Le 11 décembre 2015.
Dans une tribune unitaire, un collectif d’associations et de personnalités lancent un appel.
Contre les dérives racistes et islamophobes de l’état d’urgence, la politique guerrière de la France, le tout sécuritaire et l’état d’exception liberticide, ils en appellent à la paix, la justice et la dignité lors d’un Grand meeting le vendredi 11 décembre 2015 à 18h30 à la Bourse du Travail de Saint-Denis.
Moins d’un an après les massacres de janvier, les attentats sanglants qui viennent de frapper l’Île-de-France nous ont laissés dans l’horreur.
Elle est d’une ampleur et d’une intensité inédite : l’organisation État islamique a perpétré des attentats à l’aveugle. La terreur a cédé le pas à la tristesse, l’angoisse, la sidération. Il nous faut dépasser l’hébétude pour saisir les causes profondes qui ont mené à inscrire de tels crimes dans notre quotidien, et pour construire un avenir qui ne cède rien au pire.
Au sommet de l’État, en lieu et place de ce nécessaire travail, les partis de gouvernement ont préféré la fuite en avant, entraînant avec eux nos vies, nos destins, nos libertés et ceux de peuples qui auront à souffrir la vengeance d’un crime dont ils ne sont pas les auteurs. Ils disposent pour cela du soutien du Front National.
L’état d’urgence a été décrété et prolongé pour trois mois. Nos dirigeants frappent par ailleurs la Syrie de plus belle, dans un esprit de revanche. Ils bombardent une cible opaque, en grande partie insaisissable, et frappent, encore et encore, des civils.
L’exception devient la règle, et la figure guerrière s’impose comme ligne de conduite pour l’État. Cette montée en puissance n’est pas fortuite : le militarisme est central dans la stratégie du gouvernement français. Depuis la crise de 2008, pour compenser ses faiblesses industrielles et commerciales, la France joue la carte du militarisme auprès de ses « partenaires » européens. Sous Hollande, cette dynamique s’est emballée. Les interventions militaires se sont multipliées (Mali, Centrafrique, Irak, Syrie, etc.) Les ventes d’armes françaises n’ont jamais été aussi florissantes – faisant grossir les colonnes de réfugiés.
Ce militarisme n’est pas sans lien avec la progression du « djihadisme » : les frappes françaises sont autant d’arguments pour recruter de nouveaux combattants, certains pays du Golfe alimentent les organisations djihadistes et sont la source de leur idéologie.
On nous propose d’accepter cette logique mortifère, d’en faire un étendard. On nous somme de consentir à l’esprit de revanche. On nous demande d’accepter que l’état de guerre devienne un principe de gouvernement.
Les conséquences de cette incorporation collective dans la guerre sont déjà là. Grèves, rassemblements et manifestations sont suspendus. L’état d’urgence banalise la fermeture des frontières, les contrôles au faciès, les assignations à résidence, le fichage généralisé, les perquisitions musclées dans les lieux de vie ou de culte, la déchéance de nationalité (en y soumettant des binationaux nés en France).
Nos dirigeants vont jusqu’à envisager de modifier la Constitution, d’élaborer de nouvelles prérogatives de l’état d’exception, dont les dispositions sont encore floues mais inquiétantes.
Le racisme et l’islamophobie, prenant le prétexte des attentats, redoublent de virulence, et s’exercent en toute impunité. Des mosquées vandalisées aux lynchages de personnes désignées comme musulmanes, ces violences s’exercent sans susciter l’indignation unanime de ces mêmes dirigeants qui prétendent pourtant assurer la sécurité de tous.
Dans cette situation, seule une politique de paix est en mesure d’apporter une réponse à la hauteur des événements. Nous avons besoin d’une idée neuve de la paix, pas seulement d’un retour au statu quo. Cette idée de paix, elle doit être active dans notre opposition aux guerres menées par nos gouvernements. Cette politique de paix doit s’inventer au cœur de nos solidarités avec le peuple syrien, qui subit la concurrence mortifère de deux contre-révolutions, celle de Bachar al-Assad et celle des groupes « djihadistes », ainsi que les bombardements de la coalition occidentale.
