Le compte rendu de la première semaine est ici
Texte 8 – 28 décembre
Dheisheh
Un petit complément sur Al Mas’ara
Le jardin d’enfant Alshmoa fait partie de ces réalisations qui permettent à la société palestinienne de survivre. Il n’y a pas d’école maternelle publique en Palestine. Sauf parfois dans les grandes villes. Alors le comité populaire d’Al Mas’ara a créé ce jardin d’enfants Les trois bénévoles qui l’animent sont les femmes des militants les plus actifs du comité. Il y a une vingtaine d’enfants (4 et 5 ans ). Le jardin d’enfants fonctionne de 8 h à 12 h , 5 jours sur 7. Sans formation spécifique, les bénévoles ont une réflexion et une pratique solides sur l’éducation des enfants de cet âge. Il reste à construire un terrain de jeu.
Dheisheh
C’est un des trois camps de réfugiés de Béthléem avec Aïda et Azza. Celles et ceux qui sont venus à Dheisheh avaient l’habitude d’aller au centre social Phoenix (son nom vient du fait qu’il a été détruit plusieurs fois par les Israéliens et à chaque fois reconstruit) chez Naji tout en haut du camp. On y rencontrait plein de militant-e-s de tous les pays. C’est fini. Naji qui est à l’origine de ce projet (comme du centre culturel Ibda, à la porte du camp, en bas) est entré en conflit avec un groupe et a quitté Phoenix. Du coup ce centre (où nous sommes ce soir) n’est plus du tout ce qu’il était. Il est géré par des fonctionnaires sans âme et est devenu un simple guest house. Pour les militant-e-s, il faut aller à Leylac (voir plus loin) qui peut héberger 15 personnes. Naji étant absent, c’est son fils Ma’an (étudiant à Boston en relations internationales) qui nous fait visiter le camp.
Le camp n’est alimenté en eau que tous les 21 jours. Il faut stocker et gérer. Le jour de notre arrivée, l’eau vient d’arriver et de nombreux lavages en attente ont lieu. Il y a bien une citerne en haut du camp mais chaque fois que les Palestiniens ont voulu l’utiliser, elle a été mitraillée et rendue inutilisable. L’électricité est souvent coupée et c’est systématique quand les Israéliens entrent dans le cas. Actuellement, ces incursions quasi-quotidiennes ont lieu la nuit vers 3 heures du matin et c’est pour une arrestation précise. Dheisheh refuse de payer l’eau et l’électricité aux Israéliens. Le camp a 14000 habitants sur une superficie minuscule (1/2 Km2). Une partie de la population du camp a migré de l’autre côté de la rue dans la cité Al Doha mais il faut avoir un emploi et un salaire correct pour y payer le loyer.
Du haut d’une maison en construction en haut du camp, on peut voir plusieurs des colonies qui encerclent Béthléem : Gush Etsion, Efrat, Atsion, Ben Eim, Har Homa.
La veille, il y a eu la restitution du corps du jeune Mahmoud (16 ans) tué par les Israéliens à Jérusalem dont le corps a été gardé un mois par les Israéliens. La restitution se fait avec des conditions impératives : un enterrement de nuit, pas d’autopsie (sinon, la famille peut être arrêtée et la maison détruite) et du coup les Palestiniens sont persuadés qu’il y a eu prélèvement d’organes. Des milliers de manifestants ont accompagné ce jeune au cimetière. La question des démolitions de maisons est omniprésente à Dheisheh. Le cactus symbolise les villages détruits en 1948. En 2002, comme à Jénine, les chars ont pénétré dans le camp et détruit plusieurs maisons. Au milieu du camp, il y a un terrain vague. La maison d’un prisonnier a été détruite et reconstruite trois fois. Finalement, la famille a reconstruit à côté. A chaque destruction, les maisons voisines ont été endommagées.
On croise un homme très respecté, militant du FPLP. 10ans de prison, 42 jours de grève de la faim. Libéré deux mois après l’assassinat de son frère Motaz par l’occupant.
Ce qui frappe à Dheisheh, ce sont les innombrables graffitis (en art de la rue, ce sont des graffes), parfois très artistiques, sur les murs. On verra plus loin qu’il y a une école pour réaliser ces peintures. Les thèmes sont nombreux : Handala, « no good morning, no good night, we will fight », une petite fille fouillant un soldat israélien les bras en l’air …. La présence du FPLP dans le camp est importante. Autrefois, une maison avec graffiti pouvait être détruite. A présent, elles sont presque toutes graffitées.
Jusqu’à la première Intifada (1987), le camp était entièrement fermé par une clôture avec une seule entrée gardée par des soldats où les entrées et sorties étaient filtrées. La population a abattu la clôture au prix de plusieurs vies.
A l’entrée du camp, on trouve la clinique de l’UNRWA, gratuite certes mais il y a un seul docteur pour les 14000 habitants.
Au centre culturel Ibda, on retrouve avec des photos l’histoire du camp : une centaine de familles au départ. Sous tente puis dans des « unités » (il en reste une) sans fenêtre avec parfois 12 personnes par unité. Il y avait un sanitaire commun pour tout le camp. C’est dans les années 50 que les habitants ont pu construire des maisons en dur.
