Très porté sur les punitions collectives (formellement interdites par les Conventions de Genève qui régissent la conduite des puissances occupantes en temps de guerre), l’État d’Israël coupe périodiquement l’approvisionnement d’électricité dans la Bande de Gaza (après avoir bombardé la seule centrale électrique à Gaza en 2006). Outre des protestations habituelles venant des associations israéliennes des droits humains et du mouvement anticolonialiste, une composante de la gauche extraparlementaire a pris une initiative originale dans le but de frapper les esprits.
Début décembre, de nombreux habitants des trois principales villes du pays (Tel-Aviv, Jérusalem et Haïfa) ont eu la surprise de recevoir dans leur boîte aux lettres un avis de la Compagnie Générale d’Électricité (l’EDF israélienne). Cette notice, distribuée à quelque 10 000 exemplaires, les informait qu’ils allaient bientôt subir des coupures de courant. L’avis précisait que « l’électricité reviendrait lorsque Israël cesserait d’en priver les habitants de Gaza ». Ornées du sigle de la Compagnie Générale d’Électricité, ces affichettes étaient signées d’un mystérieux « Front de Libération de Gaza ».
En fait, les auteurs de ce canular n’étaient pas des agents de la Compagnie Générale, ni des combattants d’un mouvement armé inconnu, mais des militants israéliens des Anarchistes Contre le Mur. Une des initiatrices, Adar Graëvsky, explique : « Les mesures prises par Israël contre les habitants de Gaza, sans distinction, nous semblent cruelles autant qu’inutiles. Ce ne sont que des actes de vengeance. » Avant d’ajouter : « De même que les habitants de Tel-Aviv sous pression ne peuvent pas arrêter les actes de leur gouvernement, de même les habitants de Gaza sous pression ne pourront pas faire cesser les tirs de Kassam. »
Même si « le courant ne passe pas » dans l’opinion israélienne, les anarchistes à l’origine de cette protestation inédite espèrent que le message, lui, passe. Selon Hagaï Mattar, objecteur de conscience et militant du « Forum contre les crimes de guerre », le but de cette action « n’était pas d’effrayer la population, mais de faire réfléchir les citoyens sur ce que fait leur gouvernement en leur nom. »
L’action des Anarchistes Contre le Mur a entraîné des recours devant les tribunaux. Contre les officiers israéliens pour crimes de guerre ? Non, contre les militants anarchistes pour utilisation illicite du logo de la Compagnie Générale d’Électricité. L’entreprise réclame des dommages et intérêts. À chacun d’exprimer son indignation, qu’il s’agisse des infractions à l’encontre du droit international ou des infractions à l’encontre du droit commercial israélien…