Un message d’Abdel Fattah Abu Srour, directeur du centre Al Rowwad dans le camp de réfugiés d’Aida (près de Bethléem)
Des journalistes des médias, des intervieweurs de télévision viennent nous voir en nous pointant du doigt et en posant cette question sans fin : condamnez-vous le terrorisme palestinien ? Condamnez-vous le Hamas ?
Occupons-nous donc de cela.
Je me condamne moi-même. Je condamne toute mon existence
Je condamne ma propre naissance dans un camp de réfugiés dans mon propre pays
Je condamne ma propre naissance d’être né Palestinien, alors que selon beaucoup, la Palestine n’existe pas
Je condamne mes parents, qui ont été déracinés de leurs villages détruits et m’ont fait naitre dans un camp de réfugiés
Je condamne ma propre vie : j’avais l’espoir et le rêve d’être un grand biologiste et chercheur qui sauverait des vies, un peintre étonnant et un merveilleux photographe, un acteur fantastique et un écrivain talentueux qui inspirerait le monde entier
Je ne suis pas vraiment devenu célèbre dans tout ce que j’avais fait. Je m’en veux de croire que les droits de l’homme nous incluent. Comment oserais-je penser que nous faisons partie de ces valeurs ?
Je m’accuse de croire au droit international et aux résolutions de l’ONU et que les peuples sous occupation ont le droit légitime de résister par TOUS LES MOYENS. Comment oserais-je considérer que nous sommes sous occupation ?
Je vous demande pardon. Je croyais qu’il était naturel de se tenir aux côtés des opprimés
Que puis-je dire… Je suis si ignorant
Ainsi
Monde !
Je suis vraiment désolé. Je ne me suis pas rendu compte que j’avais été induit en erreur et mal informé
Dois-je m’excuser ? Je m’excuse donc profondément
Monde !
Je m’excuse auprès de vous tous. Mes plus sincères excuses. Je me condamne parce que je suis qui je suis
Je m’excuse de ne pas avoir les cheveux blonds et les yeux bleus. Même si certains de mes cousins ont des cheveux blonds et des yeux verts ou bleus
Je m’excuse de ne pas pouvoir oublier que je suis toujours réfugié dans mon propre pays. Je condamne ma revendication obstinée de mon droit de retourner dans les villages détruits de mes parents. Comment oserais-je faire ça ? Comment tous ces réfugiés palestiniens obstinés osent-ils revendiquer ce droit au retour ?
Je condamne mes parents qui m’ont élevé en disant : « Si tu es consumé par la haine, tu perds ton humanité » Comment osent-ils ne pas m’apprendre à haïr ?
Je m’excuse de ne pas avoir trouvé comment coexister avec l’occupation, l’oppression, la déshumanisation et s’en réjouir ?
Avez-vous une formation particulière ?
Je suis heureux, pour apprendre, de me joindre à vous…. Ou devrais-je tout simplement vous dire, non merci… Je passe
Nous n’oublierons pas… Nous nous souviendrons
Nous n’oublierons pas le silence, l’hypocrisie, le chantage
Nous n’oublierons pas ceux qui ont élevé la voix et défendu ce qui est juste et ce qui droit
Nous n’oublierons rien. Vous pouvez continuer à pousser au désespoir et nous continuerons à prospérer avec espoir
Vous pouvez continuer à promouvoir la mort tandis que nous continuerons à promouvoir la vie
Vous continuerez à faire de votre pire.
Nous continuerons à faire de notre mieux
Abdelfattah Abusrour,
14 octobre 2023