Laylac (qui signifie azalée). C’est le centre d’action de la jeunesse pour le développement. C’est ce qui s’est constitué après le départ de Naji de Phoenix. Il fonctionne avec 45 bénévoles, pas tous du camp. C’est l’un d’eux, H, qui nous reçoit.
Il nous explique le conflit qui a eu lieu à Phoenix. Les salariés de l’Autorité palestinienne qui étaient hostiles à tous les projets ont pris le pouvoir et ont traité Naji de voleur. H partage ce que Naji avait dit lors de la dernière visite de Pierre (2010) à propos de l’Autorité : « nous aurions aimé avoir un ennemi et pas deux ». H considère que l’Autorité palestinienne collabore avec l’occupant. Quand celui-ci attaque le camp, l’AP est prévenue. Soldats et policiers palestiniens sont consignés dans les casernes. Heureusement, des voisins de ces casernes préviennent les gens de Dheisheh d’une attaque imminente.
Ceux qui ont créé Laylac ont pour but d’aider tous les Palestiniens sur tous les plans : économique, culturel, santé …
Il y a un groupe de peinture-graffiti. Il assure une formation avec deux professeurs. Un Américain a pu vendre plusieurs peintures. L’argent a servi à acheter du matériel.
Il y a un groupe de tri sélectif/recyclage.qui fabrique des tables et des chaises avec du bois de récupération. Il y a un problème de manque d’espace et actuellement certaines activités sont interrompues par l’Intifada.
Il y a un groupe multimédia qui a réussi à se procurer des caméras et a produit des petits films.
Il y a un groupe qui s’occupe de 150 enfants sur le thème du droit de jouer. Ils ont créé un centre aéré et forment les enfants de 7 à 10 ans, notamment sur les dangers de la rue.
Il y a un groupe de femmes qui font de l’artisanat et le vendent.
Il y a des travailleurs sociaux qui ont établi un partenariat avec 3 universités palestiniennes, une de Suède et une du Royaume Uni. Les stages qui ont lieu à Laylac sont validés.
Il y a aussi un partenariat avec les CEMEA et avec la MJC de Lamballe (près de Saint-Brieuc).
La discussion avec H se termine sur les comités populaires. A la différence de Laylac, ceux-ci n’ont pas rompu avec l’Autorité Palestinienne. H dit respecter le choix de la lutte non-violente. Mais il a du mal à accepter qu’on puisse recevoir un salaire de l’Autorité quand il y a autant de morts.
Sur le BDS, il est pour bien sûr en disant que pour les Palestiniens, c’est souvent impossible car il n’y a pas de choix pour certains produits.
Texte 9 – 29 décembre
Hébron – Al Khalil
Hébron (Al Khalill) les deux voulant dire « amitié » !!!
On a beau y avoir déjà été. On a beau avoir lu, avoir vu des vidéos, c’est de loin le pire de tout ce que nous avons vu depuis notre arrivée en Palestine. On est immédiatement saisi par l’effroi, l’émotion et la colère.
En arrivant de Béthléem, tout semble normal. Pas de check-point, l’usine des souffleurs de verre qui ont fait la réputation de la ville fonctionne normalement.
Et juste à l’entrée de la vieille ville, apparaissent les premiers blocs de béton qui interdisent l’entrée de la rue Shuhada.
Quelques chiffres : 200000 habitants à Hébron (250000 dans les districts). 25000 réfugiés dans deux camps et 30000 autres dans le reste de la ville. 700 colons dans la vieille ville, fanatiques et armés. Et 2000 soldats pour les « protéger ». Pour les seconder dans leurs agressions seraient plus juste. En tout 20000 colons dans le district d’Hébron, la plus grosse colonie étant Kiryat Arba. Depuis le début octobre, 55 Palestiniens ont été tués dans le district d’Hébron.
Nous sommes accueillis à « Youth against settlements » (la jeunesse contre les colonies). C’est M qui va nous emmener dans la vieille ville. D’autres internationaux se joignent à nous.
La vieille ville est H2, zone C. Les colons sont arrivés en 1983. Ils ont d’abord occupé des maisons vides avant de s’emparer de tout le centre historique. Après le massacre de 1994 dans le caveau des Patriarches, Hébron a été divisé en secteurs et des check-points sont apparus partout. Il y en a une vingtaine sur 1 Km. Au lieu de s’en prendre aux colons, Rabin s’en est pris à la population d’Hébron.
Il y avait autrefois 50000 habitants dans la vieille ville. Il en reste 5000 avec 1800 magasins fermés et 500 aux portes soudées. Les deux colonies du centre sont Beit Hadassah et Beit Romano.
Très vite, nous avons le spectacle des ordures balancées sur la rue commerçante tant bien que mal protégée par des filets. Ils jettent des bouteilles, du liquide, des ordures ménagères. Des parties entières du souk sont fermées : le marché de l’or, celui des bouchers, des poulets.
Nous visitons une maison vieille de 200 ans qui jouxte la colonie. Une fillette qui dormait près de la fenêtre a été blessée par une bouteille, une autre par des pierres jetées par des colons.
