DE QUEL GENRE D’ORGANISMES « SOCIAUX » SONT LES GESTIONNAIRES DES FOYERS ?

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Communiqué du COPAF, Collectif pour l’avenir des foyers , le 21 août 2020

Le 18 août 2020, deux résidents du foyer de travailleurs immigrés, situé 82 rue de Saint Denis à Saint Ouen, sont expulsés de leurs chambres pour dette locative. Un de ces résidents, berné par les paroles ambiguës du gérant (paie ta dette, on s’arrangera par la suite) avait peu avant réglé l’ensemble de sa dette, espérant pouvoir rester dans le foyer. Rien n’y a fait. Adef, organisme gestionnaire, association 1901, a effectué l’expulsion, jetant ses affaires dans le couloir du foyer.

Affaires d’un résident de foyer ADEF de St Ouen jetées dans le couloir devant la porte de son logement fermé

Le 19 août, deux autres résidents ont été expulsés pour le même motif. Visiblement, Adef, organisme « social » fortement dépendant des subventions publiques pour ses 60 millions de chiffre d’affaires, s’est jeté dans une course contre la montre : expulser le maximum de résidents possibles avant le déménagement du foyer vers des logements provisoires, déménagement prévu avril 2021, rendu obligatoire pour que Paris puisse accueillir les « Jeux Olympiques » de 2024.

La même Adef assigne pour expulsion devant le tribunal de Bobigny le 11 septembre 2020 un résident qu’il loge depuis 1983, un vieil ouvrier algérien retraité, qui n’est plus en état de gérer seul ses affaires et qui a accumulé quelques mois de retard du loyer. Pas d’intervention ni de médiation, pour l’Adef, comme pour les autres gestionnaires, la réponse « sociale » aux crises de démence progressive chez les vieux, c’est la rue ! Paradoxalement, l’Adef a aussi fondé un organisme « à but non lucratif » pour des raisons strictement fiscales et qui gère, pour dix fois le chiffre d’affaires généré par les foyers, des Ehpads, des établissements qui hébergent des personnes en fin de vie nécessitant une aide para-médicale. Ses hauts cadres, bénéficiant de salaires dans les six chiffres par an, ont le cœur social décidément bien accroché.

Adoma, filiale de CDC Habitat, et organisme d’économie mixte, se manifeste aussi par un esprit « social » bien particulier. Elle fait campagne pour expulser les vieux migrants malades, qui souhaitent vivre avec des proches de leurs familles, comme au foyer de la Duée dans le 20ème. Elle ferme tous les espaces conviviaux dans ses foyers, dans un premier temps pour y placer ses propres bureaux, par exemple au Général Joinville à Saint Denis, ou dans les foyers de Saint Ouen l’Aumône. Ensuite, profitant de la crise du Covid, partout où les résidents ont gardé une capacité de réunion et de vie solidaire, comme au foyer 61 rue Charonne dans le 11ème, elle change la serrure des salles, interdisent aux résidents de se réunir, bloquent l’accès à leurs propres biens. Adoma est aussi célèbre pour ses tarifs élevés (503,11€ par mois pour 11,6 mètres carrés par exemple au foyer rue d’Annam dans le 20ème) et pour sa volonté d’appliquer le maximum d’augmentation annuelle possible, y compris dans des foyers très dégradés, comme le foyer La Noue à Montreuil. De toute façon, pour Adoma, les enjeux sont ailleurs et elle semble accorder peu d’attention, autre que répressive, aux résidents de ses logements foyers. Le gouvernement lui jette de l’argent dans les coffres pour acheter des Formule 1 et autres Première Classe afin d’héberger – il ne s’agit surtout pas de loger – des demandeurs d’asile, une activité en grande expansion ces derniers temps.

Quant à Coallia, ancien Aftam, le bilan n’est guère plus brillant. Affichant l’image « indigné » de Stéphane Hessel à tout bout de champ et à des fins purement publicitaires, sa nouvelle direction brille par le refus de toute négociation et une politique d’expulsions répressives. Au foyer 80 rue de Tolbiac, Paris 13ème, des négociations étaient en cours qui allaient permettre aux résidents de déclarer leurs sur-occupants en échange de la promesse d’une deuxième clef et badge d’entrée. En plein milieu des discussions, Coallia organise un contrôle d’huissier, assigne devant les tribunaux des résidents à jour de leur loyer, obtient des ordonnances d’expulsion parce que ces résident choisissent de vivre avec un membre de sa famille. Elle ne rechigne pas à jeter à la rue 59 résidents du foyer Quai de la Gare parce qu’ils ont refusé de quitter le 13ème. Coallia accepte les subventions accordées pour soutenir la création de restaurants sociaux dans ses résidences sociales rénovées, prétend les gérer tout seul, échoue, puis les ferment et les rendent inopérantes pour les résidents et les habitants du quartier qui devaient en bénéficier. Coallia met aussi la pression sur les comités de résidents pour reprendre le contrôle des salles de réunion et de vie collective.

L’intégration de Coallia dans le groupe Batigère, comme Adoma chez CDC Habitat, montre que les finalités « sociales » annoncées dans les statuts de ces organismes ne sont que de la poudre aux yeux. Il s’agit de plus en plus d’accentuer la marchandisation du logement très social (et très subventionné) des logements-foyers afin de consolider l’assise capitalistique de grands groupes immobiliers. Dans ce cadre, les droits des résidents sont ignorés, toute souplesse ou traitement à l’amiable des situations d’endettement est court-circuitée, et les gestionnaires se comportent comme des requins de la haute finance.

Le Copaf dénonce la campagne d’expulsions mise en œuvre par ADEF au foyer de Saint Ouen et demande à la Préfecture de Seine-Saint-Denis et à la Mairie de Saint Ouen de faire arrêter cette campagne. D’autres solutions sont possibles face aux problèmes de dette locative et, surtout avant le déménagement du foyer, toute l’étendu de ces solutions doit être exploitée.

Le Copaf demande l’arrêt de toute expulsion pour sur-occupation par un proche de la famille du résident titulaire et le respect absolu du droit à la vie privée et familiale dans domicile privé qu’est le logement en foyer.

Le Copaf demande le respect du protocole sur les élections de comités de résidents et sur le fonctionnement de la concertation proposé par la Ville de Paris en décembre 2015 et signé par Coallia et Adoma.

Le Copaf demande une refonte de la législation concernant les logements foyers, la consolidation des droits de ses résidents pérennes et un renforcement des droits des représentants élus sur la vie collective des établissements et l’égalité des droits avec les amicales de locataires dans le logement de droit commun. Une plaquette précisant nos propositions sera publiée à la rentrée.

Le 21 août 2020
COPAF, Collectif pour l’avenir des foyers,

pour tous contacts : 06 75 01 30 49 ou 06 87 61 29 77 : copaf@copaf.ouvaton.org