Date anniversaire de l’assassinat du Juliano Mer Khamis en 2011 et du siège du camp de réfugiés et de la ville de Jénine par l’armée israélienne en 2002.
Le 4 avril, comme tous les ans, le Freedom Theatre (Théâtre de la Liberté) entreprend de célébrer la résistance culturelle, en mémoire de Juliano Mer Khamis. C’est une journée qui a pour nous une forte valeur symbolique car, il y a six ans, Juliano a été assassiné par un inconnu devant le Freedom Theatre. Le 4 avril, nous commémorons aussi la bataille de Jénine, en 2002 : notre peuple a alors affronté une invasion brutale menée par les forces d’occupation.
Les principes fondamentaux du Freedom Theatre consistent notamment à stimuler les consciences et à réimaginer la réalité afin de créer une perspective progressiste, opposée à toute tentative de fracasser les rêves des gens ou d’entraver par des contraintes la réalisation de leurs aspirations.
En ce 11e anniversaire, nous entreprenons de nouveaux travaux inspirés par les messages inscrits sur les murs du Théâtre de pierres.
Nous avons poursuivi le rêve d’Arna et de Juliano : transformer le Freedom Theatre en mouvement culturel national, en créant des formes créatives et artistiques qui expriment la justice, l’égalité et la liberté. Nous demandons à des amis du monde entier de s’associer au Freedom Theatre dans cette mission et de participer à la célébration de notre anniversaire. Nous commémorons aussi le meurtre de notre co-fondateur Juliano et nous formulons à nouveau notre exigence de justice. Nous nous joignons aussi aux habitants du camp de réfugiés, notre peuple, pour commémorer la bataille de Jénine, en 2002.
L’art a toujours été un instrument puissant à l’usage des opprimés contre leurs oppresseurs. Cette réalité est particulièrement forte en Palestine, où l’expression artistique fait partie intégrante de la lutte pour la liberté, la justice et l’égalité. Nous sommes face à la pire occupation au monde, qui révèle le vrai visage d’un colonialisme défini par le régime militaire et l’impérialisme répressif, dans un contexte de politiques racistes où les divisions se fondent sur l’appartenance ethnique.
Ces circonstances poussent le Freedom Theatre à élaborer des lignes directrices pratiques visant à structurer notre travail et à définir notre rôle dans la révolution palestinienne. Nous nous considérons comme un élément d’un mouvement social qui cherche à alimenter et à renforcer une plateforme authentique de résistance culturelle.
La résistance culturelle revêt différentes significations aux yeux de différentes personnes. Cependant, même sans définition normalisée, nous parvenons à identifier un ensemble commun d’objectifs et de visions au cœur d’initiatives artistiques ancrées dans la conviction que l’art et la culture jouent un rôle crucial dans la vie et la société.
Cette perspective culturelle agit comme un « soft power », une puissance de persuasion au sein du peuple. Elle nous unit si bien qu’un mouvement culturel collectif pourrait caractériser la prochaine génération, leurs critiques constructives débouchant sur une évaluation sérieuse de la situation palestinienne.
Le Freedom Theatre a continué à appliquer ce principe au long de ses nombreuses années d’expérience, et nous souhaitons l’intégrer à tout ce que nous faisons, en nous appuyant sur notre analyse de la réalité qui nous entoure.
Nous pensons que la résistance culturelle est un outil parmi d’autres, au sein d’un contexte plus vaste de résistance. Cette conception a automatiquement des implications sociales et organisationnelles associées à la notion de changement. Au Freedom Theatre, nous utilisons des formes artistiques variées, allant du théâtre au multimédia, pour nous opposer aux diverses occupations qui nous atteignent en tant que Palestiniens.
Selon certaines personnes, la résistance culturelle se limite à l’utilisation de la dimension symbolique et du sens pour combattre les forces d’oppression. Nous pensons cependant que la résistance culturelle a également pour rôle de créer une identité collective, celle du « rebelle face à l’injustice ». C’est aussi un outil permettant d’approfondir la compréhension et de promouvoir une pensée analytique progressiste afin d’apprécier pour ce qu’elles sont les politiques qui s’appuient sur des principes de domination et de pouvoir autoritaire.
Nous pensons que la résistance culturelle dans le contexte palestinien ne se substitue pas à une autre forme de résistance. La résistance palestinienne peut être comparée à une mosaïque dont la culture constituerait un simple fragment ; mais ce fragment est précieux, car il donne à la mosaïque son style, sa signification, sa direction.
Dans son message pour la Journée mondiale du théâtre 2017, l’actrice française Isabelle Huppert a déclaré ceci : « Le théâtre, pour moi, c’est (…) l’absence de haine », suggérant « à ceux qui ont (…) envie de nous gouverner d’être attentifs aux bénéfices inimaginables apportés par le théâtre ».
Nous envoyons aujourd’hui un message d’amour à tous les théâtres du monde et à tous ceux qui travaillent pour le théâtre – acteurs, metteurs en scène, formateurs, scénographes, régisseurs, techniciens, étudiants et spectateurs – et nous disons maintenant : « Place au théâtre ! »