Nous rencontrons un autre militant de « youth against settlements » qui est francophone. La discussion vient sur les événements d’Hébron en 1929. Il nous parle de la bonne entente entre Juifs et Musulmans avant l’arrivée des sionistes, du rôle que les Juifs ont joué dans l’économie locale (le verre, le savon). Il nous montre un porche de maison avec l’étoile de David. Il attribue la responsabilité des évènements d’Hébron (22 morts côté palestinien et 69 côté juif) à la Haganah. Il nous dit qu’Israël interdit aux descendants des Juifs d d’Hébron de venir vivre là où étaient leurs ancêtres au milieu des Palestiniens. S’ils viennent, c’est forcément dans une colonie.
Pour la première fois en Palestine, nous voyons des commerçants ruinés, sans clients (car les issues de cette partie du souk sont fermées) nous suppliant d’acheter quelque chose.
Il y a des équipes sportives à Hébron. Pour pouvoir sortir et jouer dans des pays arabes, l’équipe d’Hébron a dû faire intervenir un Sud-Africain de la FIFA.
Nous visitons la mosquée d’Abraham, superbe bâtiment. Il y a un grand check-point puis un autre (tenu par des soldats falachas) pour entrer dans la mosquée. Aujourd’hui les 2/3 de la mosquée ont été transformés en synagogue. 10 jours par an la mosquée est entièrement pour les Juifs, le quartier est alors complètement bouclé. Les soldats entrent alors dans la mosquée avec leurs chaussures et leurs armes. 10 jours par an, elle est pour les musulmans mais c’est rarement respecté.
Quand Baruch Goldstein a commis le massacre en 1994 (29 morts, 150 blessés), l’armée a empêché les secours d’intervenir. Les gens présents ont porté les cadavres sur leurs épaules.
Sans M, mais avec une internationale qui vit à Hébron, nous faisons quelques pas dans la partie israélienne. « Welcome in Israël » nous crie un colon.
Nous croisons les gens de TIPH (Temporary international presence in the city of Hebron).. Ce sont des agents gouvernementaux de 6 pays (Suède, Danemark, Norvège, Suisse, Italie, Turquie) chargés de surveiller ce qui se passe. Les internationaux ne les aiment pas. Ils vivent dans de grands hôtels et n’interviennent jamais quand il y a des exactions. Ils ne protègent personne. Leurs rapports confidentiels ne sont pas publiés.
Nous sommes reçus par I, principal responsable de « youth against settlements ».
Ils ont plusieurs activités : — la campagne pour l’ouverture de la rue Shuhada. Il y aura le 26 février des manifestations et des expositions partout dans le monde pour cette ouverture. — de la documentation sur les droits de l’homme et des vidéos (I est critique sur le PCHR. Il trouve qu’ils restent dans leurs bureaux et ne viennent pas sur le terrain. — Des tours et des visites de la vieille ville avec possibilité (ce que nous faisons) de dormir chez l’habitant dans une « guest house » de la vieille ville. — La campagne Samidoun : aider les Palestiniens de la zone fermée à réhabiliter leurs maisons pour pouvoir y rester. — Le centre de Sumud avec des centres communautaires et des jardins d’enfants. — des actions de protection.
L’association ne vit que de donations. Elle est totalement indépendante de l’Autorité palestinienne, des partis politiques. Elle prône la résistance non-violente. Elle a été créée en 2007 et I considère que la situation est 10 fois pire aujourd’hui. Les colons violents sont de plus en plus nombreux. Il espère que la communauté internationale finira par sanctionner ce gouvernement d’extrême droite. Il pense que le BDS ne suffit pas. Le mouvement de solidarité français doit être uni et s’adresser également aux dirigeants politiques, aux journalistes. Il est pour le lobbying. Le débat un Etat/deux Etats lui paraît déconnecté de la réalité. Il insiste sur les buts de la lutte : l’égalité des droits pour tous et l’autodétermination. Il pense qu’on devrait utiliser les mêmes moyens que les sionistes qui intimident systématiquement quiconque critique Israël. Lui-même prend l’identité de soldats ou de colons violents et les attaque sur leur page facebook.
Nous allons voir les 8 volontaires d’ISM (International Solidarity Movement) dans leur appartement. Ils avaient un autre appartement dans la vieille ville et ont été expulsés parce que, de leur fenêtre, ils voyaient trop de choses. Ils ont porté plainte sans résultat. Ce sont des jeunes venus de plusieurs pays (Ėtats-Unis, Grande Bretagne, Allemagne, Italie, Danemark). Ils sont témoins du harcèlement quotidien de la population, des humiliations. Les Palestiniens vivent dans la peur et ne peuvent mener une vie normale. Hébron est une prison sans argent. Les Israéliens ont tiré sur une jeune fille. Les femmes sont harcelées et, dans la coutume palestinienne, ça met hors d’eux les jeunes qui se sentent le devoir de les défendre.
Aucun écolier ne peut aller normalement à l’école. Le gouvernement israélien s’en prend aux militants.
