Le retour
Gaza est un immense camp de concentration, bouclé par terre, par mer et par air. Depuis des années, la société civile rêvait de manifester le long des grilles de ce camp et le gouvernement local l’en empêchait.
Cette fois-ci, la manifestation était autorisée. La revendication dépassait largement la question du blocus de Gaza. Le 30 mars est habituellement la « Journée de la terre » qui commémore la fusillade de 1976 quand l’armée israélienne avait tiré sur des paysans de Galilée qui protestaient contre le vol de leurs terres.
Donc, à Gaza comme au Liban, le mot d’ordre a été le retour. Puisque les gouvernements israéliens ont eux-mêmes détruit toute idée de compromis, les Palestiniens reviennent au crime originel, le nettoyage ethnique de 1948 et ils exigent leur retour sur les terres dont ils ont été chassés par les armes. Ceux qui ont été expulsés de la Palestine historique et leurs descendants ont marché sur la frontière.
Préméditation et impunité
Le gouvernement israélien a clairement annoncé que ses snipers allaient tirer. Le crime était prémédité. Aucun chef d’État, aucun dirigeant de ce monde n’a fait la moindre déclaration pour l’en empêcher.
35 mortEs en trois grandes manifestations, il est interdit d’approcher les grilles. Les drones ont lancé des gaz inconnus jusque-là. Des armes comme les balles dum-dum (à fragmentation, elles provoquent des blessures affreuses) ont été utilisées, ce n’était pas la première fois. Déjà, lors des attaques généralisées sur Gaza, l’usage interdit du phosphore blanc avait été attesté. Les soldats israéliens, tranquillement installés sur des talus et bien à l’abri, ont choisi soigneusement leurs cibles. Parmi les victimes, un manifestant sur une chaise roulante, handicapé depuis une attaque précédente, un adolescent de 15 ans, et un journaliste qui filmait (plusieurs autres sont grièvement blessés). Israël ne veut pas de témoins ! Le gouvernement israélien a même interdit l’évacuation hors de Gaza des blessés graves qui ne peuvent pas être soignés sur place avec pour conséquence des amputations qui auraient pu être évitées.
Les meurtriers ont été chaleureusement félicités par leur gouvernement. Lieberman a expliqué que « personne n’était innocent » à Gaza. Un soldat s’est filmé en train d’assassiner un manifestant. Lui et ses copains poussent des cris de joie quand la victime est touchée.
Une société malade où le permis de tuer est anodin
Comment l’opinion israélienne accepte-t-elle massivement une idéologie pareille ? L’armée a expliqué que les victimes appartenaient au Hamas ou au Jihad Islamique. Comme si c’était vrai et comme si, même si c’était vrai, le droit d’assassiner existait.
Quelques voix à l’étranger ont demandé timidement une « enquête indépendante ».
« Quoi ? » a dit Nétanyahou. « Il n’y aura pas d’enquête et Tsahal est l’armée la plus morale du monde ». Et comme d’habitude, il n’y a aucune suite, aucune sanction. On croit rêver ! Le parapluie américain a, une fois de plus, fonctionné à l’ONU.
Un journaliste de l’armée a dit « qu’il avait honte d’être israélien ». Il a été aussitôt sanctionné. L’association israélienne B’Tselem, qui combat l’occupation, a placardé partout sur les murs un appel aux soldats : « désolé, je ne tire pas ». Mais les manifestations de protestations en Israël comme dans le reste du monde, sont restées bien faibles. Les Gazaouis sont des parias abandonnés. Il y a bien des rumeurs que la CPI (Cour Pénale Internationale) fasse une enquête, mais comme elle n’en a jamais effectué sur les massacres précédents, les plus grands doutes sont permis.
L’OAS au pouvoir en Israël est quand même dans l’impasse. Elle a l’habitude de combattre des groupes armés, des partis. Elle se retrouve face à un peuple désarmé qui n’a plus rien à perdre et qui exige de rentrer chez lui. Elle réagit comme tous les régimes d’apartheid l’ont fait : par le crime. Ne les laissons pas faire !
Pierre Stambul