L’antiracisme européen a été longtemps porté par des humanistes « blancs » et des Juifs universalistes. Mais aujourd’hui, les minorités issues de la colonisation et de l’immigration du travail sont devenues majeures. Ce qui pose des questions politiques inédites au mouvement antiraciste.
Pour titrer cet article, je n’ai pas résisté au plaisir potache de reprendre le concept à la mode de « racisme anti-blanc » et d’en mélanger les termes. Cette expression laisse entendre qu’aucun groupe humain n’est vacciné contre le racisme puisque, à leur tour, les Noirs et les Arabes peuvent retourner celui dont ils font l’objet vers le groupe d’où il provient. Les uns et les autres sont ainsi renvoyés dos à dos : les Noirs peuvent être racistes vis-à-vis des Blancs de la même manière que les Blancs le sont vis-à-vis des Noirs.
Oui, c’est bien possible. Des insultes et des actes de violence se manifestent dans toutes les directions. Mais ces « délits de haine » ne sont qu’une partie, et sans doute pas la principale, de la violence raciste. Sans argumenter ici, j’adhère à l’analyse que nos sociétés sont structurées par une hiérarchie « raciale », qui vient recouper la hiérarchie sociale et de genre. Dans toutes les sociétés désormais multiculturelles, les différents groupes ethnoculturels perçus comme « raciaux » sont assignés à des positions particulières. Celles-ci peuvent être dominantes, subalternes ou intermédiaires. Ce racisme structurel n’a pas besoin pour fonctionner de recourir aux délits de haine. Il constitue pourtant une violence sociale, exactement comme l’exploitation du salariat qui n’empêche pas les patrons d’être généreux avec les enfants du personnel. En conséquence, s’il peut y avoir des insultes, des coups et blessures dans tous les sens, les discriminations structurelles, elles, ne fonctionnent que dans un seul sens. Ainsi, il est vain de comparer le nombre d’actes islamophobes avec celui des actes antisémites. Car s’ils restent les victimes potentielles de délits de haine, les Juifs échappent presque totalement aujourd’hui aux discriminations qui pèsent massivement sur les musulmans ainsi que sur les personnes d’ascendance africaine et sur les Roms