Ici, la banalité du mal

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Il y a un an, le 24 novembre 2021, 27 personnes périssaient noyées dans la Manche. L’enquête sur la mort de ces 27 réfugiés révèle dans l’édition en ligne du Monde du 13 novembre 2022, les rouages intimes de la machine à broyer les humains.

Il faut des petites mains aux crimes organisés. Il faut des employés qui ferment les yeux et les oreilles et qui acceptent de faire le sale boulot pour un sale salaire. «Ah bah t’entends pas, tu seras pas sauvé. J’ai les pieds dans l’eau, bah… je t’ai pas demandé de partir.» Une réponse de la standardiste-rouage qui fait froid dans le dos et qui rappelle le député du RN s’écriant à l’Assemblée Nationale: « qu’il-s retourne-nt en Afrique » .

Ce qui apparaît dans l’enquête relatée par Le Monde c’est que les secours français appelés à l’aide à plusieurs reprises n’ont pas envoyé de secours, se contentant de répondre qu’une barque allait arriver, jusqu’à ce que l’embarcation qui prenait l’eau soit dans les eaux territoriales anglaises et leur disant alors de s’adresser au voisin. Le voisin anglais a lui aussi laissé mourir ces personnes sans broncher… Un soupir peut-être ? 

Il y a des mots assassins dans les dépositions des fonctionnaires : distinguer entre « urgence vitale ou urgence de confort ». Mais, au-dessus des petites mains zélées, il faut un État qui, à tous les étages, organise à reculons et avec parcimonie les moyens du sauvetage, qui s’avèrent insuffisants, voire inexistants pour « une grosse nuit de migrants ». Il faut des médias qui ne font pas des conditions de migration et d’accueil un sujet politique central et le traitent comme les patrons de presse veulent qu’il soit traité. 

Chaque maillon de cette chaîne du crime peut ainsi se référer au précédent pour décharger sa responsabilité. Je ne suis qu’un exécutant pas un décideur. J’obéis aux consignes, je fais avec ce que j’ai.  La machine à broyer est bien huilée. Pour qu’elle tourne et que « ça baigne dans l’huile », il faut l’accord du plus grand nombre. Donc une imprégnation de longue durée qui persuade que le souci majeur c’est la sécurité et la lutte contre l’invasion pour cette sécurité. La nausée nous saisit devant cette histoire, parmi tant d’autres, quand on imagine ces fonctionnaires sachant que les gens se noient et ne levant pas le petit doigt. Mais une telle barbarie ne fait pas les gros titres. Ça passe et on passe à autre chose.

Pourtant, la France prend des grands airs vis-à-vis de l’Italie qui a refusé l’accostage à l’Ocean Viking chargé de personnes dont beaucoup étaient malades alors que notre pays n’accueille qu’un nombre dérisoire de réfugiés non ukrainiens. Et ayant offert du bout des lèvres le port militaire de Toulon, les autorités se sont empressées de placer les survivants en détention comme le seul survivant du drame de novembre 2021 dans la Manche.

La France, l’Europe se barricadent alors qu’elles portent une pleine responsabilité des crises qui font fuir de chez elles-eux des milliers de citoyens du Sud.

Nous les accusons de milliers de morts en Méditerranée et dans la Manche, sur les barbelés de Frontex ou dans les glaciers alpins, à nos portes.

Nous serons dans la rue le 18 décembre avec les réfugiés, les sans-papiers toutes celles et ceux qui refusent la fascisation déjà banalisée.

La coordination nationale de l’UJFP le 15-11-2022