(Traduit de l’arabe)
La région orientale de Khan Yunis est l’une des zones marginalisées qui ne disposent pas de services publics. Il s’agit de zones frontalières qui abritent un pourcentage élevé d’agriculteurs privés des conditions minimales d’une vie normale. Les hôpitaux, les administrations, les établissements publics et même les marchés sont situés dans les grandes villes, loin de ces villages isolés.
La région orientale de Khan Yunis comprend 6 municipalités : Al-Fukhari, Khuza’a, Abasan Al-Kabira, Abasan Al-Saghir, Bani Suhaila et Isan Al-Jadida. Ces communes contiennent de vastes terres agricoles frontalières isolées du reste des villes. La plupart des habitants de ces zones sont de simples agriculteurs qui vivent loin des nuisances des villes, et sont réputés pour leur gentillesse et leur générosité.
Ces zones sont également connues pour leurs terres fertiles, la beauté de leurs paysages et le calme qui est troublé chaque matin par les violations israéliennes.
Les agriculteurs ont été exposés à de nombreux revers et problèmes ces dernières années, en particulier après 2003. Ces zones étaient connues pour la présence d’un grand nombre de serres agricoles. Les agriculteurs exportaient leurs récoltes vers la Cisjordanie et les pays du Golfe.
La plupart des agriculteurs disposaient d’une bonne réserve d’argent grâce à la situation agricole stable, mais après 2003, la situation s’est enflammée. Les violations de l’occupant israélien contre les agriculteurs sont devenues une routine quotidienne et la situation a commencé à se détériorer de jour en jour.
Le 31 mars 2003, l’occupant israélien a envahi toutes les terres agricoles adjacentes à la zone frontalière de la bande de Gaza, sur une longueur de 45 kilomètres et une profondeur d’un demi-kilomètre. La plupart des serres et des élevages de volailles et de vaches ont été détruits. L’occupation a tout rasé sur le terrain.
Environ 500 serres agricoles ont été détruites dans les seules régions de Khuza’a, Al-Fukhari et Abu Taima selon les statistiques du ministère de l’Agriculture de l’époque. Ce qui a provoqué un grand choc chez les agriculteurs qui n’ont pas réalisé ce qui s’est produit. Cela a entraîné un revers dans le secteur agricole, dont les agriculteurs souffrent jusqu’aujourd’hui.
Ces souffrances se sont poursuivies et ont été exacerbées par les problèmes persistants apparus ces dernières années, notamment la réglementation des exportations, l’augmentation des prix des semences et des plants.
L’idée, dès le départ, était donc d’établir une pépinière agricole située au milieu de ces zones et à proximité des agriculteurs pour répondre à leurs besoins. Ainsi, après de nombreux appels des agriculteurs auprès des organismes locaux et des ONG internationales, Humani’Terre et UJFP se sont penchées sur cette question et l’ont étudiée, puis ont créé en 2019 une pépinière au milieu des zones marginalisées pour leur fournir gratuitement des plants.
La création de cette pépinière a permis aux agriculteurs d’acquérir gratuitement des plants et leur a évité de parcourir des dizaines de kilomètres pour en avoir.
L’équipe chargée de la pépinière a planté plus de 180 000 plants au cours des mois de mai et juin 2023, et les agriculteurs ont commencé à préparer leurs serres pour recevoir la saison hivernale, qui commence début août.
L’équipe a également œuvré pour établir la confiance entre les agriculteurs et la pépinière en fournissant des plants solides, exempts de maladies et conformes aux normes.
Dans le passé, de nombreux problèmes sont survenus entre les agriculteurs et les pépiniéristes en raison de fraudes sur la qualité des semences, de changements de variétés, et les faiblesses qui apparaissent après leur plantation, ce qui a causé d’énormes pertes financières aux agriculteurs.
Aussi, le développement de la pépinière et les deux extensions réalisées en 2021 et 2022 ont permis à un grand nombre d’agriculteurs d’utiliser la pépinière et ont doublé les opportunités d’en bénéficier.
Avant cela, l’UJFP, plus précisément en 2016, avait construit un château d’eau et prolongé les lignes d’acheminement de l’eau jusqu’aux terres frontalières, sur une longueur de 8 km.
