« De-Colonizer », le laboratoire de recherche israélien antisioniste

DÉCOLONISER LE SAVOIR

Le parlement israélien vient de voter le 6 février au soir une loi dite de « régularisation ». Cette loi rétroactive va permettre à Israël non seulement de légaliser les nombreuses implantations non autorisées, mais également d’accélérer la colonisation violente de centaines d’hectares de terres palestiniennes. De plus, depuis la nouvelle politique américaine du président Donald Trump et son soutien inconditionnel au gouvernement d’extrême droite israélien, le feu vert est donné à l’État hébreu pour poursuivre son projet colonialiste. Il est donc plus que jamais urgent de se saisir de ces questions et de dénoncer collectivement, et le plus largement possible, la politique sioniste qui tente de légaliser ses crimes qui vont à l’encontre de toute possibilité de paix juste en Palestine.

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Par cet article nous allons présenter le centre de recherche israélien De-Colonizer et ses travaux récents, qui nous permettent à toutes et à tous de comprendre et de dénoncer le projet colonial sioniste qui coûte la vie à de nombreux Palestinien(ne)s, qui se traduit par l’expropriation de terres des Palestiniens, par la destruction de localités dont les habitants se retrouvent chassés du jour au lendemain, sans aucune possibilité de relogement.

Le laboratoire de recherche De-Colonizer est un centre alternatif israélien fondé par l’anthropologue du politique et spécialiste de la société israélienne contemporaine Eléonore Bronstein, et Eitan Bronstein, sociologue israélien et fondateur de l’ONG Zochrot. Leur objectif est de fournir, depuis l’intérieur, les outils scientifiques nécessaires à la lutte contre le régime sioniste.

En effet, dans les clichés habituels et le discours dominant qui tentent de décrédibiliser la lutte en solidarité avec la Palestine, on remarque cette tendance à séparer systématiquement l’espace « neutre » et intellectuel de la recherche de l’espace militant. C’est pourquoi, De-Colonizer tente de prendre le contre-pied de cette idée en mettant ses productions scientifiques au service de l’action politique pour une paix juste et durable en Palestine. Le but est donc de créer des outils dont chacun pourra se saisir pour comprendre et sensibiliser à la question de la colonisation en Palestine.

Convaincu que l’avenir de la société israélienne dépend de la compréhension de son passé, le centre de recherche considère qu’un travail de mémoire est indispensable. L’enjeu est à la fois de comprendre les conséquences de la « Nakba », la grande catastrophe de 1948, c’est-à-dire l’expulsion de 750 000 Palestiniens et Palestiniennes de leur terre, mais aussi et plus globalement de tenter de contrer la propagande israélienne qui tente de réécrire l’Histoire. De-Colonizer considère que 1948, ce point crucial de l’Histoire, n’est qu’une étape du projet colonialiste sioniste qui est en réalité beaucoup plus large. Aujourd’hui, Israël doit reconnaître sa responsabilité et permettre le droit au retour de tous les réfugiés.

De-Colonizer fait un travail indispensable : celui de s’adresser à la société israélienne pour qu’elle apprenne à remettre en cause les privilèges dont elle jouit. De-colonizer, à l’image de l’un de ses fondateurs, Eitan Bronstein, tente d’exposer les processus nécessaires afin de décoloniser son identité israélienne, première étape que doit franchir tout Israélien ou Israélienne qui lutte contre l’État colonialiste et raciste d’Israël et qui croit en une paix juste et durable en Palestine.

Grâce à un travail acharné de plusieurs années et à des productions de qualités, le centre de recherche a acquis une réelle légitimité à travers le monde, mais également de la part des Palestiniens, dont beaucoup travaillent en collaboration avec les chercheurs de l’ONG. De-Colonizer soutient la campagne BDS, ce qui est un fait rare pour une ONG israélienne bien qu’elle en paye le prix fort (puisqu’elle se retrouve marginalisée en Israël et doit faire face à de nombreuses attaques). De-colonizer continue à résister de l’intérieur.

