Première proposition arabe de Constitution :
multiculturalité et abolition de la Loi du Retour
Yoav Stern
Haaretz, 28 février 2007
Les députés arabes pourront faire invalider toute proposition de loi qui porterait atteinte aux droits de la minorité arabe : c’est ce que prévoit la proposition de Constitution pour Israël élaborée récemment par l’association « Adalah » [Centre juridique pour les droits de la minorité arabe en Israël]. Selon cette proposition, publiée ici pour la première fois, Israël serait défini comme « Etat bilingue et multiculturel » et non comme Etat juif. En outre, les groupes de la majorité et de la minorité se partageront les organes du pouvoir.
La Constitution qui est proposée abolit les caractéristiques juives d’Israël, mais permet à la majorité juive de préserver son caractère par le biais d’institutions hébraïques d’enseignement et de culture. Elle abolit en outre la Loi du Retour et stipule que pourra devenir citoyen de l’Etat toute personne arrivée ici pour raisons humanitaires, sans considération de religion. Chez « Adalah », on insiste sur le fait que, contrairement à la situation existante dans laquelle la loi israélienne se préoccupe de la question de savoir « qui est juif ? », la proposition de Constitution discute de la question de savoir « qui est citoyen ? ».
Selon cette proposition de Constitution, la première à émaner d’une institution arabe, la citoyenneté israélienne sera accordée à tout descendant d’un citoyen de l’Etat, né en Israël ou en dehors du pays, et à tout conjoint de citoyen d’Israël – sera ainsi neutralisée la tentative visant à limiter le mariage de citoyens arabes avec des Palestiniens habitant dans les Territoires.
Sur la question du droit au retour, le document déclare que les « réfugiés de l’intérieur » – des habitants (ainsi que leurs descendants) qui ont été chassés de leurs maisons en 1948, qui se sont établis dans d’autres localités arabes et qu’on estime représenter environ le quart des Arabes israéliens – retourneront dans leur région de résidence d’origine tout en percevant des compensations pour les préjudices subis. Le texte d’introduction à la Constitution exige de l’Etat d’Israël qu’il reconnaisse sa responsabilité dans « les injustices historiques subies par le peuple palestinien dans son ensemble », qu’il se retire des Territoires palestiniens et reconnaisse le droit du peuple palestinien à l’autodétermination. Cette Constitution donne les frontières de 1967 comme frontières de l’Etat.
En matière de propriété du sol, la Constitution stipule que les biens du Waqf musulman, qui ont été expropriés après 1948, seront restitués à leurs propriétaires d’origine. La proposition de Constitution déclare en outre que les biens expropriés par l’Etat à des citoyens arabes leur seront rendus avec dédommagements. Le document précise encore que l’Etat a l’obligation de reconnaître tous les villages non reconnus.
La manière dont la proposition de bilinguisme sera mise en œuvre touche à tous les secteurs de la vie : les publications officielles, les décisions de justice, le travail des institutions d’Etat et les médias, se donneront dans les deux langues. La multiculturalité s’incarnera dans le fait que chaque groupe culturel, religieux ou ethnique, pourra préserver son caractère propre et ses institutions. La proposition déclare encore qu’une minorité nationale pourra se choisir un organe représentatif qui sera financé par l’Etat.
Le titre qui a été donné à cette proposition est : « La Constitution démocratique ». Chez « Adalah », on déclare qu’une partie appréciable de ses divers paragraphes tirent leur source des conventions internationales pour les droits de l’homme. La proposition laisse aux mains de la Justice le pouvoir d’abroger des lois votées au Parlement, qui seraient contraires à la Constitution.
Le président d’ « Adalah », le professeur Marwan Dwairy, a déclaré hier que les propositions juives avancées pour une Constitution ne sont pas fondées sur des valeurs démocratiques et qu’elles « traitent les citoyens arabes en étrangers ».
Principes de la « Constitution démocratique »
Israël deviendra un Etat « bilingue et multiculturel »
Les symboles de l’Etat seront fixés en commun par les Juifs et les Arabes
Les élus arabes disposeront d’une sorte de droit de veto sur des lois portant atteinte à la minorité arabe
La Loi du Retour sera abolie et la loi de citoyenneté modifiée
Chaque minorité nationale au sein de l’Etat pourra établir un organe représentatif et bénéficier d’une autonomie culturelle
Les frontières de l’Etat seront celles de 1967
Les Arabes israéliens pourront retourner dans les villages abandonnés en 1948
Les localités non reconnues bénéficieront d’une reconnaissance
(Traduction de l’hébreu : Michel Ghys)