Éducation nationale et déconfinement – Racisme au menu de la formation des professeurs

logo UJFP

Le Ministère de l’Éducation Nationale vient de mettre à disposition des enseignants plusieurs fiches thématiques en vue de la réouverture imminente de certains établissements scolaires pour, il faut le souligner, des classes de très jeunes enfants : grande maternelle, CP, CM2, 6e et 5e.

L’une de ces fiches ÉDUSCOL, dispositif chargé de la formation du corps enseignant, s’intitule : « Corona virus et risques de replis communautaristes ». Un texte qui offre un mélange d’hypocrisie, de racisme et de peur viscérale à un degré rarement atteint et qui mérite d’être analysé.

Dans la conception de ce ministère, ÉDUSCOL serait donc un outil de formation des enseignants au racisme et à la paranoïa anti-musulmans. Voici une première atteinte à la laïcité et à la liberté pédagogique essentielle à un enseignement laïque.

Dans la première partie de la circulaire, on peut lire la peur de la colère et de la révolte populaire :

« La crise du Covid-19 peut être utilisée par certains pour démontrer l’incapacité des États à protéger la population et tenter de déstabiliser les individus fragilisés. Divers groupes radicaux exploitent cette situation dramatique dans le but de rallier à leur cause de nouveaux membres et de troubler l’ordre public. Leur projet politique peut être anti-démocratique et antirépublicain. Ces contre-projets de société peuvent être communautaires, autoritaires et inégalitaires.
En conséquence, certaines questions et réactions d’élèves peuvent être abruptes et empreintes d’hostilité et de défiance : remise en question radicale de notre société et des valeurs républicaines, méfiance envers les discours scientifiques, fronde contre les mesures gouvernementales, etc. Or, plus que jamais, nous avons besoin de bâtir une société de la confiance, solidaire porteuse de sens et offrant aux élèves des chemins vers une socialisation positive.
 »

À nouveau, comme dans l’après Charlie, c’est le droit au questionnement des élèves sur ce qu’ils vivent, insupportable aux yeux de l’Éducation nationale, qui est attaqué. Ce qui est souhaité est un ensemble d’élèves dociles et soumis au régime qu’ils vivent, alors qu’ils ont pour certains été confrontés à des situations de confinement très dures non exemptes de souffrances dont la faim.

Les enseignants sont replacés dans leur ancien rôle de hussards de la République. C’est la République qui pourrait être attaquée à travers les mesures gouvernementales. Et il s’agit d’empêcher toute expression critique de la gestion de crise gouvernementale. On se demande bien pourquoi et au nom de quel principe de laïcité et de quelle liberté d’expression, les enfants des écoles ne pourraient exprimer de jugement négatif sur la gestion de cette épidémie pourtant perçue avec défiance par 70 % des Français.e.s.

Une telle remarque ne fait qu’accentuer le recul global des libertés publiques assumé grâce à cette crise (voir les banderoles contre Macron aux fenêtre suscitant des gardes à vue et amendes). Il s’agirait donc de faire de tous les enfants des gardiens de l’ordre public et des défenseurs du gouvernement.

Il faut aussi examiner le premier enjeu énoncé : lutter contre les replis communautaristes et l’indication des conduites à tenir : Identifier les discours ou les signes de replis communautaristes :
• Prendre en compte l’intégralité du spectre des idées radicales du communautarisme (ethnique, religieuse, culturelle, sociale, politique, mystique…).
• Repérer les glissements sémantiques fréquents entre « communauté » et « communautarisme ».

Le terme de « communautarisme » est utilisé pour signifier une dérive opposée à l’idéal républicain, qui donne la primauté des règles du groupe sur la loi républicaine française universaliste et intégratrice. Le communautarisme peut être alors considéré comme une menace pour la cohésion sociale en France…

Malgré les précautions d’usages, on admirera l’hypocrisie de « la nécessaire prise en compte de l’intégralité du spectre des idées radicales » qui rappelle celle de la loi contre « tous » les signes religieux ostensibles.

Le message est clair : Tenter de juguler l’épidémie se fera sur le dos d’un jeune, très jeune public d’enfants « racisés », et les enseignants doivent se préparer au contrôle à exercer sur leurs élèves noirs, arabes, musulmans, fussent-ils français.

On croit revivre l’après Charlie, mais en encore plus clair et précis.

De quel communautarisme parle-t-on ?

La gestion de la crise a creusé les inégalités. Au lieu de chercher à les réduire, ce gouvernement a désigné des coupables dès le début, via son bras policier : ce sont par exemple 17 % des personnes du 93 contrôlées contre seulement 5,9 % au niveau national. Des dizaines de contrôles musclés provoquant la mort ou des blessures graves ont montré à toute la France qui étaient les bons et qui étaient les suspects.

La peur qui suinte de ce texte est celle d’un gouvernement qui se sait menacé depuis les gilets jaunes et le mouvement social contre la réforme des retraites, et que sa gestion calamiteuse de l’épidémie n’en finit pas de fragiliser.

C’est motivé par la peur de la convergence et de la radicalisation sociale qu’il veut mettre en scène une radicalisation raciale. Diviser pour mieux régner tout en essayant de donner en pâture à une certaine vindicte populaire les ennemis désignés habituels. Un court-circuit organisé et classique.

Les minorités racisées constituent toujours le bouc émissaire idéal pour dévier la colère sociale de sa trajectoire lorsqu’elle menace le pouvoir. Il s’agit de diviser ce qui pourrait converger. De souffler sur les braises de l’identité pour créer un autre « nous » ségrégatif, communautariste – et surtout inoffensif vis-à-vis des gouvernants – en s’attaquant à la légitimité même des minorités racisées à faire partie du collectif social.

Devant cette ficelle éculée, mais qui est celle de tous les fascismes nous ne l’oublions pas, il ne reste qu’une chose à faire, nous rappeler à notre devoir de solidarité collective, et devant un gouvernement qui cherche à diviser le peuple pour mieux le contrôler et lui faire avaler les mesures scélérates soufflées par le patronat au nom de la restauration de l’économie, nous unir et résister ensemble.

Faire peuple, face à un pouvoir qui ne cherche qu’à le défaire.

La Commission Communication externe, pour la Coordination nationale, le 10 mai 2020.