ISM accompagne les enfants à l’école. Israël demande à ISM de ne pas rester aux check-points sous peine d’arrestation. Les colons sont armés, leurs enfants attaquent les enfants palestiniens. Des organisations humanitaires sont parties parce que c’est trop dangereux. ISM s’occupe de 3 écoles et d’un jardin d’enfants. Sans leur présence, les parents ne laisseraient pas les enfants partir seuls. Ils prennent des photos. Chaque fois qu’il y a un meurtre, les Israéliens nettoient immédiatement l’endroit. Il y a une fausse ambulance conduite par un colon qui arrive toujours la première quand il y a un crime. Les colons ont les armes, le fanatisme religieux et le soutien du gouvernement. Ils n’ont pas peur des internationaux. Une vidéo montre une femme colon H. Cohen giflant une membre d’ISM qui ne peut pas répondre car les soldats sont à côté. Les soldats ont peur des colons. Ceux-ci ont placardé des appels pour s’en prendre aux Internationaux, forcément antisémites.
Ce soir, nous dormons dans une maison de la vieille ville qui a 900 ans. La première maison israélienne est à 3m. L’armée est juste au-dessus, son spot sera allumé toute la nuit.
Texte 10 – 30 décembre
Hébron 2
Les enfants, c’est bien connu sont de dangereux terroristes. Nous rejoignons le groupe d’ISM. Le passage du check-point de la mosquée se fait sans difficulté. Une des soldate israélienne est française (de Paris).
Brusquement, on voit un jeune garçon palestinien (12 ans ?) arrêté et emmené par deux soldats. Nous filmons. Deux membres d’ISM le suivent jusqu’au poste de police. Elles resteront longtemps mais il ne sortira pas. Israël emprisonne de très nombreux enfants. L’accusation « il a lancé des pierres » entraîne systématiquement la prison au mépris de toutes les conventions internationales.
On va directement à l’école des filles. Nous les accompagnons jusqu’à leurs maisons. Les institutrices sont soulagées. Certaines filles nous prennent pour des Israéliens et ont un regard hostile. Il n’ y aura pas d’incident.
Quand nous revenons sur la place où les colons ont installé une tente en hommage à un colon prétendument victime d’une attaque, nous sommes interpellé par un colon connu (Ofer) pour son extrémisme et sa violence. Il nous affirme qu’il n’a jamais touché à un enfant. Un membre d’ISM lui répond qu’il y a des vidéos qui prouvent le contraire. Il emmène la discussion sur « ce que les Allemands nous ont fait ». On lui répond qu’ils font la même chose avec les Palestiniens. Sa réponse fuse : « go to hell » (allez en enfer). Quand Pierre lui dit qu’il est juif et que son père a été déporté, son regard se fait mauvais.
Nous allons au jardin d’enfant qui touche la grande mosquée. Nous jouons un peu avec elles/eux et les raccompagnons.
Nous retrouvons Ezra. C’est un Israélien vivant à Jérusalem d’origine irakienne et parlant parfaitement arabe. Il milite à Taayoush et à « Rabbins pour les droits de l’homme ». Il y a 5 ans, il avait guidé la 166ème mission dans la visite d’Hébron.
Il nous emmène en voiture. On traverse la colonie de Kiryat Arba qui empêche Hébron de s’agrandir. Nous rejoignons la grande route qui part vers le sud (vers Beersheva). Ezra explique comment les villages subissent des check-points ou des barrages fermant leur route d’accès. « À Jérusalem, je paie 8 shekels le m3 d’eau. Ici pour eux c’est entre 30 et 50 shekels ». La région est sèche. Sans eau, difficile de cultiver.
La route traverse des colonies qui font du vin puis entre dans une région pré-désertique. Nous nous arrêtons au village bédouin d’Umm al-Khair (25 Km d’Hébron). Ces Bédouins sont des réfugiés descendants de ceux qui ont été expulsés du désert du Néguev/Naqab en 1948. Ils ont acheté des terres dans les vallons pour cultiver (en échange de 100 chameaux, nous dit un Bédouin). Les collines versant sur les vallons étaient considérées par la tradition comme attachée à leur propriété. Mais bien sûr, Israël a déclaré que les collines appartenaient à l’Etat et a donc décidé de construire la colonie de Carmel. 1983 pour la première tranche et 2005/2008 pour la deuxième. Du coup le village bédouin est devenu « illégal », ce qui signifie, comme dans le Néguev, sans eau, sans électricité, sans route, sans école et surtout sans droit de construire. Depuis des années, les destructions de maisons se multiplient. On nous montre l’endroit où se trouvaient 7 maisons. Le four à pain a été détruit plusieurs fois.
Les colons sont violents. Le frère d’un de nos interlocuteurs a été battu à coup de crosse et est devenu handicapé mental. Dans ce village de 160 habitants, des ONG ont installé des panneaux solaires, des maisons en dur, l’électricité. Des canalisations cachées amènent l’eau.
Chaque fois que des bêtes (chèvres ou moutons) entrent dans la colonie (il n’y a pas de barrière), la violence des colons se déchaîne. Avec l’aide de Taayoush, les Bédouins ont obtenu le droit de faire passer leurs troupeaux par le chemin en dessous de la colonie.
Ezra nous explique que, même si les Bédouins sont palestiniens, les histoires sont différentes. Il y a eu des guerres autrefois entre sédentaires et nomades. Les Israéliens ont voulu instrumentaliser les Bédouins. Les choses changent. A leur tour, les Bédouins sont spoliés, humiliés. La question du manque de terres et du surpaturage devient cruciale. Ils deviennent très religieux.
