par Michael Warschawski.
Vous avez entendu parler du caporal Gilad Shalit ?
Bien sûr.
Qui, en Europe en tout cas, ne se souvient pas de ce timide garçon à lunettes, mal à l’aise dans son uniforme et son rôle de soldat, qui s’était fait capturer en 2006 par une unité du Hamas et avait été détenu pendant plus de cinq ans comme prisonnier de guerre à Gaza? Sa capture et l’échec des tentatives israéliennes de le récupérer par des opérations de commando ont fait de Shalit le symbole de la résistance armée du Hamas.
Comment oublier Shalit, alors que sa photo ornait de nombreux bâtiments publics à travers le monde, sur l’Hotel de Ville de Paris en particulier? Comment oublier celui qui a été pendant quatre ans au cœur de la diplomatie internationale, et l’objet de centaines d’initiatives plus ou moins secrètes ou se rencontraient ministres, chefs de services de renseignements ou simples politiciens en quête de publicité. Même le G8, en Octobre 2011, se mobilise pour le jeune soldat. Dans la première décennie du siècle le Shalit se vendait bien, très bien même.
Finalement le gouvernement israélien avait accepté de payer le prix fort qu’exigeait le Hamas: la libération de 1027 détenus politiques palestiniens. Une sacrée gifle à l’arrogance de Tel Aviv !
Avez-vous entendu parler de Abra Mengistu ?
Bien sûr que non.
Pourtant, ce citoyen israélien est depuis 10 mois à Gaza, aux mains du même Hamas qui avait détenu Gilad Shalit. Les autorités israéliennes sont informées de sa détention quasiment depuis le premier jour, mais elles ont su imposer à la famille le silence, certainement insoutenable.
Silence imposé également aux médias, plusieurs fois déboutés par la Cour Suprême à laquelle s’étaient adressés plusieurs journalistes.
« Pour faciliter les démarches qui mèneraient à sa libération » avait dit à la famille le coordinateur auprès du Premier Ministre pour la question des détenus, un certain colonel Lior Lotan, ajoutant par ailleurs des menaces : « si vous critiquez le gouvernement c’est Abra qui en subira la conséquence » ou encore : « ou vous accusez le Hamas ou vous accusez le gouvernement, c’est à vous de faire le choix. »
En fait, ce que voulez le patron de Lotan, c’était d’éviter d’éventuelles pressions de l’opinion publique pour que le gouvernement entreprenne des négociations, c’est-à-dire, à terme, un nouvel échange de prisonniers. « Nous ne libérerons pas de détenus [palestiniens] en échange de Mengistu » a annoncé « un membre important du gouvernement » [le Premier Ministre quand il parle off].
Un langage et un comportement très différent de celui qu’utilisaient les autorités dans l’affaire Gilad Shalit.
Mais j’ai oublié un petit détail : Mengistu est certes israélien, mais d’origine éthiopienne. Pas un Ashkénaze [Juif de culture européenne] d’ascendance française qui vit dans le chic village de Mitspe Hila en Galilée, mais un Juif noir d’un quartier populaire d’Ashkelon. C’est la toute la différence.
Michael Warschawski