Deux États : retour à l’année zéro

29 12 2025 15 25 Microsoft Lens Deux États : retour à l’année zéro

Évoquer la solution à deux États pour régler le sort de la Palestine, nous renvoie aux sources, c’est à dire à la partition de la Palestine « en deux États » votée par les puissances coloniales et impérialistes de l’ONU en 1947.

La méthode de la partition a été utilisée   par les empires coloniaux, poursuivie au lendemain de la seconde guerre mondiale dans le nouveau cadre politique de la décolonisation, Inde Palestine, et celui de la guerre froide, Indochine, Corée. Elle fait intégralement partie d’un système de séparation global inhérent à l’impérialisme et au capitalisme : racisme, ghettoïsations sociales, ségrégations, partitions, apartheids, génocides. D’ailleurs, 1947 est aussi l’année de la partition de l’Inde sur une base religieuse, et 1948 marque l’installation du régime d’apartheid en Afrique du Sud.

La partition s’est imposée par la force aux Palestiniens qui ne souhaitaient pas se voir dépossédés de 56 % de leur territoire, avec 33 voix pour, 13 contre et 10 abstentions.

Elle   entre en contradiction flagrante du principe fondateur du droit international inscrit dans la charte des nations unies : le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Les Palestiniens de cette époque ont été traité comme des colonisés sans voix. C’est le régime de la force qui a présidé à la partition votée en 47.  En réalité si les Palestiniens s’opposent à la partition, pour les sionistes il ne s’agit que d’une étape ainsi que l’indiquait déjà Ben Gourion :« L’acceptation de la partition ne nous engage pas à renoncer à la Cisjordanie. On ne demande pas à quelqu’un de renoncer à sa vision. Nous accepterons un état dans les frontières fixées aujourd’hui — mais les frontières des aspirations Sionistes sont les affaires des Juifs et aucun facteur externe ne pourra les limiter1.

A quel moment la communauté internationale est-elle véritablement intervenue pour imposer cet État palestinien qu’elle avait créé et le respect de la résolution 18, pour freiner l’expansion israélienne qui commence dès le lendemain du vote ?

De 1947 à 1949, les milices sionistes puis l’armée israélienne  procèdent à  une épuration ethnique de 750 000 Palestiniens, la destruction de près de 500 villages, et l’accaparement des terres sur le territoire qui leur est accordé. De plus   22% du territoire de la future Palestine sont  conquis et ajoutés à Israël, entérinés par la ligne d’armistice de 1949.

La guerre de 1967 s’achève avec l’occupation de toute la Cisjordanie et un nouvel exode palestinien estimé à 250 000 personnes. La résolution 242 votée le 2 novembre 1967 à l’ONU sur le retrait des territoires occupés est restée à ce jour, elle aussi, lettre morte.

Les Palestiniens ont toujours privilégié tout ce qui pouvait garder la Palestine entière, comme ils le demandaient à l’ONU en 1947, sans être entendus. Leur acceptation d’une partition (lors de la conférence d’Alger de novembre 1988 ) prenait acte de  l’échec d’une résistance acharnée mais solitaire, non soutenue par la communauté internationale. Conduits jusqu’au Processus d’Oslo, les Palestiniens se sont heurtés à la posture dominante israélo-étatsunienne et aux perspectives inacceptables qu’elle leur dessinait : un État morcelé, désarmé, largement sous contrôle israélien, sans réelle souveraineté, sans Jérusalem-Est pour capitale. Nous ne reviendrons pas sur le détail d’une imposture largement documentée y compris par des rapports onusiens.

Des centaines de milliers de réfugiés vivent encore aujourd’hui en exil, attendant l’application d’une autre résolution de l’ONU : celle du droit au retour des réfugiés palestiniens, soigneusement évitée dans toutes les déclarations de soutien à deux États. Quel État occidental ou non occidental se préoccupe-t-il de faire appliquer la résolution 194 de 1948 reprise le 22 novembre 1974 ; un droit auquel tous les Palestiniens vivants sont particulièrement attachés ?

En d’autres termes, ce qui apparaît à l’examen, c’est un droit international appliqué de façon variable, selon qu’il sied ou non aux puissances qui contrôlent l’ONU et les instances internationales.

Il apparaît que les déclarations des puissances occidentales ont toujours été déconnectées de la réalité du terrain, permettant à Israël d’avancer sans freins dans sa conquête de toute la Palestine, et même au-delà. 