A quelques Km de là, par des chemins cahoteux, nous arrivons dans des zones oubliées où vivent des paysan-ne-s très pauvres qu’Ezra connaît depuis longtemps. Dans une grotte aménagée, une veuve (d’une famille polygame) avec ses enfants survit avec quelques bêtes. Plus loin un clan de 7 frères travaille la terre avec leur père. A quelques Km d’Israël, ces gens vivent dans des conditions presque moyen-âgeuses. Et pourtant ils essaient de scolariser leurs enfants.
Ezra nous explique qu’il n’existe plus qu’un groupe de Taayoush, à Jérusalem. Pour lui, les choses ont empiré, surtout LE NIVEAU DE HAINE. Avec ce gouvernement et cet Etat d’Israël devenu totalement une extension de l’Europe, on ira de conflit en conflit.
De retour à Hébron, nous rencontrons Ahmed Jaradat, militant connu de l’AIC et auteur de nombreux articles. Tout de suite, il nous demande des nouvelles de Mireille Fanon-Mendes France et d’Imen.
Ahmed insiste sur la mise en activation des check-points. Il nous donne le chiffre terrible de 154 morts depuis le début de l’Intifada. Il explique comment la colonisation avance inexorablement (encore 5 ha confisqués pour étendre une colonie près de Naplouse). Il parle de punition collective avec les corps rendus tardivement aux familles, les maisons détruites, les déplacements limités. Il nous dit qu’à Gaza, les Israéliens ont pulvérisé des produits chimiques pour tuer les plantes. Chez les Israéliens, il n’y a plus de limite et plus de règle. Les attaques de colons provoquent un surcroit de haine, une perte de confiance. Une génération est perdue pour la paix.
Pour Ahmed, tout est global. la question palestinienne a commencé comme une question mondiale, elle se terminera comme une question mondiale. Il faut faire comprendre aux Israéliens que, tant que la Palestine sera occupée, Israël ne sera pas en sécurité.
Il considère que le BDS doit être plus un mouvement politique unitaire et pas seulement un outil. Sur Daesh, il considère que ce n’est pas un hasard si ce mouvement intervient avec le recul des révolutions arabes.
Il rappelle que 60% des Palestiniens sont des réfugiés. La solution, c’est un Etat démocratique avec une égalité totale.
L’AIC à Hébron est liée à d’autres associations. Elle anime la campagne pour l’ouverture de la rue Shuhada. Elle organise des conférences (avec Mikado notamment). Elle est un pont entre toutes les organisations de la société civile et les organisations politiques.
texte 11 – 31 décembre
Beit Ommar (ou Beit Ummar)
Younès Arar envoie régulièrement des informations sur les comités populaires du sud de la Cisjordanie à des milliers de destinataires. Il en est le coordinateur. C’est chez lui que nous arrivons.
Beit Ommar est une petite ville de 17000 habitants à quasiment 1000 m d’altitude. La superficie de la commune est de 31 Km2. 17% de la superficie est occupé par les colonies. Il y a un projet d’extension qui porterait ce pourcentage à 60% avec construction d’un mur alors qu’actuellement, il y a une barrière.
C’est à Beit Ommar qu’a été installée dès 1967 (alors que les travaillistes étaient au pouvoir) la seconde colonie dans l’ordre chronologique après celle de la vieille ville de Jérusalem. C’est Kfar Etzion. Là, il n’y a pas de mur. Les Israéliens en construisent un quand ils ne peuvent plus s’étendre.
A Beit Ommar, il y a eu 4 morts l’an dernier et 3 l’année d’avant. C’est à Beit Ommar qu’il y a le plus grand pourcentage de prisonniers. Notre hôte a été plusieurs fois en prison. Pour de « courtes » périodes, dit-il (6 mois, un an) et ce dès l’âge de 15 ans. Ici, l’Intifada ne s’est jamais vraiment arrêtée depuis 1987 et Younès qui était alors adolescent rappelle ce que disait Rabin à l’époque : « brisez-leur les os ». Et il a connu de nombreuses personnes aux mains ou aux jambes brisées.
Sur la situation actuelle, Younès dit : « on est en train d’atteindre un point de non retour. Le premier qui va se plaindre de sa douleur va perdre ».
Très vite dans la discussion, Younès explique les divergences qui existent avec d’autres comités et en particulier celui de Bil’in.
Il y a un désaccord stratégique. Younès pense que la résistance doit sortir de ses lieux habituels, doit être créative, imaginative tout en restant non violente et doit intégrer toutes les conséquences de l’occupation. Il ne voit pas l’intérêt d’une manifestation tous les vendredis répétant la même démarche. Son message c’est plutôt : « attendez-nous n’importe où ».
Il cite plusieurs actions assez étonnantes :
– Une expédition du comité jusqu’à la Mer Morte. Comme il s’agit d’une zone touristique, ils avaient fait le pari qu’il n’y aurait pas de répression violente. Ils étaient accompagnés de plusieurs médias et ont pu déployer le drapeau palestinien au bord de la Mer Morte.
– Ils ont pu pénétrer à l’intérieur d’une colonie et y ont planté une tente. Les soldats ont mis un temps fou à les déloger. La grande route qui jouxte la colonie est restée bloquée ou très encombrée pendant plusieurs heures.
