Droit de réponse de l’UJFP à l’UEJF

Un article signé par Benjamin Coyac et daté du 23/08/06, a été publié sur le site web de l’[url=http://www.uejf.org/uejf_detail.php?sid=&id_art=1025&id_type=4]UEJF[/url] où il y paraît toujours. Le ton polémique est donné dès le départ avec le titre : « L’union juive française pour la paix : une incroyable imposture ». Bien que vous ayez le droit le plus strict de critiquer des courants d’opinion, dont le nôtre, avec lesquels vous n’êtes pas d’accord, cet article est criblé d’affirmations erronées sur notre association et sur nos prises de position. Sans avoir l’ambition d’engager un dialogue approfondi sur notre appréciation du sionisme (dont vous faites beaucoup état dans votre article), je me contente par la présente missive de rectifier les contre-vérités les plus flagrantes qui paraissent dans l’article visant l’UJFP.

Tout d’abord l’Union juive française pour la paix est bien née en France, et non au Canada. Quant à un futur Etat palestinien dans les Territoires de 67, vous affirmez que l’UJFP préconise qu’un tel Etat soit réservé aux seuls Arabes. Ceci n’est pas notre position, nous ne sommes pas pour des Etats ethniquement purs, où qu’ils soient. Vous dites que l’UJFP fait la promotion d’un Etat binational, une idée « maintes fois décriée à Oslo ». Bien qu’ouvert à la discussion sur l’idée d’un Etat binational comme scénario possible pour une paix juste, l’UJFP ne se prononce pas sur cette option, car il revient aux premiers intéressés (le peuple israélien et le peuple palestinien) de se positionner là-dessus. Par ailleurs, à notre connaissance, le débat sur un possible Etat binational n’a jamais fait l’objet des délibérations menant aux Accords d’Oslo.
L’article dit que l’UJFP accorde un soutien, de façon « à peine voilée aux organisations terroristes du Hamas, du Hezbollah, de l’OLP… ». L’UJFP s’oppose et s’est toujours opposée au terrorisme de tous bords (qu’il s’agisse des attaques contre les civils perpétrées par l’Etat d’Israël, par le Hamas, par le Hezbollah ou par d’autres). Quant à l’OLP, reconnue par le gouvernement israélien depuis les Accords d’Oslo, c’est une centrale regroupant l’essentiel des forces vives de la société palestinienne (syndicats, associations, partis, milices, etc.). Bien que certaines composantes affiliées ou se réclamant de l’OLP commettent ou ont déjà commis des actes terroristes à une certaine époque, nous ne caractérisons pas l’OLP comme une organisation terroriste. Pour l’UJFP c’est une évidence qu’une telle caractérisation s’applique aujourd’hui beaucoup plus à l’Etat d’Israël et à son armée qu’à des organisations de la société civile palestinienne. L’article affirme que l’UJFP exprime « sa haine des Juifs lorsqu’ils sont sionistes ». Bien que l’UJFP ne soit pas une association sioniste, elle ne ressent ni ne préconise aucune haine contre qui que ce soit, surtout pas contre des Juifs que nous sommes. Notre regard critique du sionisme (et donc des sionistes) ne veut pas dire que nous les haïssons : ce mot ne fait pas partie de notre vocabulaire. Non content de nous prêter des intentions haineuses, l’article dit que l’UJFP « blasphème littéralement la mémoire de (…) nos six millions de frères abattus en Europe ». Ca suffit comme ça. L’auteur de ces lignes, comme la presque totalité des membres de l’UJFP, a eu son lot de parents morts en déportation lors du génocide. J’ose croire que la polémique au sein des associations juives (UEJF, UJFP et d’autres) saura éviter ce genre de dérive.