UJFP et Humani’Terre ont également travaillé sur l’installation de l’énergie solaire pour assurer la continuité du courant électrique et faire fonctionner les puits. La pépinière s’est classée première parmi les pépinières situées au sud de la bande de Gaza en termes de rapidité et de travail, de propreté et stérilisation ainsi que de suivi continu par des ingénieurs agronomes spécialisés.
En raison de la forte fréquentation et de la demande croissante de plants, les deux ONG ont développé la pépinière à deux reprises pour répondre aux besoins des agriculteurs bénéficiaires et pouvoir en accueillir d’autres.
Jour après jour, le personnel de la pépinière a commencé à prêter attention aux problèmes des agriculteurs et à essayer de leur trouver des solutions et répondre aux besoins en discutant avec les organismes locaux ou la Croix-Rouge.
Le 30 mai 2023, le personnel a distribué des centaines d’outils agricoles aux agriculteurs des régions de Khuza’a, Al-Fukhari, Abu Ta’ima, Abasan et de la Région centrale pour les aider dans leur agriculture. Ces outils ont été fournis par une association française, 4ACG, en collaboration avec l’UJFP. Les agriculteurs ont remercié le personnel de la pépinière pour leurs efforts et leurs services.
Par ailleurs, de nombreux agriculteurs n’aborderont pas la saison hivernale parce qu’ils ne peuvent pas réparer leurs serres endommagées par les vents violents qui ont frappé la bande de Gaza en mai 2023.
À noter que la bande de Gaza a été exposée à deux reprises cette année à des vents très forts. La première en janvier 2023 et la seconde en mai de cette année.
D’autre part, les agriculteurs avaient à peine commencé à récolter l’orge quand la guerre a éclaté et les agriculteurs ont alors arrêté la récolte. Rappelons qu’avant cette période, plus précisément au début du mois de mai 2023, les agriculteurs étaient contents car la production était abondante grâce aux pluies qui sont tombées sur la bande de Gaza.
Les maraîchers étaient les plus chanceux parmi les agriculteurs au début de la saison et ils se préparaient à rembourser une partie de leurs dettes, mais le destin ne leur a pas laissé beaucoup de temps. En effet, lors de la dernière agression sur Gaza, l’armée d’occupation a bombardé les terres agricoles, a brûlé les récoles et a terrorisé les agriculteurs et les a empêchés d’accéder à leurs terres. Ce qui a entraîné un tarissement des récoltes et des pertes énormes pour les agriculteurs.
Nous avons visité un certain nombre de terres et d’agriculteurs pour découvrir ce qui s’est passé pendant l’agression.
Jeudi 11h-17h : L’armée d’occupation a bombardé plusieurs terrains, ce qui a provoqué plusieurs incendies, dont celui qui a touché le terrain de l’agriculteur Ibrahim ….. de la région d’Abu Taima, qui loue un terrain de 50 dunums planté d’orge. L’incendie a détruit 7 dounams et endommagé de nombreux réseaux d’irrigation et conduites principales alimentant le terrain.
Signalons ici que lors du bombardement, un incendie s’est déclenché dans un terrain proche du siège de l’Union. Notre personnel a aussitôt appelé les pompiers qui sont arrivés rapidement et ont éteint l’incendie.
L’agriculteur Muhammad Nabil Sobh
Il loue un terrain de 30 acres planté de pastèques.
L’agriculteur raconte que dans cette zone, l’agriculteur Muhammad Abu Taima, a pris le risque et s’est rendu sur sa terre pour l’irriguer, mais l’occupation ne lui a pas laissé le temps et l’a tué de sang-froid.
Et il continue en disant : « nous étions censés ramasser nos récoltes mardi dernier (9 mai), mais la guerre nous en a empêché et nous n’avons pas pu venir pour l’irrigation. Et comme vous pouvez le constater, une grande partie de la récolte a été détruite par les bombardements et l’autre partie a été endommagée par la sécheresse ». L’agriculteur affirme que les dégâts sont estimés à 8 500 $.