Cette paix, elle doit se faire également au sein même du territoire français, mais à la seule condition de lutter contre le racisme, l’islamophobie, les discriminations – qui peuvent aussi faire naître le désespoir et conduire à la fascination pour des idéologies mortifères et la folie meurtrière. Cette idée de la paix doit donc s’incarner dans une lutte pour plus d’égalité sociale, s’incarner en un mouvement à même de réunir tous ceux et toutes celles pour qui l’union n’est pas une doctrine militaire.
Ici comme ailleurs, la paix est sous condition de justice et de dignité. C’est par cette politique que nous pourrons infléchir la folle fuite en avant de nos dirigeants, pour contrer ce climat de guerre, cette spirale meurtrière et liberticide.
Premiers signataires :
Bruxelles Panthères, Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), Émergence, association citoyenne de Carrières-sous-Poissy, Femmes plurielles, Front Uni des Immigrations et des Quartiers Populaires (FUIQP), La Voix des Rroms, Liste des Sans-voix, Mwasi-Collectif Afroféministe, Parti des Indigènes de la République, Respaix Conscience Musulmane, Union Juive Française pour la Paix (UJFP).
Noel Mamère (Député, maire de Bègles), Sergio Coronado (Député), Bernard Friot (Économiste et sociologue), Alain Gresh (journaliste), Sihame Assbague (activiste), Imhotep (au nom du groupe IAM), Tariq Ramadan (universitaire), Kristin Ross (Professeure, New York University), Raphael Liogier (Sociologue, philosophe), Said Bouamama (Sociologue), Françoise Vergès (Politologue), Gilles Manceron (Historien), Christine Delphy (Féministe), Madjid Messaoudene (Élu à Saint-Denis), Olivier Lecour-Grandmaison (Historien), François Burgat (Politologue, directeur de recherces à l’IREMAM), Jacques Bidet (Philosophe), Cédric Durand (Économiste), Océanerosemarie (Auteure et comédienne), Grégoire Chamayou (Chercheur en philosophie au CNRS / ENS LSH), Razmig Keucheyan (Enseignant-chercheur en sociologie), Gilles Manceron (Historien), François Gèze (Éditeur), Farid Bennai (Militant associatif), Ugo Palheta (Sociologue), Laurent Cauwet (Éditeur), Jim Cohen (Revue Mouvements), Saimire Mile (Président de La voix des Rroms), Mohammed Ben Yakhlef (Élu à Villeneuve Saint Georges), Dominique Vidal (Journaliste, essayiste), Jules Falquet (Sociologue), Maxime Cervulle (Maître de conférences, Paris 8), Emmanuel Riondé (Journaliste), Laurent Lévy (Essayiste, militant d’Ensemble !-Front de Gauche), Stella Magliani-Belkacem (Éditrice-La fabrique éditions), Zakia Meziani (Association pour la reconnaissance des droits et libertés aux femmes musulmanes), Maximilien Sanchez (Conseiller municipal de Gentilly), Emir Cherdouh (Journaliste), René Monzat (Congrès Marx), Félix Boggio Éwanjé-Épée (revue Période), Sébastien Fontenelle (Journaliste), Elisabeth Longuenesse (Sociologue), Omar Benderra (Écrivain, militant droits humains), Fania Noel (Activiste), Catherine Samary (Altermondialiste).
Le vendredi 11 décembre à 18h30
Bourse du Travail
9/11 rue Génin à Saint-Denis (93)
Métro : Ligne 13. En venant de Paris ou St Ouen, prendre la direction Saint-Denis Université (et non pas Asnières-Gennevilliers). Descendre à la station « St-Denis – Porte de Paris ». Sortir Boulevard Marcel Sembat.
Bus : Plusieurs bus arrivent ou passent à la station St-Denis Porte de Paris : 170, 177, 255, 256, 168, 268.
RER : Ligne D, direction Creil, Villiers le Bel ou Orry-la-Ville. Descendre à la station St-
Denis. (7 minutes de Paris-Gare du Nord).
Sortir côté St-Denis Centre et traverser le canal. La Bourse du Travail est à 10 minutes à pied (suivre le Boulevard Marcel Sembat jusqu’à la Porte de Paris) ou à 3 stations de bus.