Dans la torpeur de l’été, juste après les propos scandaleux et vite oubliés du député maire de Cholet [<*> Lire à ce sujet le [communiqué de l’UJFP du 6/08/2013]], la Cour d’Appel de Lyon vient de nous donner un nouvel exemple des dérives racistes et xénophobes qui s’installent insidieusement dans notre quotidien sans que celles ci suscitent le moindre émoi de la grande majorité des associations juives ou non réputées combattre le racisme, soucieuses du respect des Droits de l’Homme et attachées aux valeurs de la République.
C’est par un article du Monde.FR du 9 août dernier (repris partiellement par Rue 89 Lyon le 10/08), que l’affaire est rendue publique.
Devant la Cour d’Appel de Lyon comparaissait le 5 août dernier Monsieur Mohamed S, arrêté en situation irrégulière en Savoie, transféré sur ordre du préfet de Savoie pour être expulsé vers son pays d’origine – le Maroc – au CRA de Saint Exupéry.
Monsieur Mohamed S contestait la décision du juge des libertés et de la détention prise la veille de prolonger sa rétention et les conditions litigieuses dans lesquelles ses empreintes digitales avaient été prélevées.
Foin de tout cela pour le premier président de la Cour d’Appel de Lyon qui entérine les multiples entorses faites au CESEDA, celles relatives au prélèvement de ses empreintes digitales, confirme l’expulsion de Monsieur Mohamed S qu’il transforme – au nom du préfet de Savoie – de ressortissant marocain en ARABE dans la rédaction des documents confirmant son expulsion !
Ce qui donne le document administratif officiel suivant :
« Le préfet du département de Savoie a prononcé la reconduite à la frontière de Monsieur Mohamed S, de nationalité arabe et a décidé de le maintenir en rétention dans les locaux ne dépendant pas de l’administration pénitentiaire pour une durée de 5 jours, à compter du 29/07/2013 à 18H50 »
Il ne s’agit pas là d’une erreur, d’un lapsus, mais bel et bien d’une qualification affirmée puisque dans une autre partie de l’attendu du rejet de la demande de Monsieur Mohamed S il est écrit :
Monsieur S, se disant né le 02/01/1979 à Casablanca (Maroc), nationalité : Arabe, demeurant, etc …
Monsieur le 1er président de la Cour d’Appel de Lyon n’a certainement pas connaissance du colloque qui s’était tenu à Dijon en 1996 intitulé Le droit antisémite de Vichy au cours duquel les dérives et les responsabilités de la Justice sous Vichy avaient été analysées et condamnées.
Pas connaissance non plus du travail effectué par l’historien Tal Bruttmann aux archives de la préfecture de l’Isère pour la rédaction de son livre : Au bureau des affaires juives, l’administration, française et l’application de la législation antisémite.
Dans ce livre, Tal Bruttmann analyse comment le triptyque administratif – Préfecture, Police et Justice – a progressivement fait sien le langage raciste et xénophobe d’ Etat, l’a repris avec facilité et sans état d’âme à son propre compte, l’a intégré à un travail administratif de routine, banal. Comment s’est créé un nouveau langage administratif spécifique lié à l’antisémitisme et à la xénophobie d’ Etat, progressivement adopté par l’ensemble du corps administratif français..
Il montre par ailleurs comment, à partir de la promulgation du Statut des Juifs en octobre 1940, la désignation de JUIF ou de JUIVE s’est substituée dans l’ensemble des documents administratifs à celle de Monsieur ou de Madame, effaçant toutes les références aux qualités et aux nationalités multiples des Juifs apatrides réfugiés en France, à celles des Juifs français, les réduisant à un corps étranger devenu dangereux pour la Nation, dont il faut, nécessairement, se protéger, se débarrasser.
Comment cette nouvelle désignation est devenue un facteur de discrimination légale.
L’islamophobie, le racisme et la xénophobie d’ Etat d’aujourd’hui jouent le même rôle que l’antisémitisme d’ Etat d’ hier. Les porosités que nous constatons entre le discours d’ Etat ambiant et celui des relais administratifs qui le représentent sont dans cette tragique affaire révélatrices, tout autant que les déclarations des politiques comme celle du député maire de Cholet, du climat délétère qui s’installe dans notre pays.
L’arabe, ou l’homme désigné tel par cette qualification raciale en lieu et place de sa nationalité, est bel et bien le juif d’hier. Les processus de déshumanisation en cours sont identiques, les conséquences, tout aussi dangereuses.
Plus que jamais, il est de notre devoir de dénoncer et de combattre ces dérives lourdes de menaces.
Georges Gumpel.
Partie Civile au procès Barbie,
Membre du bureau national de l’UJFP