– Ils ont bloqué les portes d’une zone militaire et celles d’une colonie.
Ils ont remporté des succès notables : après 5 mois de manifestations , ils ont obtenu la suppression d’une barrière qui bloquait une route palestinienne. Déjà en 1993, Beit Ommar avait été un des très rares endroits où une colonie avait été démantelée.
Younès reproche aussi au comté de Bil’in de ne pas partager son expérience, d’avoir accepté de l’argent de l’Autorité palestinienne et de ne pas être indépendant. Alors qu’il est au Fatah, Younès a très mal vécu les invitations de l’ancien Premier ministre Salam Fayyad à Bil’in. Ce dernier qui prétend avoir donné de l’argent aux comités populaires, n’a jamais aidé celui de Beit Ommar. Pour Younès, les comités doivent être indépendants et s’adresser à tous les partis politiques. Pour protester contre cette ingérence, les comité du sud ont manifesté sous les fenêtres du bureau de Salam Fayyad. Reçus, ils ont proposé qu’un organisme répartisse équitablement les subventions entre tous les comités populaires existant. Salam Fayyad a dit accepter et en réalité a coupé toutes les subventions.
Le lecteur comprendra que nous ne prenons évidemment pas parti dans ces divergences, nous essayons de les comprendre et de les expliciter. Il nous semble nécessaire de prendre la mesure de la complexité de la lutte et d’éviter les slogans simplistes. Younès nous dit d’ailleurs qu’en aucun cas, les Internationaux ne doivent interférer ou tenter de faire dire aux Palestiniens ce qu’ils ont envie d’entendre.
Tout en travaillant dans le comité avec l’ensemble des partis politiques présents, il est personnellement hostile aux partis islamistes dont l’objectif essentiel semble plus la prise du pouvoir que la construction du pays.
Younès est très remonté contre le Hamas. Il considère que ce parti n’a pas de référence à la Palestine. Il obéit aux Frères Musulmans mais aussi au Qatar et à la Turquie qui sont des amis d’Israël.
Il connaît très bien la société israélienne. Il est très admiratif vis-à-vis des Anarchistes contre le Mur. Il a lu la Torah et le Talmud. Il compare les colons religieux à Daesh : eux aussi ont trouvé dans les textes sortis de leur contexte une justification de leurs actes. Tout en ne manifestant aucune divergence avec Mahmoud Abbas (même s’il préfère nettement Yasser Arafat ou Marwan Barghouti), Younès est partisan d’un seul État. Il pense surtout que le BDS est essentiel. « Le BDS, c’est le travail de tous, c’est une affaire d’équipe, il ne doit pas être capté par quelques-uns ». Le BDS n’est pas facile en Palestine (150000 Palestiniens travaillent dans les colonies. Sans travail, ils crèveraient). Pour Younès bien sûr, le boycott doit être total.
Avant la deuxième Intifada, la Palestine selon Younès était une société de « classe moyenne ». L’impossibilité de se déplacer et d’exporter a ruiné l’économie. Il n’y a plus qu’une minorité de très riches et une grande masse de très pauvres.
Concernant les événements actuels, il dit : « nous avons poussé à l’Intifada ». Le Fatah réussit encore à contrôler mais le feu couve sous la cendre. Il est pour une Intifada massive, populaire et non-violente comme la première Intifada (il y avait quand même eu 5000 morts côté palestinien). Il constate que l’équivalent des comités du sud n’existe pas au nord où beaucoup de gens pensent qu’il faut recourir à la lutte armée. Ça ne lui plait pas, les Israéliens sont passés maîtres dans l’usage de la violence. Sur ce plan, sa description du gouvernement israélien est terrible : « ils disent ouvertement qu’ils vont nous tuer ou nous transformer en esclave et personne ne réagit ». Souvent ce sont les Juifs les plus discriminés (les Indiens par exemple) qui versent dans l’extrémisme pour prouver leur loyauté à l’État d’Israël.
Younès nous emmène dans la partie rurale de Beit Ommar où la terre produit du raisin et des prunes. On est à quelques mètres des colonies. Le projet d’extension et de construction du mur couperait en deux la commune. A l’horizon, malgré la pluie et les nuages, on devine la mer et Tel-Aviv.
texte 12 – 1er janvier
Al Mas’ara 2
Dernier jour pour Pierre en Palestine avant des rencontres programmées avec des anticolonialistes israéliens demain et le retour en France (Brigitte et Sarah restent encore un peu).
Il fait un temps de chien : 2 degrés la nuit dernière, un vent terrible, une pluie battante virant presque à la neige.
Rien à dire ? Si. Nos hôtes sont des Palestiniens « ordinaires ». Un couple avec 5 charmantes filles avec qui nous jouons. Lui a fait deux ans de prison et quand il a connu une de ses filles à sa sortie de prison , il a dû la conquérir avant d’être accepté.
La discussion vient sur la religion. H nous raconte la prière du vendredi à la mosquée. Environ 200 personnes. L’imam a parlé pour ses voeux de nouvelle année de paix, de justice, d’égalité. H dit qu’il y a une autre mosquée salafiste pas loin où le discours n’est pas celui-là. L’imam rencontre de la résistance de la part des fidèles : le frère de H s’est ainsi substitué à l’imam pour guider la prière quand il a considéré que les propos de l’imam n’étaient pas acceptables.