A quel moment la communauté internationale a-t-elle tenté de mettre en œuvre la solution à deux états pendant les 55 ans d’occupation de la Cisjordanie où rien n’a été fait pour protéger le territoire du futur État. Il faut plutôt constater son refus implicite et constant d’affronter Israël pour l’imposer. A ce jour aucune sanction n’a été prise contre Israël pour tenter d’arrêter la colonisation, les crimes de l’occupation et aujourd’hui   sa folie meurtrière et le génocide dans lequel il s’est engagé.  Pourquoi devrait-on croire cette communauté internationale lorsqu’elle affirme et répète son soutien à deux États ?  De quoi parle-t-elle de quel territoire absent, annexé ou dévasté ? 

La question de la reconnaissance de l’état palestinien a ressurgi au moment où les états étaient mis en demeure par la CIJ de tout faire pour empêcher le génocide et de punir les actes de ce génocide.  C’est à la place de l’action nécessaire pour arrêter le génocide sur le terrain, qu’a été brandie la soudaine urgence de reconnaître l’État de Palestine.

La carte Joker des deux États est jouée au moment du génocide comme pour effacer sa matérialité, et pour avoir l’air d’agir ; une carte hors sol et hors réalité. La mise en scène politico-médiatique qui entoure la reconnaissance par la France de cet état purement virtuel en dit long sur la posture coloniale généralisée et hypocrite qui l’impulse.    Le peuple palestinien n’est ni présent ni représenté dans toutes les propositions censées définir son destin.

Deux États ou un seul, est aujourd’hui un débat creux, pendant que sur le terrain   Israël exécute jour après jour, sans aucune entrave, son plan d’annihilation de la population palestinienne et  de  récupération de toute sa terre . C’est contre cela qu’il faut agir vite fort et à tout prix. A la reconnaissance de la Palestine, Israël oppose l’annexion pure et simple de la Cisjordanie et une accélération du génocide à Gaza. Et aucune puissance internationale n’a l’intention de l’arrêter.  L’officialisation par le parlement israélien du projet de colonisation de la zone E1 en Cisjordanie, en août dernier, va consacrer le démantèlement et l’annexion de cette dernière. Le premier acte sur le terrain est un ordre d’évacuation des 5 000 habitants de cette région.  Bezalel Smotrich, le ministre des finances a déclaré :«Avec E1, nous concrétisons enfin ce qui a été promis depuis des années. C’est un moment fondateur pour les implantations, pour la sécurité, et pour l’État d’Israël tout entier…. L’État palestinien est effacé de l’agenda, non pas par des slogans, mais par des actes… »2.

Les condamnations de la communauté internationale n’ont pas tardé, mais pour reprendre la formule de Smotrich, empêcher l’effacement de la Palestine ne peut se faire par des slogans mais par des actes.

La reconnaissance de l’état palestinien par la France est assortie   de conditions qui rappellent le sort fait à l’Allemagne nazie après la victoire des alliés. Démilitarisation, contrôle israélien maintenu, contrôle international maintenu. Quel autre exemple avons-nous de telles conditions y compris celle de l’interdiction d’un parti politique palestinien – qu’il nous plaise ou non –    à l’heure où tous les gouvernements européens et mondiaux blanchissent et intègrent des partis fascistes ? En d’autres termes les Palestiniens, victimes d’un génocide, sont traités comme les coupables d’hier. 

C’est un état sans souveraineté qui nous est vendu, sans territoire viable, dont la population désarmée est livrée à la barbarie coloniale sous toutes ses formes, avec l’aide des états qui ont financé et armé Israël et continuent de le faire ; ceux-là même qui lui   garantissent une impunité totale, en violation de tous leurs engagements auprès de la Cour Internationale de Justice ou du tribunal pénal international.  Pire encore, chaque nouveau « plan de paix » s’ajuste aux dernières conquêtes d’Israël qu’il avalise, et réduit comme une peau de chagrin, l’espace et les prérogatives d’un état « virtuel ».

 La réaction des Palestiniens à Ramallah livrés jour et nuit aux persécutions des colons et de l’armée, comme à Gaza sous les bombes : le silence. Les peuples sont rarement dupes… Que pensent les Palestiniens aujourd’hui, qui leur donne la parole ? Qu’en sera-t-il après le génocide, pourront-ils imaginer une coexistence avec leurs bourreaux ?   La décision leur appartiendra, il nous appartient de les écouter… enfin.

(Article paru dans la revue Le Bien Commun du Parti de Gauche, en novembre 2025)

  1. Speech in 1937, accepting a British proposal for partition of Palestine which created a potential Jewish majority state, as quoted in New Outlook (April 1977)[]
  2. Grand Continent 21 août 2025[]
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