L’article dit que cette ‘autre voix juive’ représentée par l’UJFP « sert néanmoins d’alibi et de soutien à l’antisionisme ». Des écrivains et militants (juifs et non-juifs) qui s’opposent au sionisme peuvent sans doute s’appuyer sur nos communiqués pour soutenir leurs thèses, cela n’est en rien de déshonorant, ni de malhonnête du point de vue intellectuel. Par ailleurs une mise au point s’impose : plusieurs membres de l’UJFP (dont l’auteur de ces lignes) se définissent comme antisionistes, mais ce n’est pas le cas de l’ensemble de ses adhérents. L’association en tant que telle ne se définit pas comme antisioniste, mais comme non-sioniste. Dans nos rangs se trouvent des militants qui s’opposent radicalement au sionisme, d’autres qui soutiennent le sionisme (dépoussiéré de ses pires aberrations infligées aux Palestiniens) et encore d’autres qui prennent leurs distances avec cette idéologie pour imaginer un Proche-Orient débarrassé de toutes formes de discrimination et de domination, où le nationalisme israélien dans sa forme actuelle serait dépassé en faveur d’un système plus égalitaire et fraternel. Les sionistes que vous êtes n’ont pas besoin de mettre en cause l’intégrité morale et intellectuelle d’autres Juifs pour le seul motif qu’ils ne partagent pas votre vision politique de la société israélienne.
L’article dit que l’UJFP soutient « la République islamique d’Iran dans son financement des organisations terroristes Hamas et Hezbollah ». Non, l’UJFP ne soutient pas le financement du Hezbollah par le régime iranien. Quant au Hamas, cette organisation ne bénéficie pas d’un financement de Téhéran à notre connaissance. L’article affirme que notre position sur l’Iran (je ne sais pas d’où sortent de telles affirmations) serait « au détriment par exemple d’une reconnaissance et d’un soutien à la résistance démocratique de la diaspora iranienne ». L’UJFP a publiquement exprimé sa solidarité avec les forces démocratiques iraniennes et a apporté son soutien à une manifestation tenue sur l’Esplanade des Droits de l’Homme, Place Trocadéro à Paris, contre les exactions infligées par le régime des ayatollahs aux opposants iraniens. Selon l’article, l’UJFP se voit dans « l’axe du Bien », selon lequel « seules les ‘valeurs’ islamistes et terroristes ont droit de cité ». Encore une fois, la grille de lecture de l’UJFP n’est pas celle de « l’axe du Bien et du Mal » si cher à George Bush. Et nous ne faisons pas la promotion des ‘valeurs’ (comme vous dites) islamistes et terroristes. Il faut raison garder. Un peu plus de professionnalisme et de sérieux ne vous ferait pas de tort. Il n’est pas opportun d’écrire n’importe quoi sur vos adversaires, aussi gênants soient-ils à vos yeux.
Après avoir mis les points sur les « i » quant à nos positions, regardons celles de l’UEJF. Vous décrivez la société israélienne comme un « Etat de Droit, une République démocratique solide, dont la société mêle démocratiquement ses différentes communautés (Juifs, Arabes, Druzes, etc.) » avec des « valeurs d’Egalité entre les Hommes et de protection identique pour chacun. » Et d’affirmer que « tous ses citoyens, quelque soient leurs origines, leurs croyances (…) sont protégés par le même droit et obéissent aux mêmes devoirs (…) garantissant la liberté de chacun. » Une des raisons pour laquelle l’UJFP s’inscrit en porte-à-faux face aux zélotes comme vous, est que la description idyllique que vous faites de la société israélienne ne correspond tout simplement pas à la réalité. Israël se définit comme un Etat juif où les non-Juifs n’ont pas les mêmes droits. Votre soutien enthousiaste et acritique d’un idéal sioniste virtuel, en décalage avec la réalité israélienne contemporaine, semble vous aveugler tant sur votre capacité de faire une analyse critique que sur la façon d’aborder ceux qui vous portent la contradiction. Rassurez-vous, l’UJFP se tient à votre disposition pour débattre, devant vos adhérents et sympathisants, de ces thèmes. N’ayez surtout pas peur. Nous ne vous prêterons pas des positions qui ne sont pas les vôtres, nous ne vous traiterons pas de supporters de je ne sais quelles forces terroristes, nous ne vous accuserons pas sans preuves de soutenir je ne sais quels ayatollahs intégristes, nous ne vous traiterons pas de blasphémateurs de la mémoire des six millions de martyrs des camps d’extermination nazis, nous ne prétendrons pas que vous haïssez des Juifs ou que vous vous haïssez vous-mêmes. Nous savons débattre avec sérénité, dans la dignité et le respect qui s’imposent aux gens qui pensent différemment que nous.

Richard WAGMAN – Président d’honneur
Union juive française pour la paix (UJFP)
21 ter, rue Voltaire – 75011 PARIS
E-mail : contact@ujfp.org
Tél. : 06 33 95 29 97