Alors que les dirigeants israéliens s’enfoncent inexorablement dans l’apartheid, le colonialisme et le racisme décomplexé, Uri Avnery qui vient de disparaître est un exemple vivant de ce qu’a été très tôt l’opposition interne au colonialisme dans la société israélienne.
Né en Allemagne dans une famille qui a fui le nazisme, Uri a combattu en 1948-49 dans les rangs de l’Irgoun (la droite sioniste).
Il va très vite évoluer et réaliser les effets de la Nakba, l’expulsion préméditée du peuple palestinien de sa propre terre. À une époque où on n’avait même pas le droit de prononcer le mot « palestinien », Uri a brisé tous les interdits. Il a été l’un des très rares Israéliens à nouer des contacts étroits avec les dirigeants palestiniens et à œuvrer pour une paix juste. Il est allé rencontrer Arafat à plusieurs reprises, y compris dans Beyrouth assiégé.
Il a dirigé le journal d’opposition Haolam Haze, en développant le journalisme d’investigation dans un pays qui l’ignorait totalement.
Il a été un opposant farouche à toutes les invasions israéliennes du Liban et aura ainsi contribué à l’évacuation israélienne du Liban en 2000.
Uri s’est battu pour que la perspective des accords d’Oslo, deux États avec Jérusalem comme capitale, réussisse. On sait aujourd’hui qu’Oslo a été une gigantesque mystification, permettant au rouleau compresseur colonial de se développer.
Chaque semaine depuis des décennies, il a dénoncé les ravages de la colonisation, les crimes impunis, les humiliations infligées aux Palestiniens, les assassinats ciblés, les destructions de maisons, les arrestations d’enfants. Il a participé assidument à la manifestation hebdomadaire de Bil’in, dans ce village qui n’a jamais cessé de lutter contre le vol de ses terres.
Uri avait participé à un débat public avec l’historien Ilan Pappé sur la question un État/deux États. Uri se définissait comme post-sioniste. Son mouvement « Gush Shalom » (le bloc de la paix) ne partageait pas l’idée d’un État commun avec un « vivre ensemble dans l’égalité des droits ». Sur cette question ouverte, le débat continue.
Grand militant et opposant de tous les régimes sionistes, il n’a jamais renoncé à l’idée d’une souveraineté juive et le tournant de l’État d’apartheid qui est en train de s’installer l’a un peu pris au dépourvu et l’aurait sans doute confronté aux contradictions entre la volonté de soutenir deux États afin de garantir un État pour les juifs, et la volonté d’une démocratie qui exige le partage de la souveraineté.
Toutefois, dans l’un de ses derniers textes, il attaquait violemment la loi sur l’État-nation.
Nous n’aurons plus les analyses lucides d’Uri, son ironie pour montrer comment les dirigeants israéliens ont rompu avec l’histoire juive et se sont engagés dans une voie criminelle.
Le Bureau national de l’UJFP, le 27 août 2018.