Devenu un allié indispensable à la lutte contre le colonialisme israélien, le laboratoire de recherche présente actuellement sa carte intitulée Colonialisme en destru(a)ction. À l’issue d’un travail minutieux de plusieurs années, qui témoigne d’une réelle rigueur scientifique, cette carte a pour objectif de recenser l’ensemble des localités palestiniennes, syriennes et juives détruites depuis le début des migrations sionistes en Palestine. Elle tente de mettre l’accent sur la persistance du projet colonial sioniste à travers un découpage historique. En effet, on retrouve sur la carte les localités détruites avant 1948 en bleu, les destructions pendant l’année 1948 en rouge et les destructions de 1967 à 2016 en vert. En tout, 801 localités palestiniennes, 194 localités syriennes et 44 localités juives ont été détruites depuis le début du 19e siècle.

Cette carte n’est pas figée, mais elle est bien en action puisqu’elle tente de mettre l’accent sur l’évolution d’une même politique qui menace, encore aujourd’hui, les localités palestiniennes. En effet, la carte fait mention des localités toujours menacées de destruction. Sans une action de solidarité massive et populaire qui mettrait un terme à ces destructions de plus en plus violentes, nous savons déjà quelles seront les prochaines localités détruites. C’est pourquoi cette carte inédite vise aussi bien à être un outil pédagogique, éducatif que politique. Elle doit devenir un appui de taille pour tout plaidoyer politique en faveur de l’arrêt de la colonisation violente en Palestine.

Contrairement aux normes cartographiques classiques, dont le but est de faire ressortir les localités existantes, cette carte tente de replacer sur une carte ce que le projet sioniste a tenté de détruire non seulement physiquement, mais également des mémoires et de l’Histoire. Grâce à une collaboration étroite avec la chercheuse Ariella Azoulay, cette carte recense pour la première fois les initiatives de non-agression qui existait entre villages juifs et villages palestiniens, ce type de solidarité qui existait avant 1948 et a été complètement détruit par le sionisme. C’est ce que De-Colonizer appelle la « destruction de l’espoir », l’espoir d’une entente encore possible avant la création de l’État d’Israël. Le centre de recherche a fait le choix de recenser également les localités juives détruites pendant toute la période. À traver ce choix, qui renvoie à une des lignes politiques que défendent Eitan et Eléonore Bronstein, il s’agit de montrer que les Juifs aussi payent le prix de l’appartenance à un projet politique colonialiste et raciste.

Cette carte permet par son pragmatisme de rendre visible et facilement lisible une multitude d’informations indispensables à la compréhension du projet sioniste. Bien qu’il existe plusieurs Atlas et sites faisant référence à ces thématiques, cette carte reste inédite autant sur la forme que sur le fond, puisqu’elle est à la fois une carte historique mais également une démonstration de l’évolution d’une politique colonialiste. Elle s’adresse à tous, et c’est pourquoi nous comptons sur l’ensemble des militants de l’anticolonialisme, de l’antiracisme politique mais aussi des chercheurs et des enseignants, du personnel éducatif au sens large, de la société civile et des personnes qui luttent pour la paix de se saisir de cet outil, pour le diffuser le plus largement possible, sensibiliser à la question coloniale en Palestine et au danger qu’elle recouvre encore aujourd’hui.

Le projet sioniste est constamment en action et nous devons y répondre par l’action également !

Free Palestine, la lutte continue !

Pour que la carte puisse être consultée par tous, De-colonizer a fait le choix de la mettre en ligne sur son site : http://www.de-colonizer.org/carte-en-francais

Par ailleurs, afin de répertorier l’ensemble des lieux alternatifs, des librairies, des bibliothèques universitaires en France susceptibles de présenter cette carte et de la mettre en vente, une adresse mail a été mise à disposition. Si vous connaissez de bonnes adresses dans vos régions, vous pouvez les faire connaitre à l’adresse suivante : lamiamiya075@gmail.com

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