Israël a arrêté trois défenseurs des droits humains dans ce qui paraît être une campagne orchestrée et appuyée par les autorités, pour saboter les organisations locales qui documentent les exactions d’Israël à l’égard des Palestiniens.
La semaine dernière, l’armée israélienne a arrêté Ezra Nawi (voir notre article), un membre de Taayush, un groupe militant palestinien et juif qui défend les droits des agriculteurs palestiniens dans les collines au sud de Hebron, en Cisjordanie occupée.
Les membres de Taayush se placent souvent entre les paysans et les colons et soldats israéliens qui les attaquent.
Infiltration
L’arrestation de Nawi a suivi la diffusion à la télé israélienne d’une vidéo filmée par le groupe de droite Ad Kan (Pas Plus en hébreu). Deux personnes travaillant pour Ad Kan ont infiltré Taayush.
Ak Kan a été monté pour espionner « la petite gauche israélienne », selon Amira Hass, journaliste au Haaretz de Tel Aviv. Hass a traité le rapport de la télévision de «petit sujet facile pour un mini Shin Bet privé» – en référence à l’agence des services secrets israélienne.
Les deux espions de Ad Kan ont mis sur pied une fausse négociation foncière pour une prétendue vente de terrains appartenant à la famille de Nasser Nawaja, un intervenant de terrain de B’Tselem, le groupe de défense des droits humains.
La vidéo montrait Nawi réagissant à la supposée négociation foncière en prétendant que le vendeur serait arrêté, torturé et exécuté par l’Autorité Palestinienne. Nawi connaissait Nasser et il savait donc que la vente serait frauduleuse.
Bien que la négociation foncière n’ait pas eu lieu, Israël a décidé d’arrêter Nawi de toute façon.
L’Autorité Palestinienne n’a pas fait d’exécution en Cisjordanie pour quelque délit que ce soit depuis 2005.
L’ordonnance de secret
En même temps, Israël a arrêté un deuxième membre de Taayush, le 19 janvier, et lui a fait subir un interrogatoire sur le soupçon de « complicité d’homicide, conspiration de meurtre, transmission d’information à un agent étranger, transport d’une personne non titulaire d’un titre légal de séjour en Israël et d’usage de drogue ».
Les médias israéliens n‘ont pas donné le nom de ce militant du fait d’une ordonnance de secret, mais sur les réseaux sociaux, il a été identifié comme étant le cinéaste Guy Butavia.
Tout comme Nawi, il a été dit que Butavia avait été arrêté après être passé par le contrôle aux frontières de l’aéroport, sur le point de quitter le pays.
Dans le climat actuel de haine et de provocations contre les défenseurs des droits humains, les deux militants ont apparemment ressenti qu’ils n’étaient plus en sécurité en Israël.
L’histoire ne s’arrête pas là. Mercredi matin, B’Tselem a annoncé sur Twitter l’arrestation de Nasser Nawaja, son intervenant de terrain, dont la propriété familiale était l’objet de la fausse négociation.
Tôt ce matin, l’armée israélienne est venue à Khirbet Susiya au sud de Hebron et a arrêté l’intervenant de terrain de B’Tselem, Nasser Nawaja. Sa famille a rapporté que l’arrestation s’était faite avec violence. Nasser a été emmené au siège de la police de Shaï près de la colonie de Maale Adumim. Les enquêteurs ont dit à son avocate, maître Gaby Lasky, qu’ils allaient émettre un mandat interdisant à Nasser de la consulter.
Empêcher quelqu’un en état d’arrestation de voir son avocat est une mesure draconienne et inacceptable ainsi qu’une violation flagrante d’une procédure juste.
Son avocate n’a pas été informée des soupçons à la base de son interrogatoire.
B’Tselem est aux côtés de Nasser et espère une conclusion rapide de l’enquête. Nasser est un professionnel et un homme de terrain de valeur ; c’est aussi un militant hors pair dans la lutte de son village contre la prise de leur terre par les colons sponsorisés par l’État. Nous, ses collègues, sommes solidaires de lui et de sa famille.
La plupart des détails de ces arrestations sont cachés au public par les autorités israéliennes en vertu de l’ordonnance de secret et les emprisonnés se sont vu refuser le droit de voir leurs avocats.
En juillet, Nawaja avait décrit dans le New York Times l’histoire de l’expulsion de sa propre famille de sa terre et les efforts continus des colons pour s’emparer des collines au sud de Hebron.
Le front des colons
Selon le bloggeur Richard Silverstein, les défenseurs des droits humains sont interrogés par la police israélienne qui opère en Cisjordanie occupée, plutôt que par le Shin Bet.
Cela indique peut-être que le Shin Bet ne les considère pas comme une « menace pour la sécurité » et que la police de Cisjordanie veut faire taire les militants dans les colline au sud de Hebron, une région d’installation intensive de colons.
Une recherche faite par Silverstein révèle que Ad Kan a été fondé par Aviram Zeevi, un ancien haut fonctionnaire du ministère de la sécurité intérieure, avec des officiers en service et d’anciens officiers, pour attaquer les organisations israéliennes de défense des droits humains.
Jusque là, Ad Kan visait les Rabbins pour les droits humains et Breaking the Silence, selon la publication israélienne en ligne Walla! News.
Selon Walla! News, Ad Kan est financé par le Conseil régional de Shomron, une municipalité officielle de colons de Cisjordanie occupée.
Silverstein dit que Ad Kan a été créé comme front du Conseil des colons aussi bien que pour cacher l’implication d’autres groupes de droite puissants et d’entités gouvernementales telles que l’armée israélienne et le ministère de la sécurité.
Le Conseil régional de Shomron a contribué à Ad Kan par des « dizaines de milliers de shekels », selon Walla! News.
Les deux personnes qui ont infiltré Taayush pour Ad Kan ont été identifiées par Silverstein comme Itzik Goldway et sa petite amie Yulia Tarantarova.
En février dernier, Goldway a reçu une médaille pour sa participation à l’invasion de Gaza par Israël en 2014.L’armée israélienne a protégé son identité en se référant à Goldway uniquement par ses initiales.
Silverstein dit qu’un tel procédé est normalement adopté pour protéger l’identité des agents face aux agences d’espionnage et d’assassinat comme le Mossad et le Shin Bet.
« L’armée est-elle associée à Ad Kan et évite-t-elle à Goldway de s’exposer pour qu’il puisse espionner à gauche ? » a demandé Amira Hass de Haaretz à propos de la citation anonyme.
Les interrogateurs israéliens sont connus pour extorquer des aveux en exerçant de grosses pressions pouvant aller jusqu’à la torture. Les défenseurs des droits humains, Ezra Nawi, Guy Butavia et Nasser Nawaja sont en danger.
D’autres groupes israéliens de droite ont annoncé qu’ils allaient s’efforcer d’infiltrer les organisations de défense des droits humains, dans une atmosphère d’intenses provocations.
Jewish Voice for Peace a lancé une pétition réclamant la libération de Nawi.
Traduction SF pour l’Agence Media Palestine