Etat Juif

par Jean-François Marx
Publié dans l’Humanité du 26 janvier 2008

L’Huma du 10 janvier exprime à juste titre l’aberration que constituerait un Etat juif, promis par Bush à son arrivée en Israël. Mais je ne suis pas d’accord sur la qualification d’Etat théocratique à la mode de l’Iran, bien trop réductrice.

L’Etat juif est l’aboutissement du rêve sioniste, idéologie née au 19ème siècle et tout à fait laïque. Il s’agissait pour ses promoteurs de fixer les Juifs sur une terre et de leur donner ainsi le pouvoir de diriger eux-mêmes leurs affaires, à l’abri des persécutions. Non suivie à l’époque par la majorité des Juifs, cette idée a abouti après la seconde guerre mondiale et le massacre des Juifs d’Europe.

Israël s’est alors construit sur une affirmation doublement fausse : « Une terre sans peuple pour un peuple sans terre ».

Peut-on ignorer aujourd’hui la réalité du peuple palestinien , chassé de ses terres en 1947 et 1948 et soumis à l’occupation après la guerre israélo-arabe de 1967 ?

Quant au « peuple » juif, sa réalité repose sur des mythes trompeurs :

– d’une part la référence religieuse de la Terre Promise, dont l’application dans les temps présents est contestée par des rabbins orthodoxes : pour eux la Jérusalem Terrestre ne serait accessible que par la venue du Messie (qui n’est pas Jésus-Christ pour les Juifs); La religion est affaire d’interprétation, ce qui explique son instrumentalisation à des fins politiques, marquée en Israël pour consolider le sentiment national.

– d’autre part la référence ethnique, les Juifs étant supposés les descendants des Hébreux, chassés de leur pays par les Romains après une ultime révolte sous le règne d’Hérode.

Ce mythe n’est pas défendable après 20 siècles d’Histoire. Les conquêtes, les flux migratoires, les périodes de prosélytisme, les métissages, sont ignorés pour justifier une filiation nationale et la prise de possession d’un territoire qui serait celui des ancêtres enfin recouvré.

Bush et Olmert veulent institutionnaliser une ségrégation ethnico-religieuse déjà à l’oeuvre : 20% des Israéliens sont Arabes musulmans et, moins nombreux, chrétiens, citoyens de seconde zone dans leur pays. On compte aussi près de 20% de Juifs dont la judéité n’est pas reconnue par les autorités religieuses juives (essentiellement les Russes arrivés après la disparition de l’Union Soviétique).

Un Etat juif serait dans l’ordre des idées états-uniennes, dans un Moyen-Orient réorganisé sur des critères ethniques et religieux, annonciateurs des conflits et des épurations ethniques à venir. Quant aux Juifs israéliens, où voient-ils l’abri voulu par leurs pères ? Ne serait-ce pas plutôt un enfermemnt infernal ?

Jean-François Marx
(membre UJFP)