La discussion vient sur le salafisme, le wahhabisme, Daesh. Tout ceci lui fait horreur. Il explique que l’Islam en Palestine n’a rien à voir avec tout cela. Pour H, le fait que La Mecque soit détruite pierre par pierre est moins grave que le fait qu’on tue un homme.
Brusquement, il nous demande si nous sommes croyants, il a entendu que beaucoup de Français ne le sont là. Nous expliquons que nous ne le sommes pas et parfois depuis plusieurs générations.
Pour H, Dieu a fait le monde pour qu’on vive ensemble dans la paix et l’égalité. Nous réalisons que, croyants ou incroyants, nous avons les mêmes valeurs. C’est-y pas beau ?
texte 13 – 2 janvier
Voyage ultra-rapide d’Al Mas’ara à Tel-Aviv. Un seul check-point à l’entrée de Jérusalem dans le car venant de Bethléem. Et le taxi pour Tel-Aviv parce que, le jour de Shabbat, il n’y a aucun bus !!.
Tel-Aviv
Nous sommes reçus par H, une dame âgée de la gauche née à Tel-Aviv et d’origine autrichienne. Elle a toujours milité à gauche, fait des centaines de manifestations. Elle a voté pour la liste unie (conduite par Ayman Odeh), elle traduit aujourd’hui les articles de Machsom Watch (association israélienne qui rend compte des exactions de l’armée sur les check-points) et écoute avec intérêt la relation de notre voyage ou celle des séjours de Sarah à Gaza. Et pourtant elle a une phrase qui nous interpelle : « il y a des horreurs partout dans le monde, en Afrique, en Arabie Saoudite … Pourquoi l’ONU (??) s’en prend-elle toujours à Israël » ?
Nous rencontrons Esti dans un café. La conversation sera brièvement interrompue par un jeune client francophone qui entend qu’on parle du BDS et veut s’incruster (de façon hostile) dans la conversation et finit par lancer : « si vous n’aimez pas Tel-Aviv, allez vous-en »..
Esti est dans le board de « Who Profits » qui recueille toutes les informations sur les sociétés vivant ou profitant de la colonisation. Elle est aussi à Tarabout dont elle déplore l’affaiblissement.
« C’est très dur (en Israël) ». La gauche s’affaiblit et le centre n’existe plus. En Palestine, toute la population est pour le BDS mais ce mouvement se fait à l’extérieur. L’économie palestinienne est captive et le boycott des produits israéliens en Palestine est souvent impossible. Il y a 250000 Palestiniens travaillant en Israël ou dans les colonies (essentiellement dans la construction, d’autant plus que la Chine n’a pas renouvelé son accord pour envoyer ses travailleurs). Esti parle de « conflit de basse intensité ».
Il y a eu en Israël un appel contre la loi criminalisant le BDS sur lequel la cour de justice a rendu un avis négatif en juin. Toutes les associations ont un problème de subventions ou de donations et Who Profits est obligé de réfléchir à une stratégie alternative. Who profits est un centre d’informations et pas un groupe de militant-e-s qui fait des recherches sur les entreprises et les trajets économiques. Ces rapports sont sur leur site, par exemple celui de la compagnie Nesher qui a le monopole des matériaux de construction vendus à Gaza.
Il faut dans le BDS aller plus loin que le boycott des seuls produits des colonies et même plus loin que les actions dans les supermarchés. Esti insiste sur le D de BDS et les victoires remportées sur Véolia et celle à venir sur Orange. Who Profits travaille dans la commission « Business and Human rights » de l’ONU et ils arrivent à progresser sur la notion d’investissements éthiques. Ils/elles sont sollicité-e-s comme expert-e-s. Il/elles ont remporté des succès avec les gouvernements norvégien et suédois. Mais ne nous leurrons pas, l’économie israélienne est très forte, c’est une économie de start-up très réactive qui n’est pas gênée par des traditions entrepreneuriales.
Vers où étendre le BDS ? Elle cite Hewlett-Packard et l’industrie extractive.
Sur les colonies, c’est une solution de logement pour les pauvres et les religieux mais aussi une opportunité de mobilité sociale. Pour Esti, il n’y a aucune solution possible sans le démantèlement des colonies et le droit au retour des réfugiés palestiniens. Il faut parler de décolonisation. D’autres points de vue apparaissent, celui de « Two states, one homeland » (= deux Etats, un pays natal) de Meron Rappaport qui pense qu’avec le rôle des colonies dans le tissu social, il faut assurer l’égalité sans les démanteler.
Esti nous dit que les Palestiniens prêts à travailler avec les Israéliens veulent un Etat palestinien tandis que ceux qui sont pour un seul État ne militent pas avec des Israéliens.
