Nos organisations étaient présentes, pendant une semaine, à la Conférence de Genève d’examen de la déclaration de Durban sur la lutte contre le racisme, dite Durban II.
Il s’agissait d’en suivre et d’en comprendre le déroulement afin d’en témoigner ; de réaffirmer la nécessité de combattre le racisme et de défendre les droits humains sous toutes les latitudes ; de soutenir collectivement la nécessité de condamner l’Etat israélien pour sa politique raciste, et de souligner le caractère consubstantiel du racisme et du colonialisme dont l’Etat en question est la principale manifestation actuelle.
Nous avons été, durant cette semaine, témoins d’une évolution historique frappante des institutions et mécanismes internationaux :
Frappées depuis toujours d’un déficit de légitimité dû au caractère censitaire du processus de décision (verrou du Conseil de sécurité et du droit de véto des membres permanents), les institutions onusiennes étaient le lieu d’expression d’une « communauté des Etats » sans capacité de mise en œuvre ni pouvoir de décision exécutoire. L’illustration la plus évidente de cet état de fait est la multitude de résolutions et de positions onusiennes concernant les droits du peuple palestinien restées lettre morte.
La conférence dite de Durban II marque la confiscation y compris de cette relative liberté d’expression « inoffensive » qui a prévalu jusqu’à présent. Cela a été le fruit d’une offensive tous azimuts menée par les grandes puissances nord-américaines et européennes et par l’Etat d’Israël contre l’ONU et contre les expressions de la « société civile ». Cette offensive s’est déployée lors de Durban II sur plusieurs niveaux articulés : Un chantage au boycott assorti d’une énorme campagne de désinformation ; des pressions sur les participants afin d’adopter une déclaration finale prête depuis le 16 avril, préalablement à tout débat et à toute recommandation des ONG ; une interdiction sous peine de rétorsions d’évoquer certaines questions au premier rang desquelles celle de la lutte contre le racisme dont est victime le peuple palestinien ; une diabolisation de la Déclaration de Durban pour la lutte contre le racisme, et une criminalisation de toute expression qui ne se soumet pas au diktat des grandes puissances.
Pour paraphraser la maxime populaire sur la différence entre dictature et démocratie, Durban II a marqué au niveau des enceintes institutionnelles internationales la fin du « cause toujours » et le retour du « ferme ta gueule ». Concrètement, outre la légitimation du maintien d’un ordre colonial et raciste au moyen orient, l’offensive à laquelle nous avons assisté a pris pour cible l’Assemblée Générale de l’ONU et ses organes subsidiaires (comme le Conseil des Droits Humains) dans une volonté de réaffirmer le droit exclusif de quelques puissances de déterminer les références ayant force de loi au niveau mondial, et de marginaliser encore plus qu’ils ne le sont les peuples en général et ceux d’Afrique, d’Asie et d’Amérique centrale et du sud en particulier. Nous pensons que cela est à rapprocher de l’orientation actuelle tendant au renforcement de l’OTAN pour en faire le principal acteur des relations internationales aux dépens de l’ONU.
Ce qui s’est produit à Genève devait être un examen de l’avancement du programme d’action adopté à la conférence de Durban pour la lutte contre le racisme (2001). Les pressions des États-Unis, du Canada, de la France, de la Grande-Bretagne, de l’Allemagne, de l’Italie et d’Israël, conjointement à une entreprise de diabolisation par une campagne médiatique de grande ampleur et à l’intervention de type barbouzard d’organisations telles que l’UEJF/Coexist et UN Watch en on fait un anti-Durban où l’on réécrit l’Histoire en insultant toute voix attachée au combat contre le racisme, le colonialisme et pour le droit des peuples.
Nous notons par ailleurs que cette entreprise n’a pu être menée à son terme que par le consentement des représentants des Etat arabes, y compris la représentation de l’Autorité Palestinienne, qui n’ont à aucun moment fait mine de s’opposer à cette entreprise de liquidation des droits des peuples à la libération de la domination raciste et coloniale et de négation de l’oppression subies par le peuple palestinien. Ces Etats ont cédé la Palestine en contrepartie du satisfecit des puissants, de déclarations vagues sur l’islamophobie et de l’exclusion de toute condamnation de l’homophobie.
Nous nous interrogeons enfin sur l’absence de mobilisation significative, lors de « la bataille de Durban II », de la plupart des grandes organisations des droits humains et des organisations antiraciste. Leur capacité de « lobbying » et de communication ont cruellement fait défaut aux quelques organisations qui se sont courageusement démenées pour faire valoir le dissensus dans ce qui a été une offensive, au nom du l’antiracisme et de l’opposition à l’antisémitisme, de l’arrogance coloniale et raciste. Les principaux Etats animateurs de cette offensive ont tous refusé jusqu’ici de ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.
AIC – Alternative Information Center, Jerusalem
ATMF – Association des Travailleurs maghrébins en France
CCIPPP – Campagne Civile Internationale pour la Protection du Peuple Palestinien
CMF – Collectif des Musulmans de France
FTCR – Fédération des Tunisiens pour une Citoyenneté des deux Rives
UJFP – Union Juive Française pour la Paix