestine, proclamé le 15 novembre 1988, aujourd’hui membre observateur à l’ONU depuis 2012, occupé depuis 1967 par son voisin Israël, trouve enfin sa pleine liberté et sa place dans le concert des nations ?

Maurice Buttin
Président d’honneur, président par intérim du CVPR PO.