La semaine dernière, des dizaines de milliers de femmes, trente mille environ, Israéliennes juives et Palestiniennes ont fait irruption dans Jérusalem, vêtues de blanc, main dans la main, à l’issu d’un « voyage vers la paix » de deux semaines.
L’image est idyllique. Dans un paysage israélien marqué par la banalisation des manifestations racistes, on ne peut que se réjouir lorsque des chants pour la coexistence se substituent aux appels au meurtre de masse (« mort aux Arabes ! ») scandés en toute impunité.
Mais la situation en Israël-Palestine peut-elle se résumer à cela, à un problème de vivre-ensemble entre deux communautés ? Bien sûr que non. Et affirmer le contraire ne peut qu’alimenter le statu quo, c’est à dire le maintien et la continuité de l’oppression des Palestinien-ne-s.
C’est au mouvement « Women Wage Peace » (les Femmes Déclarent la Paix) que l’on doit l’organisation de cette marche judéo-arabe, largement dominée par la composante juive, et ouverte aux hommes. Malgré des apparats honorables, sa philosophie est pour le moins discutable [note]https://972mag.com/how-can-women-wage-peace-without-talking-about-occupation/130186/. Elle pourrait se résumer ainsi : marchons, nous les femmes, pour que reprennent les négociations de paix. Réussissons là où les hommes ont lamentablement échoué. Déclarons la paix, car nous et nous seules sommes capables de donner la vie – le mot anglais « womb », que l’on peut traduire par ventre ou utérus, a été prononcé dans toutes les déclarations du mouvement -, nous saurons donc être raisonnables.
Les participantes palestiniennes, en acceptant de s’associer à des femmes israéliennes juives et de marcher avec elles pour la paix, ont fait preuve d’un remarquable courage. Il fallait résister contre les accusations de normalisation, et accepter les limites imposées par la direction de la marche. Que penser, par contre, de celles qui, alors même qu’elles appartiennent au groupe majoritaire d’une société coloniale, se sont refusées à évoquer l’occupation militaire des territoires palestiniens et la catastrophe de 1948 (la Nakba), pour ne pas « diviser » ? Comment espérer la paix tout en concourant à l’invisibilisation de ces injustices ? Il s’agit d’une vieille pratique de la gauche sioniste : la coexistence d’abord, la paix ensuite – et on verra pour la justice et le droit ! Quelle forme prendrait une paix qui ferait l’impasse sur l’analyse critique et les nécessaires transformations d’un système qui continue de déposséder les Palestinien-ne-s de leurs droits et de leur terre ? Serait-elle même souhaitable ?
L’UJFP n’a pas pour vocation de dicter les formes ou les finalités des luttes pour la justice et la dignité au Proche-Orient. Pourtant, nous nous devons de faire la lumière sur certaines illusions qui, si elles ne sont pas dissipées, risque d’affaiblir le mouvement de solidarité avec la Palestine. Cette marche du mouvement « Les Femmes Déclarent la Paix » en est une.
Le Bureau national de l’UJFP, le 16 octobre 2017