Une femme juive, Nancy S., a été condamnée à un an de prison ferme, ce mardi 14 mai, pour avoir elle-même produit puis dénoncé des tags et des messages antisémites dans son immeuble. Le lieu même de ces agissements renforce leur violence : l’immeuble dans lequel Mireille Knoll a été assassinée. Cette personne voulait tellement nuire aux Arabes qu’elle est allée jusqu’à inscrire des insultes et des menaces antisémites contre elle-même en langue arabe afin d’en accuser ses voisins. Elle a même enrôlé sa propre fille, âgée de 16 ans, dans la mise en scène — une fille qu’elle a ensuite accusée au procès, elle, l’unique Noire de l’immeuble ! Quand on dit que le racisme ne se divise pas…
Cette affaire concentre tout une partie de ce que la période actuelle comporte de plus dangereux : l’instrumentalisation de l’antisémitisme pour alimenter le racisme anti-arabe et l’islamophobie, la mise en scène de fausses menaces pour accuser les plus exposés, la banalisation du racisme.
C’est cela qui devrait retenir l’attention, plutôt que d’alimenter la thèse d’une prétendue « épidémie » de faux actes antisémites. Car comme souvent, des voix complotistes ont profité de l’occasion pour remettre en circulation une fiction toxique : celle de « l’autosémitisme ». Derrière ce terme à la construction absurde mais à la signification sans ambiguïté, se diffuse le préjugé selon lequel les Juifs eux-mêmes seraient à l’origine de la majorité des actes antisémites, afin d’en tirer un “bénéfice victimaire”. Cette idée fausse relève d’une logique de négation de la réalité de l’antisémitisme. Les fausses accusations et les simulations existent, mais elles constituent un nombre très faible de cas, même s’ils font beaucoup parler.
Il faut souligner aussi que taguer « mort aux juifs » et tracer des croix gammées, quels qu’en soient les auteurs ou les intentions, a des conséquences. Le voisin juif — rescapé de la Shoah — qui a découvert ces inscriptions en a été terrifié. L’effet, pour lui, a été exactement le même que s’ils avaient été commis par un militant néonazi. L’acte, bien que motivé par le racisme anti-arabe, atteint donc les Juifs et Juives également. C’est un désastre : des personnes juives, animées par un racisme anti-arabe débridé ou une islamophobie violente, en viennent à commettre ou à justifier des actes qui relèvent eux-mêmes de l’antisémitisme, sinon dans l’intention, du moins dans les effets. On peut faire le parallèle avec Éric Zemmour, qui va jusqu’à réhabiliter Pétain pour légitimer des politiques répressives contre les Arabes et les musulmans — au prix d’un révisionnisme qui banalise les crimes antisémites de Vichy.
Les différentes formes de racisme s’entrelacent, se renforcent les unes les autres, et forment système. On ne lutte pas contre l’antisémitisme en désignant les Arabes comme boucs émissaires. On ne lutte pas contre le racisme en relativisant les violences antijuives. C’est ensemble qu’il faut combattre toutes les formes de racisme, en refusant toute instrumentalisation, toute hiérarchie, toute division imposée entre les victimes.
La Coordination nationale de l’UJFP, le 17 mai 2025