« Ceux qui pieusement…
Ceux qui copieusement…
Ceux qui tricolorent
Ceux qui inaugurent
Ceux qui croient
Ceux qui croient croire
Ceux qui croa-croa (…)
Ceux qui donnent des canons aux enfants
Ceux qui donnent des enfants aux canons
Ceux qui courent, volent et nous vengent, tous ceux-là, et beaucoup d’autres entraient fièrement au pavillon d’Armenonville, tous ceux-là se bousculaient, se dépêchaient, car il y avait un grand dîner de têtes au CRIF et chacun s’était fait celle qu’il voulait. (…) »
Pardon à Jacques Prévert pour l’emprunt de ces « Paroles ».
Sur le site du CRIF, vous trouverez le reportage photographique du dîner du 8 février : près de 70 photos d’Erez Lichtfeld.
Dans deux ou trois, Simone Veil s’aperçoit en bas de page, même pas accueillie. Le défilé des arrivées est impressionnant : autorités religieuses et communautaires, mais surtout Villepin (2 fois) Delanoe (idem), et aussi Baroin, Moscovici, Valls, Michèle Alliot Marie, (3fois), Guéant (autant), Fillon, DSK (non, c’est pour rire), Hollande (10 fois ), Sarkozy (11 fois, plus 15 photos au pupitre !). Et bien sûr, plus encore, en maître de cérémonie comblé, le Président Prasquier.
Ainsi, dans la politique spectacle de cette période préélectorale, le CRIF a joué sa partie.
Folklore ?
Malheureusement pas. Car cette mise en scène veut affirmer et illustrer un consensus (dont est certes exclu le Front national, mais aussi heureusement Europe Ecologie les Verts, les composantes du Front de gauche et l’extrême gauche). Pour le Proche Orient, la priorité pour l’UMP comme pour le PS est la sécurité d’Israël, LA démocratie de la région.
Sarkozy : « La France ne transigera pas avec la sécurité d’Israël. Je l’ai dit à deux reprises au nom de la France à la tribune des Nations-Unies. La France ne transigera pas avec la sécurité d’Israël, parce qu’Israël c’est un miracle. Sur les décombres, cette démocratie est née. C’est un symbole considérable qui va au-delà de ce petit pays par le nombre d’habitants et par le nombre de kilomètres carrés. Israël, c’est un miracle. Des fous, des assassins, ont voulu faire disparaître les Juifs. Et de cette volonté folle, génocidaire, est né ce miracle. Une démocratie : Israël. La disparition d’Israël, ce serait un drame qui irait bien au-delà d’Israël, ce serait un recul effrayant de l’histoire. »
La France des Lumières et de la Raison parle maintenant en termes de miracle. C’est la façon Sarkozy d’adhérer au discours sioniste. Le nazisme n’est qu’irrationalité folle. La naissance d’Israël en est le miracle irrationnel inverse. Mais ce miracle, c’est la création de ce morceau d’Occident fiché au Proche Orient. Le soutien des impérialismes successifs britannique, français et étatsunien au projet sioniste ? Non, ne cherchez pas par là, miracle vous dis-je. Et la sécurité des Palestiniens, victimes à 100 contre 1 de l’occupant ? Ce n’est pas une civilisation de même valeur.
Cela ne signifie pas un accord total avec la politique du gouvernement Netanyahou : sur l’accélération de la colonisation, il est difficile aux uns et aux autres d’afficher leur soutien. On parlera même du processus de paix et de l’Etat palestinien; mais la disqualification du Hamas comme interlocuteur, et même de tout gouvernement dont il serait membre allié au Fatah, laisse carte blanche à Israël pour poursuivre ce qui est le processus réel, la colonisation.
Devant un tel déséquilibre, Hollande sortira-t-il ? Oh non ! : pour les uns comme pour les autres pas question de se laisser distancer dans le cœur de cette communauté organisée que l’on confond délibérément avec « les Juifs de France » quand il n’y a pas plus de 15 % d’entre eux qui se sentent représentés par cette clique de banquet.
