Nous venons d’apprendre le décès de Josette Audin à l’âge de 87 ans, militante engagée contre le colonialisme et le racisme, épouse de Maurice Audin, arrêté en 1957 pendant les heures sombres de la guerre d’Algérie, torturé et porté disparu comme tant d’autres à cette époque en lutte pour l’indépendance de leur pays…
Pendant plus de soixante ans, jusqu’à ce que la France reconnaisse tout récemment et bien tardivement les crimes commis pendant cette période, tout particulièrement les actes de torture, Josette Audin a mené ce combat pour que la vérité soit dite et que justice soit faite, inlassablement. Elle ne s’est pas seulement battue pour sauver la mémoire et l’honneur de son époux Maurice, universitaire membre tout comme elle du Parti Communiste Algérien, fauché en pleine jeunesse, mais elle a mené ce combat en solidarité avec toutes les victimes, dont une majorité constituée d’Arabes algériens livrés à la répression de l’armée et des institutions coloniales françaises.
Le combat de Josette et Maurice Audin est exemplaire à plus d’un titre.
La réhabilitation de la mémoire de Maurice Audin entreprise par son épouse Josette revête pour nous militants juifs opposés au racisme et au colonialisme une importance particulière. Calomnié, torturé et assassiné par l’état français, le nom de Maurice Audin au travers de cette « affaire » résonne dans l’histoire du XXème siècle comme un écho au sort qui fut réservé à cette autre victime du racisme : le capitane Dreyfus. Dans un essai fameux consacré à L’Affaire Audin [note]Pierre Vidal-Naquet L’Affaire Audin (1957-1978) Les éditions de minuit, 1989.]] , Pierre Vidal-Naquet soulignait en 1989 à quel point cet événement lié à la guerre d’Algérie interrogeait notre présent. En 2019, à l’heure où Josette nous a quittés, notre inquiétude devant la perspective que de tels événements traumatisants pourraient se reproduire n’a rien perdu de son actualité : bien au contraire, dans un contexte de recrudescence de la répression, de recul de la démocratie et de montée des idéaux d’extrême-droite et du néocolonialisme, les événements nous imposent la plus grande vigilance.
Le combat de Josette Audin n’est pas terminé et le meilleur moyen que nous ayons de lui rendre hommage est de le poursuivre, là où les crimes contre l’humanité sont toujours présents.
En toutes circonstances, le colon opprime et tue le colonisé pour parvenir à ses fins et comme tout criminel, il nie les faits, les maquille, reporte la faute sur sa victime. Ainsi, Maurice Audin ne fut pas pour ses tortionnaires assassiné : il s’était évadé et avait disparu ! Lui comme tant d’autres, pour la plupart non européens… Ainsi le Palestinien ne fut pas chassé de ses terres ni massacré, il a fui de son propre gré et le terrorisme intellectuel impose le silence à celles et ceux qui, par simple souci de vérité historique, osent prononcer le mot Nakba, dénoncent un apartheid et mettent en cause la légitimité de l’occupation.
L’UJFP adresse aux proches de Josette Audin ses plus sincères condoléances.
La Coordination nationale de l’UJFP, le 9 février 2019