La commission de la Défense de l’Assemblée nationale vient, à l’unanimité, de proposer une loi qui élève le capitaine Dreyfus au grade de général de brigade.
Cette initiative macroniste ne laisse pas de surprendre et on peut s’interroger sur le sens de cette initiative.
Si l’on se retourne vers le passé, on doit se souvenir que la droite réactionnaire de l’époque de Dreyfus a bataillé pour que le capitaine Dreyfus reste à l’Ile du Diable. L’extrême droite d’alors faisait le coup de poing contre les dreyfusards. Et voilà que les mêmes réactionnaires, les xénophobes, les racistes, les porteurs de lois de discrimination et de répression veulent utiliser le bon vieux capitaine comme étendard. Mais l’étendard de quoi ? Et pourquoi aujourd’hui ?
L’historienne Sophie Bessis s’est élevée contre la notion nouvellement apparue de « civilisation judéo-chrétienne » qui est une construction idéologique récente, destinée à reformuler un récit identitaire européen excluant et politiquement orienté. Il s’agit de redéfinir une identité européenne face à l’immigration ou à la diversité religieuse, en particulier musulmane. Par ailleurs, cette définition d’une identité « judéo-chrétienne » fait fi de l’histoire des persécutions contre les Juifs en terres chrétiennes occidentales, ignore l’apport culturel majeur de la troisième religion monothéiste, l’Islam et s’éloigne notablement de la laïcité pourtant affichée comme fondamentale pour la République, tout en oubliant les apports gréco-latins et tout le mouvement de la Renaissance et des Lumières, comme les composantes sociales et politiques des mouvements ouvriers et anticoloniaux.
L’opération politique d’aujourd’hui autour du capitaine Dreyfus participe bien de l’élaboration de ce mythe politique moderne.
L’Affaire Dreyfus, autrefois intégrée dans notre histoire dans une vision antiraciste de la société, d’un combat contre un racisme d’État, se voit récupérée par les fossoyeurs politiques des droits humains.
Scandaleux paradoxe.
Dominique Natanson