L’agriculteur Bilal Ibrahim Abu Taima
Il loue un terrain de 20 dounoums plantés de melon
Lorsqu’on lui a demandé ce qui lui était arrivé, il a répondu : « Le mardi (9 mai) à 10h du matin, j’étais venu irriguer mes cultures. A ce moment-là, le terrain à côté a été bombardé avec un Missile F16. Je suis tombé par terre et je ne pouvais rien voir. Après, j’ai rampé plusieurs mètres jusqu’à pouvoir me tenir debout et marcher pour atteindre la voie publique. Quelques minutes après, j’ai appris le décès de deux agriculteurs. Depuis, nous n’avons pas pu venir ici, et la terre est restée assoiffée pendant 5 jours. Et voilà, vous voyez, constatez vous-même le résultat : la majeure partie de la récolte est asséchée ».
Les pertes de cet agriculteur sont estimées à plus de 7 000 $.
Une autre frappe sur des terres agricoles dans la région d’Abasan Abu Taima, comme le montrent les photos, la récolte d’orge a été endommagée et la terre a recouvert toute la récolte.
Des pertes répétées pour les agriculteurs à cause de l’occupation israélienne, qui n’hésite pas à punir les agriculteurs et à les attrister pour leurs récoltes.
Une autre frappe dans la région d’Abasan (Abu Taima) qui a visé cette fois-ci un champ d’oliviers. Et là, on peut dire que l’occupation cible tout, que ce soit les pierres, les arbres, les êtres humains. Elle dénigre tout ce qui est vivant et tout ce qui est sacré.
L’agriculteur qui exploite ce champ témoigne :
« Le samedi 13 mai 2023 à midi, j’étais dans un terrain adjacent à ma maison, en train de récolter des melons. Tout à coup j’ai entendu une énorme explosion et j’ai vu un énorme nuage de poussière. Nous avons fui la région et aujourd’hui, nous sommes venus pour voir ce que l’armée avait détruit. Nous avons été surpris que la cible n’était que ce terrain d’oliviers et la raison en est inconnue !
Nous ne savons pas ce que les arbres ont fait à l’occupation ?! L’agriculteur rigole en disant : « puisque vous êtes un centre d’études et de recherche, c’est à vous de répondre à cette question ! »
Le vendredi 26 mai 2023
La bande de Gaza a connu de violents vents pendant une demi-heure. La vitesse du vent était énorme, ce qui a causé de graves dégâts aux serres et aux terres agricoles ouvertes. Environ 100 serres ont été endommagées dont 10 ont été complètement détruites.
A ce jour, les agriculteurs ne se sont pas encore remis de l’ouragan qui a frappé le pays il y a plusieurs mois. Les dégâts sont énormes et les agriculteurs souffrent toujours de l’amertume de la perte.
Par conséquent, les agriculteurs font appel aux organismes agricoles, locales et internationales, pour les aider à restaurer leurs serres et entrer dans la saison hivernale. Ils doivent commencer à réserver les plants le 7 juillet et les planter à la fin du mois d’août. A défaut, ils ne pourront pas les planter et la plupart d’entre eux rateront la saison hivernale.
J’écris ces mots alors que je me sens triste chaque fois que je me souviens des terres bombardées et qui étaient vertes et agréables à voir. Chaque fois que je transfère les paroles de ces agriculteurs de mon agenda vers mon ordinateur. Chaque fois que je me souviens des visages des agriculteurs qui parlent avec amertume de leurs pertes et de la méchanceté de l’occupation qui cherche à les humilier.
Les épreuves les suivent les unes après les autres comme si volonté divine veut les purifier de leurs péchés. Mais quels péchés commettent ces gens simples, dont la bonté brille sur leurs visages ?! Ils sont les plus généreux des gens malgré leur simplicité et leur pauvreté.
Chaque fois qu’on les regarde, on les trouve comme des anges. Ils ne parlent pas. Ils vivent en silence. Ils souffrent en silence. Même quand ils connaissent des moments de bonheur, ils les passent dans leurs terres en silence.
Quelle est cette volonté et quelle est cette puissance et d’où viennent-elles pour ces gens ?! Elles viennent certainement de leur terre.