Des enfants de Gaza

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Cette nuit, l’armée israélienne a encore effectué des séries de bombardements meurtriers : après la région de Khan Younes (centre-sud), c’était le tour de Jabaliya dans le nord de la Bande de Gaza et de Rafah dans le sud.

Le ministère palestinien de la Santé a annoncé, que le bilan des victimes des nombreux raids israéliens sur la Bande de Gaza, pour la deuxième journée consécutive, s’est alourdi à 24 morts et que le nombre des blessés est désormais de 203 personnes.

Il est difficile de fournir des bilans précis dans les conditions où vivent les Palestiniens de Gaza en ce moment. On sait qu’un grand nombre d’enfants ont été blessés et qu’au moins 5 ont été tués dans ces bombardements. « Tués » me semble un euphémisme quand on réfléchit aux raisons de ce déchainement meurtrier alors que ces bombardements israéliens ont été décidés alors qu’aucune menace n’avait été rapportée. « Assassinés » – 5 enfants au moins assassinés- me semble plus approprié.

 

Des enfants de Gaza
Layan Alshaer (au centre), 11 ans, surnommée « le papillon », première victime mineure du raid du 5 août.

La réalité est qu’en Israël on est en pleine campagne électorale, que le Premier ministre actuel (Yaïd Lapid) est en difficulté dans les sondages face à un vieux cheval (Benyamin Netanyahou) et qu’il faut montrer ses muscles. Et comme avant chaque élection « montrer ses muscles » veut dire « bombarder Gaza », 2,3 millions de personnes enfermées depuis 15 ans par un mur, à l’accès à la mer contrôlé par la marine israélienne, les airs étant fermés par les drones et les vols de l’armée. Rien de plus facile donc, et qu’importent le nombre et la nature des victimes, tant que les médias diffusent explosions spectaculaires et ruines fumantes : rien de tel pour renforcer l’image de celui qui est aux commandes… depuis son bureau à Jérusalem !

Et qu’importe si des militaires ou des civils israéliens sont touchés dans cette aventure… Ils seront traités en héros, victimes de ces Palestiniens de Gaza, tous (enfants, femmes, hommes vieillards) confondus dans cette carricature de terroriste enragé, déshumanisés.

Des images de ces « terroristes », j’en ai reçu beaucoup ces derniers jours, des jeunes, des vieux, tous terrorisés, de nombreux blessés et des morts. Des photos qui nous donnent le souffle coupé, qui nous font monter des larmes comme cet instantané : un jeune garçon  sagement assis, attendant son tour, son petit frère blessé dans ses bras.

Des enfants de Gaza - bande de gaza
Bande de Gaza 6 août 2022

 

Prenons un de ces milliers de destins au hasard. Ça commence comme une belle histoire qui se résume à cette jolie image de gens heureux.

Des enfants de Gaza.A droite Khalil Iyad Abu Hamada, 19 ans.
A droite Khalil Iyad Abu Hamada, 19 ans.

Khalil est enfant unique, sa mère, à gauche sur la photo, l’a mis au monde grâce à une insémination artificielle. La maman de Khalil, s’appelle Najwa, elle a 45 ans. L’image la montre heureuse car elle a finalement obtenu un travail d’infirmière dans le secteur public.

Le père de Khalil travaille dur, jour et nuit comme chauffeur de taxi, pour assurer une vie digne à sa famille. Le papa est très connu à Gaza pour son bon cœur : à transporter les gens entre les villes de la Bande de Gaza, il échange tous les jours avec ses clients, les aidant dans les conditions rendues difficiles par ce blocus qui n’en finit pas.

En 2003 la mère de Najwa, Khadra, avait été tuée au cours d’un raid israélien. La douleur de ce deuil a été atténuée, quatre mois plus tard, par le bonheur de la naissance de Khalil.

Il y a quelques jours, Najwa avait rendu visite à sa meilleur amie pour discuter de la nouvelle vie qui s’offrait à eux : grâce à ce salaire, elle allait pouvoir financer les études universitaires de Khalil ; diplômé on pourrait songer à le marier. Le bonheur était enfin en vue.

Hier, samedi 6 août 2022, Khalil était assassiné par un raid israélien. Il avait 19 ans, trop vieux pour être compté parmi les enfants. 

Michel

Ecrit et illustré par Michel Ouaknine, grâce au témoignage d’Iyad Alasttal, journaliste et réalisateur à Gaza le samedi 6 août 2022