L’émergence de nouvelles formes de mobilisation a déstabilisé les partis mais ces modes de lutte, s’ils sont capables de mobiliser, disparaissent très vite : « où sont passés les milliers d’Israéliens qui sont passés à un moment ou à un autre, à Bil’in ? » Pourtant, il y a une forte documentation sur la mémoire des luttes : Zochrot, l’AIC, Tarabout. Tous les journaux de la Matzpen sont actuellement en ligne. Esti vit comme un échec le fait qu’on n’ait pas pu relier le mouvement anticolonialiste et le mouvement syndical.
Une idée comme « Israël ne sera pas en sécurité tant que les Palestiniens ne seront pas libres, c’est une parole du centre et plus personne n’y croit. Une phrase comme la politique de Nétanyahou met Israël en danger provoquerait majoritairement des sarcasmes. L’opinion a accepté l’idée qu’il n’y a pas de solution, ce qui laisse les mains libres au gouvernement et à l’armée. »
En comparant avec les émeutes de Los Angeles lors de l’assassinat de Rodney King quand les émeutiers avaient mis à sac leur propre quartier sans sortir sur les riches quartiers voisins, Esti évoque l’idée d’une barrière intérieure chez les Palestiniens comme chez tous les opprimés. Elle parle de la fragmentation de la société palestinienne.
Il ne faut pas sous-estimer ce qui est fait par des organisations comme « Machsom Watch » ou « Breaking the silence » parce que les gens veulent des résultats concrets.
Rencontre avec Éléonore et Eitan qui ont constitué « (De)colonizer research/art Laboratory For Social Change »
Éléonore parle des « attributs démocratiques » d’Israël par exemple la liberté d’expression. Mais cette société est en état de guerre permanent, elle va dans le mur, elle est en train de se perdre elle-même, en même temps la fin de l’Etat juif représenterait une deuxième Shoah.
Éléonore se sent en accord avec l’appréciation d’Esti : « aujourd’hui les Israéliens s’installent dans l’idée qu’il n’y a pas de solutions ».
Des Bronstein, des Warschawski, il y en a si peu. 0,00001% commence à dire Éléonore, avant de se rallier du bout des lèvres à la proposition; « bon, disons 0,1% ». Le changement dans la politique israélienne viendra de pressions extérieures.
25% d’une classe d’âge ne fait pas l’armée. Au premier rang bien sûr les Palestiniens, pour lesquels l’armée est non obligatoire (mais possible, sur la base d’un volontariat), alors qu’elle est obligatoire pour les Druzes ou les Tcherkesses (Circassiens). Il y a néanmoins une infime minorité de Palestiniens faisant l’armée, ce qui signifie la rupture avec leur milieu, leur village, etc. Cela s’explique par la quantité d’avantages attachés au fait d’avoir fait l’armée.
Il y a toujours un très petit courant de refuzniks, ceux qui refusent spectaculairement la conscription (et ne se font pas réformer pour raison médicale ou autre) et se retrouvent en prison. Il y a un vrai réseau d’aide aux refuzniks, appuyé sur les premiers historiques, organisant pour le refuznik par exemple une haie d’honneur quand il est arrêté.
À propos des témoignages sur l’armée, nous citons les uns et les autres dans la discussion « The Gatekeepers » et « Censured voices » (à propos de 67)
Le changement ne viendra pas d’ici, 1% d’Israéliens soutient la Palestine, c’est une question géopolitique.
On échange sur les difficultés interne et externe du BDS en France. Éléonore a des phrases très fortes sur la nécessité d’être d’une intransigeance absolue avec toute expression d’antisémitisme dans le mouvement.
Aux États-Unis il y a de vraies avancées : le boycott universitaire, l’écoute de JVP (200 000 followers pour leur FB).
Éléonore se prononce contre la « normalisation ». Elle est bien sûr tout à fait d’accord pour les écoles juives/arabes, mais pas pour une fausse symétrie, comme le fait d’inviter des enfants de Jénine (alors que dans la vie ordinaire, ils n’ont pas le droit de pénétrer en territoire israélien) à partager quelques moments avec des enfants de Tel-Aviv…
La question des écoles peut être paradoxale : les parents ayant le choix entre mettre leurs enfants à l’école de quartier, mais alors ils ne rencontreront que des enfants juifs, ou les envoyer à l’école juive/arabe, où ils ne rencontreront que des gosses d’intellos…
Elle a arrêté d’idéaliser les Palestiniens. Elle donne l’exemple de Jaffa où l’on trouve ceux qui ont collaboré et ceux qui ont été déplacés. La collaboration avec Israël s’est faite à plein de niveaux : vente de terres, informations, collaboration passive, se taire ! À Jaffa maintenant il y a plus de Juifs que de Palestiniens, mais la nouvelle génération de Palestiniens relève la tête. Il y a des manifestations toutes les semaines et un soutien aux prisonniers…..
Si on regarde « à froid » la carte de l’expulsion des Palestiniens de leur village en 1948, on voit clairement que ces expulsions n’interviennent pas en fonction de l’attitude des autorités villageoises. Collaborant ou pas, les villages sont expulsés suivant un plan d’utilisation de l’espace.
Maintenant il est important de prendre en compte la peur des Israéliens face à la situation actuelle, en particulier face aux possibles attentats. Nier cette peur, ne pas l’entendre, n’aide en rien la défense des droits des Palestiniens.
Agenda :
Le 2 avril, Eitan et Eléonore ont planifié une importante initiative sur le Golan.