A deux mois d’intervalle se sont déroulées deux élections, les élections palestiniennes le 25 janvier et les élections israéliennes le 28 mars, l’une dans un pays qui vit une occupation dure et qui résiste, l’autre dans le pays occupant qui semble s’être habitué à sa condition d’occupant et qui n’a de cesse de renforcer ses positions sur le terrain.
En votant pour le Hamas, les Palestiniens ont fait acte de protestation et de résistance. Ils ne font plus confiance à une Autorité Palestinienne qui, même si elle représente historiquement le Mouvement National Palestinien, n’a pas su résister aux manœuvres de l’occupant qui, au nom d’un processus sans fin, jouait de temps en temps à la négociation tout en renforçant la colonisation de la Cisjordanie et en durcissant les conditions de l’occupation. Aujourd’hui le Hamas remet en question moins une possibilité de paix qui n’existe plus depuis longtemps que ce jeu du processus qui n’avait d’autre but que d’assurer l’hégémonie israélienne. Et les alliés occidentaux d’Israël, américains et européens, de menacer les Palestiniens pour avoir osé défier l’occupant israélien.
Rien de tel en Israël, des élections quelque peu incolores avec près de 37 % d’abstentions (un record), des élections qui vont permettre les retrouvailles d’un parti dit « du centre », Kadima, et d’un parti dit « de gauche », le Parti Travailliste, lesquels se donneront une belle image par rapport au parti électoralement disqualifié de la droite dure, le Likoud.
Ainsi Sharon, cet héritier commun des deux composantes du sionisme d’avant Israël, celle de Ben Gourion et celle de Jabotinsky, aura, du fond de son coma, gagné la partie. La paix ne se fera pas et l’Etat d’Israël poursuivra sa politique de grignotage de la Palestine, quitte à abandonner les parties du terrain qui lui coûtent trop cher. On l’a vu à Gaza comme on le verra avec Olmert prêt à lâcher quelques colonies sans intérêt pourvu que lui restent les colonies autour de Jérusalem, Maale Adoumim, Psagot ou Gush Etzion, l’importante colonie d’Ariel et la vallée du Jourdain, ce qui suffit pour empêcher de vivre les quelques morceaux de terrain abandonnés aux Palestiniens. Encore que, comme on le voit à Gaza, Israël garde le contrôle du territoire quitte à y laisser se développer la famine au nom de la sacro-sainte sécurité.
Si l’équilibre des forces politiques aura des conséquences sur la politique intérieure, la nouvelle composition de la Knesset devrait avoir peu d’incidence sur la politique envers les Palestiniens. Quant à Ehud Olmert, l’héritier de Sharon, il aura compris la leçon de son prédécesseur du bon usage d’une opposition de droite. La droite du Likoud et les colons ont permis à Sharon de se donner une belle image de paix au moment du retrait de Gaza, ce qui permettait à ses supporters de renvoyer la balle à l’Autorité Palestinienne. Olmert sait que la partie devrait être encore plus facile puisque les Palestiniens, en donnant la majorité au Hamas, ont montré aux inconditionnels d’Israël que ce dernier n’avait aucun interlocuteur.
Pourtant, ces élections auront marqué une nouvelle donne. Pour la première fois, la question sociale a joué un rôle important et a provoqué entre autres un effondrement du Likoud lié à la politique ultra-libérale de Netanyahou. Mais ce glissement ne change rien sur le consensus qui traverse la classe politique israélienne sur l’annexion rampante et la poursuite de la colonisation.
Personne, parmi les responsables politiques occidentaux, ne s’est, jusqu’à aujourd’hui, demandé si les Palestiniens avaient un interlocuteur israélien, si Israël acceptait de reconnaître un État de Palestine et de mettre fin à la violence. Personne n’a exigé d’un gouvernement israélien qu’il respecte les accords avec l’Autorité Palestinienne.
Tant que cette impunité durera, Israël pourra continuer l’occupation, continuer la colonisation, continuer la construction du Mur dont Olmert dit maintenant qu’il marque la future frontière et la paix qui n’a jamais été proche continuera de s’éloigner. Mais on pourra dire que c’est la faute aux Palestiniens ; pour Israël et ses alliés, c’est ce qui importe.