Cher·e·s ami·e·s,
Me voici enfin libéré, après 13 mois de détention, dans une sombre prison de l’occupation. 13 mois sans jamais connaître le motif de ma détention. 13 mois sans savoir quand je retrouverai la liberté.
Je connais bien les prisons de l’occupant et son système carcéral mais cette nouvelle détention m’a confortée dans le fait que l’occupation s’acharne à briser des hommes, des femmes et des enfants. La prison est un moyen d’isoler collectivement les Palestinien·ne·s. Dans ces prisons, tout est fait pour nous enlever notre humanité. Nous sommes coupé·e·s du monde, coupé·e·s de nos proches. L’occupation restreint l’accès à la presse, aux chaînes de télévision afin que nous ne puissions pas nous informer correctement sur ce qui se passe dehors. Nous ne pouvons pas non plus librement étudier ni recevoir des livres ni aucun courrier.
Nous y sommes coupé·e·s de nos familles, une seule visite par mois nous permet de voir nos parents de premier degré uniquement, pendant 45 minutes, derrière une vitre, par l’intermédiaire de téléphones, nos conversations personnelles étant minutieusement écoutées et analysées, afin d’exercer des pressions sur nous. Certain·e·s détenu·e·s se voient parfois privés de cette visite, arbitrairement. Pour ma part, j’étais privé de ma femme et mon fils pendant ces 13 longs mois, une véritable torture psychologique pour nous trois.
Mais dans la pénombre de cette prison, il m’arrivait des rayons de soleil qui me réchauffaient le cœur. Mes avocat·e·s et parents me tenaient informés durant les parloirs de la mobilisation en France, en Belgique et même plus loin dans le monde. De retour dans ma cellule, j’en informais mes codétenus.
Je tiens à vous remercier tous et toutes très chaleureusement pour votre mobilisation, vos actions diverses et variées, les rassemblements, les débats, les projections de film, les nombreuses affiches collées, pétitions signées, tracts distribués, les interpellations du gouvernement, les propositions de se constituer otage en échange de ma liberté, tout ce que vous avez fait m’a profondément touché. Je dois vous le dire aujourd’hui.
Merci aux citoyen·ne·s, aux militant·e·s des partis politiques, d’associations et de syndicats, aux avocat·e·s, aux artistes, aux intellectuel·le·s qui ont plaidé en ma faveur durant tout ce temps et qui n’ont absolument rien lâché.
Merci aux élu·e·s qui ont porté mon nom et l’exigence de liberté dans les villes, les départements, les régions, à l’Assemblée Nationale, au Sénat et jusqu’au Parlement européen, dans les hémicycles comme sur les frontons des édifices publics, qui m’ont fait citoyen d’honneur.
Sachez que c’est également un honneur pour moi d’être ainsi défendu par le peuple français et ses représentant·e·s.
Merci aux rares médias et journalistes qui ont parlé de ma détention, alors que la majorité de leurs confrères a préféré m’enfermer dans une seconde prison, celle du silence et de l’indifférence. Vous rendez honneur à votre profession, vous qui agissez malgré les pressions, préférant la vérité à votre confort personnel.
Enfin, merci au noyau dur de ce Comité qui a sans relâche organisé les évènements et fait vivre la campagne, aux côtés d’Elsa et de Jean-Claude. Vous avez toujours tenu la ligne, malgré les obstacles et les mauvais jours, je sais à quel point votre action a été importante aussi bien sur le plan politique qu’humain.
C’est votre action collective qui a permis de contraindre la diplomatie française à bouger, alors qu’elle aurait préféré laisser ce dossier dans un tiroir. C’est votre action collective qui a permis d’envoyer un message clair à l’occupant : les peuples solidaires du monde ne laisseront pas faire et ils marcheront le temps qu’il faudra aux côtés du peuple palestinien pour qu’il accède à ses droits légitimes de liberté et d’indépendance, comme tous les peuples du monde. C’est ensemble que nous écrirons cette page de l’histoire, nous Palestinien·e·s et vous solidaires du monde entier.
Encore une fois, mille mercis à toutes et tous.
J’espère pouvoir venir très prochainement en France, d’abord pour retrouver ma femme et mon fils dont je suis privé depuis maintenant 16 mois, et ensuite pour venir vous remercier et pour continuer le combat pour mes nombreux camarades encore incarcérés et pour défendre sans relâche les droits fondamentaux de mon peuple.
A très bientôt cher·e·s ami·e·s !
Salah Hamouri
Mercredi 3 octobre 2018, Jérusalem