Environ 130 migrants africains partis de Libye se sont noyés dans la Méditerranée dans l’indifférence complice de la Communauté Européenne

Chers amis,

Nous vous écrivons pour partager avec vous une nouvelle tragique.

Hier, après des heures de recherche, l’équipe à bord de l’Ocean Viking a assisté aux conséquences dévastatrices du naufrage d’une embarcation pneumatique avec environ 130 personnes à bord.

Au cours des 48 heures précédant ce drame, trois embarcations en détresse nous ont été signalées. Elles se trouvaient toutes à 10 heures au moins de notre position.

Dans une course contre la montre, sans coordination effective des Etats, nous sommes partis à leur recherche par une mer très agitée, avec des vagues atteignant 6 mètres. Les recherches de la troisième embarcation ont été menées de nuit, en coopération avec trois navires marchands présents sur la zone. L’épave a finalement été repérée par un avion de Frontex. À notre arrivée sur la scène, au moins dix corps flottaient à proximité de l’embarcation chavirée.

Nous avons sillonné la zone mais aucun survivant n’a été trouvé.

Nous avons le cœur brisé et pensons aux vies qui ont été perdues et aux familles qui ne sauront jamais ce qui est arrivé à leurs proches.

Ce nouveau drame est le résultat de l’inaction délibérée des Etats qui abdiquent leur responsabilité sur les opérations de recherche et de sauvetage en Méditerranée, laissant les acteurs privés et la société civile combler le vide mortel qu’ils laissent derrière eux.

Notre indignation est immense et vient gonfler notre détermination à poursuivre notre mission.

Ce week-end, l’Ocean Viking continuera de patrouiller en Méditerranée centrale pour sauver des vies et témoigner sans relâche de la tragédie qui se déroule sous nos yeux, aux portes de l’Europe.

Avec vous, nous continuerons.

Merci d’être à nos côtés,
L’équipe de SOS MEDITERRANEE
#TogetherForRescue

SOS MEDITERRANEE est une association qui a pour mission de sauver des vies, de protéger les rescapés et de témoigner de la situation en mer et des multiples visages de la migration.


Témoignage d’Alessandro, membre de l’équipe de recherche et de sauvetage à bord de l’Ocean Viking.

«Pendant plus de 24 heures, l’Ocean Viking a été à la recherche de vies en mer, des personnes qui étaient à bord de deux embarcations en détresse, très loin l’une de l’autre.  

Nous n’avons trouvé aucune trace de la première embarcation et nous ne pouvons qu’espérer qu’elle ait regagné la terre ferme ou atteint un lieu sûr.  

Durant une nuit de tempête avec des vagues de six mètres, nous avons tenté de retrouver la seconde embarcation. 

Je n’ai aucun mal à l’admettre, j’ai passé quelques heures à vomir aux toilettes. La prométhazine, le dimenhydrinate et la moitié des trois dernières années passées en mer n’ont pas suffi. J’étais épuisé, déshydraté. J’ai eu beaucoup de mal à me recoucher, et pourtant j’étais protégé par un navire puissant, qui pèse des milliers de tonnes.

Des coups secs sur la quille, des objets qui tombent dans les cabines.

Dehors, quelque part dans ces mêmes vagues, un canot pneumatique transportant 120 personnes. Ou 100, ou 130. Nous ne le saurons jamais, car toutes ces personnes sont mortes.

Nous avons repris nos recherches à l’aube, accompagnés par trois navires marchands sans coordination ni aide d’aucun État. Si un avion s’était écrasé dans la même zone, les marines de la moitié de l’Europe auraient été là ; mais ce n’étaient que des migrants, destinés au cimetière méditerranéen pour lesquels il est inutile de courir, et de fait, nous sommes restés seuls.

Dans l’après-midi, l’avion envoyé par l’agence Frontex a repéré l’épave du canot pneumatique. Lorsque nous nous en sommes approchés, il flottait dans une mer de cadavres. Littéralement. Il ne restait pas grand-chose de l’embarcation. Ni des personnes. Il n’en reste même pas les noms.

Impuissants, nous avons fait une minute de silence, afin qu’elle résonne à terre.

Les choses doivent changer, les gens doivent savoir. »