En live, SOS Méditerranée, l’arc de la Fraternité par-delà murailles et pandémie

Le 26 mai, un direct pour demeurer debout et solidaires. Ce sera à 18h30 sur la toile, et accessible sans compte. En attendant, et en images, une anthologie de partages, d’identités et de fiertés surtout… Et l’invitation à rejoindre l’Océan Viking.

SOS Méditerranée, née d’une initiative franco-allemande en 2015, après la fin de l’opération de secours Mare Nostrum, a été secouée par les vents de la pandémie. Elle aussi. Aujourd’hui, et dans l’urgence, elle se mobilise et mobilise au service de la vie, en nous proposant ce rendez-vous fixé au mardi 26 mai, à 18 h 30, à l’adresse suivante : https://www.facebook.com/sosmedfrance

Je suis l’œil qui scrute, en quête de l’infime qui est un univers en détresse. Je suis fils de l’école de la République française. Je suis Liberté Egalité Fraternité. Je suis les bras qui se tendent et délivrent des flots. Je suis Ludovic Duguépéroux, Juste parmi les Justes.

Je suis les belles mains discrètes qui apprêtent. Je suis la logistique d’une mission abandonnée aux humanitaires dévoués. Je suis le visage qui s’expose aux vents déchainés, loin des terres. J’ignore encore que mon silence sera une évidente réponse à l’indifférence et au repli identitaire, égoïste et bourreau. J’ignore plus encore que je serai le héros.

Je suis l’humanité qui tangue, entre les mains prédatrices qui font de la mer un gisement entremêlé de frontières et d’intérêts obscurs, inavoués et coupables, et les autres, secourables, qui refusent d’en faire le plus grand cimetière marin de la planète.

Je suis le capitaine de mon destin. Je ne suis pas la scène du héros dans une quelconque série à succès… Non, je suis la rage de vivre, la vraie. Je suis le droit à la vie.

Je suis la main qui porte la vie née sur les routes infernales de l’exil. Dépouillé, dénudé, mais encore debout. Je suis l’urgence de fuir et de veiller sur demain.

Je suis le lien, incrédule et sûr. Je suis la vie entre parenthèse au service de la vie, et sous le poids des insultes qui ne connaissent aucune frontière. Je suis la conscience de ceux et celles qui l’ont oubliée.

Je suis la main qui, hors du champ de la lumière, disparaît sous l’eau, l’enfant qui cesse de respirer, la mère qui sombre, le père qui renonce. Je suis un chiffre, l’échec qui lacère le succès, l’impossible joie. Je suis les larmes d’une sœur abandonnée, l’absent du rivage, l’âme anonyme qui hante la nuit de l’équipage. Je suis le figuré, sec et sans visage, sur une carte aux flèches élancées et menaçantes à souhait.

Je suis le cri qui fend la mer et relie les terres. Je suis la douleur des humiliés et des naufragés. Je suis la joie que procure la main tendue. Je suis le fracas de nos vertigineux possibles.

Je suis l’expertise et la maîtrise dans le chaos. Je suis la compétence qui affronte le mauvais sort, la boussole qui mène à bon port. Je suis la sérénité face à l’indicible.

Je suis l’effroi, l’élan brisé, le feu ardent des tourments. Je suis les autres, dans leurs mains, face à mes yeux fatigués. Je suis celui qui saisit et maintient le fil, malgré tout et grâce à tout.

Je suis l’enfant dérobé à l’enfance. Hissé aux sommets des tourments, je suis la résilience. Amarré aux consciences et aux cœurs, je sais les peurs.

Je suis l’écoute. Je suis le recueil des violences que l’humain inflige à l’humain. Je suis les lendemains de mission sinistrés, les liens du cœur et du sang malmenés, les nuits et les réveils impossibles.

Je suis le silence, l’anéantissement, la douleur en commun. Je suis les mots qui manquent et les bras qui enserrent. Je suis la sidération. Je ne suis pas de ce monde.

Je suis la main qui apaise et ramène au rivage le frère en plein désarroi. Je suis le compagnon de lutte qui refuse le naufrage après le sauvetage. Je suis, face à la lumière, la vie qui repart.

Je suis la paix qui s’installe, les larmes discrètes et confuses, le rideau qui se lève. Je suis la réconciliation dans un tonnerre d’ovations mêlées et fragiles.

Je suis fille des vents qui caressent et giflent notre planète. Je suis mère, résolue mais inquiète. L’avenir est une lumineuse comète et l’attente est immense.

Je suis fils d’une terre blessée, tourmentée, et qui m’échappe, me lâche et me sape. Suis-je attendu, quelque part ? Suis-je seulement quelqu’un, pour vous ? Je suis votre conscience.

Je suis l’homme seul. Je suis la mémoire des âmes englouties. Je suis le bleu marin maculé des cris étouffés et strié de larmes amères.

Je suis l’âme errante, je suis les mains brisées, je suis le repli avant le renouveau.

Je suis la danse sur le pont des malheurs et des bonheurs. Je suis le feu sacré qui unifie hier, aujourd’hui et demain. Je suis les ancêtres laissés au pays et outragés par l’écume des vagues. Je suis le prix de la vie.

Je suis la science avec conscience chère à Rabelais. Je suis la main rassurante et réjouie auprès de la femme qui enfante. Je suis la saveur du temps présent et l’espoir d’un lendemain.

Je suis l’armure qui lentement se fend, l’instant tendresse, la main qui relance l’horloge du temps des humains. Je suis la tâche accomplie.

Je suis l’humanité choyée. Désormais, je suis le passeur obligé de ses douleurs et de ses solidarités.

Je suis le roseau qui ploie, aux habits neufs sur une nouvelle voie. Je suis celui qui doute mais n’oublie pas.

Je suis le lien qui demeure quand est bravée la passerelle. Je suis la pensée lourde et légère qui accompagne l’autre errance sous des cieux incertains.

Je suis la liberté d’expression rescapée de la dictature au pays natal et de l’esclavage en Libye. Je suis l’humanité reconstruite mais aux cicatrices indélébiles. Je suis Alpha Kaba, énergie des mondes à construire.

Je suis la foule en lutte. Je suis l’humanité consciente qui se soulève face à l’indignité, aux trahisons, à la lâcheté. Je suis la fissure des palais aux grilles fermées, aux fenêtres obstruées et aux étendards souillés. Je suis la citoyenneté et la maison commune.

Je suis le marin de l’arrière-pays, l’engagement sans concession, le fédérateur des énergies indispensables à d’autres départs, le moteur des mains tendues et des gilets dispersés dans les flots noirs de la tempête. Au prix de 14 000 € la journée avec l’Océan Viking. Je suis un pilier du pont entre les terres, parmi la multitude anonyme. Je suis Syphax Allek, l’Afrique gravée sur ma jambe droite et l’épine des douleurs du monde plantée dans mon cœur.

Je suis l’arche orange, seule dans la grande bleue. Je suis l’Océan Viking, successeur de l’Aquarius et de sa trentaine de milliers de vies sauvées. Mon énergie est la Fraternité.

Je suis l’innocence généreuse et spontanée. Je suis demain. Je devrai savoir et pardonner. Et déjà, je dis merci.

Les photographies partagées ici sont toutes issues de la page Facebook de l’ONG, et visibles à l’adresse suivante

23 MAI 2020 | PAR HIPPOLYTE VARLIN | BLOG : LE BLOG DE HIPPOLYTE VARLIN

Et pour en savoir plus, le site officiel de SOS Méditerranée.Voir en ligne : l’article sur le blog Médiapart de Hippolyte Varlin

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