Le 14 octobre, Info-Palestine a publié une « interview » de Gilad Atzmon par Silvia Cattori à propos de son livre « The Wandering Who ». Il y a eu diverses protestations et ce texte a été retiré sans explication du site quelques jours après.
Cette publication éphémère provoque chez moi les réflexions suivantes que je souhaite faire partager à celles et ceux qui consultent votre site.
La guerre menée par les dirigeants israéliens comporte plusieurs aspects. Le sionisme est une idéologie colonialiste et raciste qui a expulsé un peuple de sa terre, continue de détruire la société palestinienne et a fait d’Israël une tête de pont des impérialismes occidentaux au Proche-Orient. En face, il y a la résistance opiniâtre et légitime de tout un peuple.
Mais il y a un autre aspect qu’on ne doit jamais sous-estimer. Le sionisme a réalisé une gigantesque manipulation de l’histoire, de la mémoire et des identités juives. Sans cette manipulation, sans l’exploitation éhontée de l’antisémitisme et du génocide nazi, sans le complexe de Massada qui fait croire à de nombreux Juifs que ce sont eux les victimes, ce projet criminel contre les Palestiniens et suicidaire pour les Juifs serait voué à l’échec.
Le sionisme mélange volontairement « juif » et « sioniste » et martèle que critiquer Israël, c’est être antisémite.
Toute analyse qui reproduit cette confusion volontaire est totalement contreproductive.
Les réponses de Gilad Atzmon à Silvia Cattori sont clairement antisémites. Ce n’est pas une opinion, c’est une évidence. Et je suis peiné que cette évidence ne vous saute pas aux yeux. L’antiracisme est une valeur universelle. Tout le monde doit être capable de déceler des propos antisémites. Si on laisse cette tâche aux seuls Juifs, on commet une grave erreur.
Faut-il rappeler ce que dit Atzmon ?
— « J’essaye d’expliquer pourquoi le lobbying est inhérent à la politique et à la culture juives. »
— « Je cherche (…) à saisir l’attitude profondément raciste et anti-goy qui est intrinsèque à toute forme de politique identitaire juive laïque »
— « Lutter contre Israël pour ce qu’il est – c’est-à-dire l’État juif – signifie tout simplement un conflit ouvert avec le plus grand pouvoir de lobbying existant au monde. D’une part on se confronte à des institutions sionistes puissamment financées. Et d’autre part on est pris en chasse par le réseau juif soi-disant « progressiste » qui est en fait principalement engagé à contrôler le discours. Il faut comprendre que, contrairement aux sionistes qui agissent ouvertement, les Juifs antisionistes travaillent aux mêmes buts mais de façon clandestine. »
Et quand Silvia Cattori lui parle du « réel danger, à savoir l’idéologie juive », il acquiesce.
Pire, Atzmon s’en prend avec hargne aux Juifs religieux et aux Juifs antisionistes.
Sur les Juifs religieux, je renvoie à l’excellent livre de Yakov Rabkin « l’opposition juive au sionisme ». Les fondateurs du sionisme étaient pour la plupart non-croyants voire farouchement antireligieux. Ben Gourion a sciemment utilisé la Bible comme un livre de conquête coloniale. Le courant « national-religieux » qui sert de colonne vertébrale à la colonisation n’est pas une conséquence du Talmud mais de la décision politique de coloniser et d’expulser les Palestiniens.
Sur les Juifs antisionistes, c’est pire. Atzmon les considère comme l’autre face d’un même mal. Donc si on suit sa pensée Nurit Peled = Tzipi Livni et Michel Warschawski = Avigdor Lieberman. Les Anarchistes contre le Mur, la Coalition des femmes pour la Paix ou « Boycott from within » auraient pour but de « contrôler un discours ». Fort heureusement, l’écrasante majorité des Palestiniens qui luttent et résistent ne pensent pas cela. Ils pensent au contraire que l’existence d’associations anticolonialistes à la fois palestiniennes et israéliennes (comme l’AIC) répondent à un besoin urgent.
Dans cette « interview », Silvia Cattori manifeste avec enthousiasme son adhésion aux propos d’Atzmon.
Le mouvement de solidarité avec la Palestine a tout à perdre de faire comme les sionistes en mélangeant sciemment juif et sioniste ou en tolérant les manifestations d’antisémitisme. L’attitude digne et utile, c’est celle qu’avaient eue Edward Saïd, Mahmoud Darwich et Elias Sanbar en empêchant la tenue d’un colloque négationniste à Beyrouth.
NDLR : ce « droit de réponse » n’a jamais été publié par Info-Palestine