Hommage à Bernard Amiot

Notre ami, Bernard Amiot, membre de l’UJFP, est décédé le 5 août 2015. Une cérémonie commémorative a eu lieu dans sa ville de Gennevilliers (92) le 6 septembre.

Richard Wagman y a témoigné pour notre association.

Je suis reconnaissant aux organisateurs de cette initiative d’avoir invité mon association, l’Union Juive Française pour la Paix (UJFP). Mais je tiens également à être présent à titre personnel car je connaissais bien Bernard Amiot.

Parmi ses engagements, Bernard était adhérent de notre association depuis une quinzaine d’années. Il n’a jamais pris une part active dans les travaux de l’UJFP mais s’est contenté de verser ses cotisations comme geste pour nous encourager. Quant à son implication pour la Palestine, Bernard le faisait de façon active au sein de l’AFPS (Association France Palestine Solidarité). Mais, en fait, on peut se poser la question : que faisait un prêtre ouvrier dans une association juive ? Je pense, qu’en partie, il a fait cette démarche pour témoigner son attachement à l’amitié judéo-chrétienne qui lui tenait à cœur. Par ailleurs nous avions en commun un important travail antiraciste. L’UJFP le réalise dans sa lutte contre l’antisémitisme, l’islamophobie et d’autres formes de discrimination. Bernard, lorsqu’il était délégué du personnel chez Citroën, a vu venir des vagues successives d’immigration d’ouvriers de pays, d’origines, de cultures et de croyances différentes. Il a su les accueillir dans l’usine et cette main tendue à l’Autre était en soi une expression antiraciste, un aspect important de la fraternité telle que Bernard l’a vécue. Mais je pense que Bernard a également reconnu l’importance unique du travail associatif de l’UJFP en faveur des droits du peuple palestinien, car nous le faisons en tant que Juifs. Voulant encourager cette approche, Bernard a fait le saut d’adhérer, sans ne jamais prendre une part active dans l’association. Dans la discrétion qui le caractérisait, il est resté membre de l’UJFP jusqu’à son dernier jour.

Qu’avions-nous en commun ? Moi, Juif, laïque, athée, militant politique et Bernard Amiot, chrétien, croyant, pratiquant, ordonné prêtre. A priori, nous n’avions pas grand-chose en commun, pas au point de départ en tout cas. Mais nous avons tissé des liens d’amitié. Parmi les choses que nous avions en commun il y a l’écriture. Bernard a contribué à la rédaction de l’ouvrage « Citroën par ceux qui l’ont fait ». Pour ma part j’ai pu écrire sur un sujet qui nous a réuni par excellence : la Palestine. Un autre point commun est le vélo. Bernard était inséparable de son tandem, avec lequel il faisait des randonnées avec des personnes non voyantes. Le cyclisme est également mon moyen de transport et de loisir préféré. C’est une activité que je pratique encore. Quant à la pensée politique, Bernard, comme moi, s’est identifié comme marxiste. Et pourtant on ne l’ai jamais croisé au sein d’un parti politique. Pour cause : il n’en était pas membre. Contrairement à l’approche traditionnelle des marxistes, qui est de militer dans un parti révolutionnaire, le marxisme de Bernard était quelque chose de tout personnel. Il s’agissait d’une sorte de marxisme de base. Son militantisme était collé à l’approche humaniste qu’il avait envers les autres et envers la vie en général.

La dernière fois que j’ai vu Bernard, c’était au Parc des Sévines, à l’occasion d’un tournoi de foot solidaire avec la Palestine, organisé par l’ATMF et l’AFPS. J’étais derrière la table de presse de l’UJFP lorsque j’ai vu de loin la silhouette d’un homme, un peu courbé et s’appuyant sur sa canne, avancer vers le stade, lentement mais sûrement. Je l’ai reconnu bien avant d’avoir vu son visage. Dans le paysage de Gennevilliers, une telle silhouette ne pouvait être que celle de Bernard Amiot. Dès son arrivée à la hauteur des tables de presse, je l’ai accueilli : « Bienvenue au pèlerin, on dirait que tu viens d’arriver de St-Jacques de Compostelle ! ». A quoi il a répondu : « Ce n’est pas encore ça, mais de chez moi jusqu’au Parc des Sévines, c’est déjà pas mal. Je tenais à être présent. Pour la Palestine, je suis prêt à marcher jusqu’à Jérusalem ! ».

Cette fidélité dans ses engagements, il l’a montré dans ses relations avec les militants, dont beaucoup sont devenus des amis. Pour lui la fidélité était un mode de vie, un aspect incontournable de la fraternité qu’il a incarné.

Richard Wagman

Président d’honneur de l’UJFP, le 6 septembre 2015