Sarkozy, après avoir fait applaudir le héros Gilad Shalit et ses parents :
« 1000 contre 1, cela n’a pas de sens pour les tortionnaires, pour les terroristes, pour les extrémistes mais pour la démocratie israélienne, pour les démocrates qui considèrent que la vie et sacrée, qu’une vie vaut tout, que la vie de Gilad SHALIT ne se compte pas en centaines ou en milliers d’unités, mais qu’elle est un tout en soi et que tout doit être fait pour qu’il soit sauvé.
C’est la marque qu’Israël est une démocratie, justement parce que dans une démocratie on attache du prix à une vie et pas simplement à mille. »
Dire cela, le 8 février dans la chaleur du pavillon d’Armenonville à Paris devant 1000 convives attablés, quand les prisonniers palestiniens poursuivent une grève de la faim pour la dignité, face aux brimades, à l’arbitraire, aux privations ! Dire cela et ne pas prononcer une seule fois le nom du jeune français Salah Hamouri qui a accompli la totalité de la peine prévue, condamné à 7 ans sur un dossier vide ! Pas un mot pour dénoncer la campagne de calomnies et de menaces relayée par le CRIF ? Dire cela quand la famille d’un otage français de terroristes au Sahara est fondée à penser que sa vie a été délibérément sacrifiée pour adopter une posture de fermeté ? Devant un tel scandale, Hollande est-il sorti ? Il l’aurait voulu que Delanoë l’en aurait empêché.
Et que l’on ne s’y trompe pas, François Bayrou n’est pas en reste. Il n’a marqué sa différence par son absence que pour se positionner en candidat « anti-système », mais son soutien à l’Etat sioniste n’est pas moindre.
Le Ministre des Affaires Etrangères Juppé n’a pas été en reste non plus, qui a inauguré les petits déjeuners de la Fondation France Israël en l’accueillant au Quai d’Orsay.
« La Fondation France-Israël est en effet à mes yeux un atout exceptionnel pour faire connaître Israël et la richesse de la société israélienne à l’opinion française comme pour faire vivre en Israël la relation entre nos peuples. C’est également une plateforme efficace pour jeter des ponts entre toutes les composantes de nos sociétés, au-delà des liens communautaires qui peuvent déjà exister. »
Le Ministre de l’interdiction de l’appareillage de la flottille de la liberté à Gaza, le Ministre qui accepte que les passagers régulièrement inscrits pour un vol soient interdits de décollage par Israël, le Ministre qui maintient l’impunité d’Israël malgré les destructions et la construction du Mur, veut jeter des ponts. Entre toutes (c’est moi qui souligne) les composantes de nos sociétés! Triste spectacle.
Pas de désespoir. Ces tristes pantins, nous devrons les faire partir. Et une autre politique devra s’imposer. Jamais le divorce n’a été aussi grand entre les dirigeants politiques qui soutiennent un régime d’apartheid, de colonisation, et d’épuration ethnique, et la population désormais convaincue de façon largement majoritaire de l’injustice fondamentale faite au peuple palestinien.
Nous n’avons pas le choix.
En même temps que nous interpellons les responsables politiques et sans attendre de les avoir convaincus, il nous faut donner plus d’ampleur encore à la campagne pour que les sanctions soient prises contre ce régime et contre les criminels de guerre. Nos armes sont celles de la société civile : exigence du désinvestissement de cette économie de guerre, campagnes de boycott des produits et des institutions du pays tant qu’il ne se conformera pas au droit international.
Et si nous ne voulons pas que ce divorce se traduise en antisémitisme en raison de l’identité avancée entre sionisme et judéité, il nous faut redoubler d’efforts pour démonter cette construction, expliquer comment elle a pu prospérer; qu’il n’y aura pas de paix possible sans reconnaissance du crime fondamental que représente cette colonisation sous prétexte de libération nationale. Agissons pour arracher les Juifs de France au CRIF du sionisme.