Serge et Beate Klarsfeld ne sont plus à présenter. Le rescapé de la Shoah et la militante allemande antifasciste ont consacré leur vie à traquer les nazis qui étaient parvenus à se dissimuler dans les sociétés allemande et autrichienne d’après-guerre. Mais voilà que ce vendredi, ils ont accepté l’invitation du maire de Perpignan Louis Aliot, candidat à la succession de Marine Le Pen à la présidence du Rassemblement national, à inaugurer l’association « Zakhor Pour La Mémoire » consacrée à la mémoire du génocide juif. Ils ont également accepté de la part de ce maire, la médaille de la ville de Perpignan.
Les racines du parti dans le fascisme historique et dans la collaboration sont pourtant largement documentées. Que sont-ils donc allés faire dans cette galère ?
L’ancrage à droite du couple était connu. Ils avaient en effet apporté leur soutien à la candidature de Nicolas Sarkozy en 2007. Mais de là à soutenir une initiative à la symbolique aussi forte émanant d’une figure de proue de l’extrême-droite… D’autant qu’ils avaient appelé à faire barrage à Marine Le Pen en 2017. Alors pourquoi soutenir aujourd’hui une association dont on perçoit aisément le rôle politique – effacer les stigmates de l’antisémitisme qui balafrent encore le parti et bon nombre de ses dirigeants – ? Pourquoi contribuer à cette opération culottée de dédiabolisation du Rassemblement national ?
Ce qui apparaît comme une aberration sur le plan historique prend sens dans le contexte politique actuel. Le détournement de la mémoire juive au service d’une vision réactionnaire du monde est particulièrement opérant en France. Une politisation désastreuse du souvenir du génocide qui, dans un double mouvement, entend enterrer notre mémoire dans un passé supposément révolu tout en faisant de cette reconnaissance un outil de réaffirmation de l’autorité et de la légitimité de l’État. Nous refusons de voir notre mémoire ainsi désincarnée, et dont le hold-up évacue toute l’actualité politique.
La mémoire du génocide juif est également l’objet d’une intense instrumentalisation opérée par la propagande israélienne et mise au service du récit national sioniste et de la dépossession du peuple palestinien.
Force est de constater que les positions politiques des Klarsfeld et celles défendues par les forces politiques néofascistes s’alignent lorsqu’il s’agit d’Israël.
Les partis d’extrême-droite ont en effet en commun une adhésion au sionisme comme concrétisation d’un projet ethno-national homogène faisant écho à leur fond idéologique et à leur conception de la nation1.
Les Klarsfeld, et notamment le père et le fils, n’ont jamais caché leur soutien sans faille à l’État hébreu. Comment ne peuvent-ils pas voir qu’en allant inaugurer l’association à Perpignan et en acceptant la médaille, ils participent de la banalisation de l’extrême-droite, déjà aux portes du pouvoir ? Sont-ils à ce point aveuglés par leur nationalisme, qu’ils en délaisseraient sciemment le combat contre la dénazification, dès lors que leurs ennemis historiques se rangeraient du côté de Tel Aviv ?
La cérémonie de Perpignan devrait susciter une levée de boucliers de la part d’organisations se réclamant de la communauté juive et, au-delà, de l’ensemble du mouvement démocratique. Nous espérons que leur silence assourdissant n’est qu’un oubli, et pas un signe d’une proximité idéologique de plus en en plus assumée avec l’extrême-droite…
L’UJFP, quant à elle, condamne fermement l’appropriation de la mémoire de la Shoah par le parti des collabos et des nostalgiques du fascisme, de même que le naufrage idéologique des Klarsfeld qui fait le jeu de la progression de l’extrême-droite. Nous nous opposons à l’instrumentalisation du génocide au service de partis et de politiques racistes. Notre mémoire juive nous oblige.
La Coordination nationale de l’UJFP, le 15 octobre 2022
- Cf. Ugo Palheta, La nouvelle internationale fasciste, Éditions Textuel, Petite encyclopédie critique, 2022[↩]