Publié le 7 octobre 2018.
En tant que syndicalistes, nous agissons dans l’esprit de l’internationalisme de la classe ouvrière et pour la défense des droits humains, de l’égalité et de la justice. Sur la base de ces engagements de principe, nous dénonçons sans équivoque toutes les formes de racisme et défendons le droit à la liberté d’expression qui est un aspect central et fondamental des véritables démocraties, auquel nous croyons fermement.
Nous observons avec une profonde inquiétude qu’à la demande d’Israël, les gouvernements occidentaux adoptent des lois antidémocratiques visant à interdire la critique légitime d’Israël pour ses graves violations des droits humains. De telles politiques, non seulement restreignent le droit à la liberté d’expression, mais en outre, nient aux Palestiniens, en tant que peuple opprimé, le droit de critiquer leur oppresseur et de défendre leurs droits.
La promotion et la mise en œuvre de la définition de travail de l’antisémitisme de l' »International Holocaust Remembrance Alliance (IHRA) » par les institutions européennes et les gouvernements européens sont particulièrement préoccupants. Le document a fait l’objet de nombreuses critiques et inquiétudes.
Le document de l’IHRA est composé d’une brève définition de 40 mots de l’antisémitisme et d’une liste d’exemples de ce qui, selon ses auteurs, peut bien être de l’antisémitisme. Certains de ces exemples donnent à penser qu’il serait antisémite de critiquer l’État d’Israël pour des politiques qui violent les droits fondamentaux du peuple palestinien, notamment la discrimination raciale et les colonies illégales et l’annexion du territoire palestinien occupé. Le document pose donc un risque grave pour le droit à la liberté d’expression en faisant un amalgame entre la critique légitime des lois, de la jurisprudence ou des politiques israéliennes, et l’antisémitisme.
Tout récemment, une douzaine d’organisations de la société civile palestinienne ont publié une lettre appelant le parti travailliste britannique à « rejeter (la) définition biaisée de l’IHRA qui bâillonne la défense des droits des Palestiniens ». Selon la lettre, « l’adoption de la définition de l’IHRA (avec ses exemples) ne diaboliserait pas seulement notre lutte actuelle pour la libération et l’autodétermination. Elle réduirait également au silence un débat public [au Royaume-Uni] sur ce qui est arrivé en Palestine et aux Palestiniens en 1948 », comme l’ont déclaré plus de 100 groupes ethniques noirs, asiatiques et autres minorités (BAME) du Royaume Uni dans leur mise en garde. A la mi-juillet, 40 organisations juives dans le monde ont publié une lettre demandant aux gouvernements de s’abstenir d’adopter la définition de travail de l’IHRA sur l’antisémitisme parce qu’elle « est formulée de manière à être facilement adoptée ou considérée par les gouvernements occidentaux comme assimilant intentionnellement la critique légitime d’Israël et la défense des droits des Palestiniens avec l’antisémitisme, en vue de supprimer la première ».
En outre, il existe des preuves solides que la définition de travail de l’IHRA est déjà utilisée dans la pratique pour restreindre, interdire et criminaliser les critiques et les efforts pacifiques en faveur du respect par Israël des droits de l’homme des Palestiniens, comme l’explique la fiche d’information publiée par la Coordination européenne des comités et associations pour la Palestine (ECCP).
Kenneth Stern, à qui l’on doit la définition de travail, a souligné à maintes reprises que la définition ne visait que la surveillance et la collecte de données sur l’antisémitisme, et il s’oppose fermement à son utilisation pour une réglementation nationale de la liberté d’expression.
Plaider en faveur des droits des Palestiniens et chercher à tenir Israël responsable des violations flagrantes commises contre le peuple palestinien est une responsabilité morale et éthique devant être promue et protégée par chaque État ou institution qui se dit démocratique.
La définition de l’antisémitisme de l’IHRA et les exemples qui l’accompagnent, plutôt que de fournir un cadre pour lutter contre l’antisémitisme, est un outil pour criminaliser le mouvement de solidarité palestinien. L’adoption d’une telle définition accroît l’injustice à long terme faite au peuple autochtone de Palestine, réduit au silence les récits palestiniens et contribue au maintien du régime israélien de l’apartheid, de la colonisation et de l’occupation illégale.
En tant que syndicats européens attachés aux principes des droits de l’homme, de l’internationalisme et des valeurs démocratiques, nous appelons les gouvernements et les institutions à :
• Rejeter la définition de l’IHRA pour ses conséquences préjudiciables sur la lutte palestinienne pour la liberté, la justice et l’égalité
• Défendre et protéger le droit à la liberté d’expression et à la solidarité internationale, y compris le droit de critiquer les politiques racistes et discriminatoires israéliennes, qui pourraient constituer un crime d’apartheid contre le peuple palestinien
• Faire respecter les droits reconnus par l’ONU au peuple palestinien, y compris le droit à l’autodétermination
• Prendre des mesures efficaces pour rendre Israël responsable de ses violations flagrantes du droit international
Organisations syndicales signataires :
University and College Union – Royaume-Uni
Union syndicale Solidaires – France
ACOD Cultuur – Belgique
Communications Workers Union of Ireland – Irlande
MANDATE – Irlande
Belfast & District Trades Union Council – Irlande
Derry Trades Union Council – Irlande, Royaume-Uni
Fagforbundet (syndicat norvégien des employés municipaux et généraux) – Norvège
CGT Catalunya – Catalogne
Confédération ELA – Solidarité Ouvrière Basque – Pays basque
LAB – Comité Ouvrier d’Abertisale – Pays basque ???
CIG – Confederacion Intersindical Galega – Galice
IAC- Intersindical Alternativa de Catalunya – Catalogne