GAZA : CAMPAGNE DE PROTESTATION

ISRAËL DÉCLARE LA GUERRE À LA POPULATION CIVILE

Il y a plus d’une semaine, nous vous avons informé d’une action armée menée par la résistance palestinienne contre une base de Tsahal située dans la ville israélienne d’Ashkelon, au nord de la Bande de Gaza. L’attaque a fait 69 blessés parmi les militaires ; aucune victime civile n’était à déplorer. Cette opération est venue en réponse aux bombardements et raids quotidiens de l’armée israélienne contre la Bande de Gaza qui, eux, avaient fait de nombreuses victimes parmi la population civile au cours des semaines précédentes.

En réaction à l’opération qui a touché cette base de Tsahal le 10 septembre, le premier ministre israélien Ehoud Olmert a aussitôt menacé de « frapper fort contre des groupes terroristes impliqués dans ce genre d’attaque ». Nous avons rappelé dans notre dépêche au lendemain de cette action armée qu’il ne revêtait aucun caractère terroriste, car seuls les militaires étaient visés et touchés par la roquette lancée par des combattants palestiniens. Dans ce sens il s’agissait d’un acte de résistance légitime tel que défini par les règles de la guerre.

Et pourtant, le 19 septembre, le cabinet de sécurité israélien (réunion d’urgence du Conseil des ministres pour examiner la situation militaire) a déclaré la Bande de Gaza une « entité hostile ». Les conséquences d’une telle caractérisation n’ont pas tardé à venir : le gouvernement israélien a aussitôt fait savoir qu’il allait continuer les incursions de son armée dans la Bande de Gaza, avec les ravages auxquelles elles ont déjà habituées la population civile. Mais ce n’est pas tout. Tel-Aviv menace, en plus, d’imposer des restrictions à la circulation des marchandises (déjà fort limitée) ainsi qu’à « la fourniture de carburant et d’électricité ». Il est également question de couper l’alimentation en eau potable. De telles mesures constitueraient une violation flagrante du droit international tel que codifié dans les Conventions de Genève sur les responsabilités de la puissance occupante envers la population civile en temps de guerre. La Bande de Gaza est bien sous occupation militaire, même si les colons israéliens y ont été évacués en 2005. Ce territoire est complètement cerné par l’armée israélienne, qui contrôle toutes les entrées et sorties. Les règles de la guerre, confirmées par l’ONU, interdisent formellement les représailles collectives contre les civils en temps de conflit.

Les premières menaces verbales d’Olmert sont intervenues à la veille de la fête de Rosh Hashana, le nouvel an juif, car la roquette lancée par la résistance palestinienne est tombée sur la base militaire d’Askelon deux jours avant le début de cette fête. Tout laisse à croire que le gouvernement Olmert a attendu la fin de cette période festive (le début du mois de Tishri dans le calendrier hébraïque) pour annoncer de nouvelles souffrances qu’il entend affliger à la population de la Bande de Gaza. En effet, l’annonce des représailles israéliennes, en plus d’être illicites, vient à deux jours de la date la plus solennelle du calendrier juif, Yom Yippour (le grand pardon), qui commence au coucher de soleil ce soir, le 21 septembre. Quel affront ! Pas seulement contre les Palestiniens de Gaza, mais contre les Juifs du monde entier. Yippour, jour de jeûne et de prière, est consacré à un exercice d’introspection et d’examen de conscience. Dans la tradition juive, c’est à Dieu qu’il faut demander pardon pour les péchés que l’on aurait commis contre Lui (ne pas respecter le chabbat, ne pas manger cachère, ne pas se rendre à la synagogue le samedi, etc.). Mais pour tout péché que l’on aurait commis contre son prochain (manque de correction, désobligeance, offense, mépris ou violence infligée contre son voisin, par exemple), c’est à ce dernier qu’il faut demander pardon et faire amende honorable. Que l’on soit pratiquant ou pas, croyant ou pas, cette démarche demeure très forte dans la tradition juive. Si les Juifs israéliens doivent demander pardon à ceux contre qui ils auraient commis des violences au cours de la l’année qui vient de s’écouler, ce n’est sûrement pas comme ça qu’il faut s’y prendre.

À l’UJFP, association juive laïque, notre solidarité avec le peuple palestinien ne découle pas des impératifs religieux du judaïsme. Il découle de notre internationalisme car nous sommes soucieux de promouvoir la fraternité et le droit à l’autodétermination des peuples opprimés. C’est bien le cas du peuple palestinien. Mais nous soulignons que les dernières déclarations bellicistes et revanchardes des autorités israéliennes ne constituent pas seulement un affront à la paix, à la dignité humaine et au droit international. Elles constituent également une offense grave contre tous les croyants, car le judaïsme nous incombe de respecter les mitzvoth (commandements) en cette période de repentance. Cet affront des autorités israéliennes défie la tradition d’humilité, de pardon et de justice attendue des Juifs en cette période de l’année. Puisque le péché (et le pardon) sont des actes individuels, le judaïsme ne cautionne pas la notion de culpabilité collective. Une nation ne saurait être damnée pour des offenses commises par des individus issus de son sein. Ainsi, il n’y a pas de culpabilité collective des Israéliens (et encore moins des Juifs du monde entier) pour les agissements criminels des maîtres de Tel-Aviv. Mais les menaces du gouvernement israélien lancent un défi à la population juive du monde entier. Pour un État qui se veut juif, c’est un comble. Car en cette veille de Kippour, chacun de nous doit faire un effort de sincérité dans son examen de conscience, en Israël comme ailleurs. Ce n’est pas un geste rituel vide de sens ; les manquements de chacun ne sont pas automatiquement balayés sous prétexte qu’on aurait récité une prière à la synagogue. Pour les croyants, les commandements divins nous imposent un changement de comportement pour cultiver la piété, l’équité et, comme a dit le rabbin Tarfon, pour « créer un monde meilleur ». À bon entendeur salut.