Succès de la réunion publique organisée le vendredi 3 novembre 2023 à Paris.
Cette réunion, avec Patrice Bouveret, directeur de l’observatoire des armements et Suhail Taha, chercheur palestinien en anthropologie politique, portait sur deux thèmes :
. Le commerce d’armes et les accords sécuritaires et de coopération entre Israël, la France et l’Union Européenne.
. La participation des puissances occidentales au régime d’apartheid israélien.
Elle a accueilli près d’une centaine de participant.e.s
La réunion a commencé par un exposé de Patrice Bouveret sur le premier thème.
Il s’est attaché à montrer le rôle historique de la France dans le développement de la puissance militaire et nucléaire israélienne, ce dont il a notamment témoigné au Tribunal Russel International sur la Palestine. Cf. également la rédaction du Cahier de l’AFPS n° 28 consacré à cette thématique : https://www.france-palestine.org/Cahier-no-28-La-cooperation-militaire-et-securitaire-France-Israel
Nous pouvons en retenir en particulier :
- Les ventes de la France à Israël représentent seulement 1% du chiffre d’affaires des ventes d’armes françaises mais ce 1% a une portée importante (voir plus bas)
En revanche il n’y a aucune transparence sur ce que la France achète à Israël. C’est « secret défense »
Le 1 % représente souvent des composants électroniques qui sont indispensables au fonctionnement d’armes.
Voici un exemple
Le 17 juillet 2014, lors de l’opération « Bordure protectrice » de l’armée israélienne contre Gaza, un missile israélien a frappé sans sommation le toit de la maison de la famille Shuheibar et a tué trois enfants et blessé grièvement deux autres.
Au cœur des gravats, un composant de fabrication française est retrouvé parmi les débris du missile. Analysé par des experts internationaux en armement, il s’avère que cette pièce, qui porte l’inscription « Eurofarad – Paris – France » a été fabriquée par une entreprise française, Exxelia Technologie, anciennement Eurofarad. La famille Shuheibar, soutenue par l’ « Association des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture » (ACAT-France) porte alors plainte contre cette société. Cette plainte est en cours d’instruction.
- Les accords sécuritaires avec Israël se concrétisent par l’importation par la France de produits (logiciels de reconnaissance faciale ou tels que Pegasus, drones, matériel anti-manifestation) qui permettent de mieux surveiller et réprimer des révoltes populaires, notamment dans les quartiers
- Patrice Bouveret souligne l’importance d’interpeller les élus pour qu’ils interviennent contre ces pratiques et que la France respecte ses propres engagements en la matière – tout en reconnaissant que ce travail est difficile
Avec Sarkozy, les accords pour le développement de la coopération sécuritaire ont été introduits, sur la base de l’avancée israélienne
Un intervenant parmi le public ajoute qu’Israël bénéficie de facilités pour les appels d’offres concernant le matériel militaire au niveau de l’Union européenne.
Au cours des discussions il a aussi été souligné l’importance de la campagne pour l’embargo sur le commerce d’armes, de munitions anti-manifestations, de logiciels à usage sécuritaires, de se mobiliser contre la présence israélienne lors des salons d’armement en France, etc.
Suhail Taha est intervenu sur le second thème.
Il a d’abord évoqué les conséquences pour les pays colonisés et néo colonisés des politiques coloniales dans le monde, en s’appuyant sur l’exemple d’anciennes colonies françaises qui malgré leur « indépendance » restent dans l’orbite de l’impérialisme français, du franc CFA, etc. Il a évoqué le cas du Bénin, qui a fait partie de ses recherches, où il a découvert le « Pacte de l’Indépendance » de 1958 qui lie ce pays et les autres anciennes colonies françaises à la France, selon des dispositions qui assurent la mainmise de la France.
Après cette mise en perspective il a développé ce qu’est aujourd’hui la situation désastreuse à Gaza et dans toute la Palestine, et les responsabilités des pays occidentaux.
Il a qualifié de « néo fascistes » tous les moyens utilisés par les pays occidentaux qui visent à réprimer les voix palestiniennes, y compris en influençant les médias qui n’invitent pas de Palestiniens à s’exprimer et où la liberté d’expression de la solidarité avec le peuple palestinien est réprimée.
Il a inscrit son intervention sur le plan international des alliances coloniales, a présenté Israël comme un laboratoire de la stratégie de domination des puissances occidentales. Il n’a aucune confiance dans la capacité de ces puissances à bouger et pour lui les sociétés civiles sont le pivot de la lutte qu’il a appelé à développer beaucoup plus fortement partout.
Un intervenant parmi le public a expliqué que l’apartheid israélien n’est pas une production simplement israélienne mais le fruit de l’action d’un réseau international (USA, UK France et d’autres) qui produit et entretient cet apartheid.
Un autre a fait remarquer que plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest remettent en cause les accords néocoloniaux évoqués par Suhail, mais que ce n’est pas le cas partout.
Suhail Taha a donné de nombreux exemples de la mise en œuvre de l’apartheid vis-à-vis des Palestiniens.
Dans la situation actuelle, il a dit ne pas faire confiance aux gouvernants pour un changement : « Nos médias, nos tribunaux et la justice sont dans la rue » a-t-il dit, pour lutter contre la normalisation.
Le débat général avec un public très attentif a été animé. Il a été marqué par des discussions sur l’efficacité ou non des interventions auprès des élu.e.s et sur les termes à utiliser pour caractériser diverses situations : génocide, crime contre l’Humanité, gouvernements « néo fascistes » ?
Plusieurs participant.te.s ont dit avoir constaté à quel point autour d’elles-eux, beaucoup de gens sont encore ignorants de la réalité du colonialisme israélien, de l’enfermement des Palestiniens.
La réunion a permis de montrer qu’il n’est plus de mise d’implorer le gouvernement français de se soucier des Palestiniens, mais qu’il s’agit de le mettre face à ses responsabilités.
Un tract d’Émancipation, tendance syndicale, a d’ailleurs été distribué par un participant à la réunion, appelant à la solidarité avec les syndicats palestiniens qui « appellent leurs homologues internationaux et toutes les personnes de conscience à :
- Refuser des fabriquer des armes destinées à Israël
- Refuser de transporter des armes vers Israël
- Adopter des motions à cet effet au sein de leur syndicat
- Prendre des mesures contre les entreprises complices qui participent à la mise en œuvre du siège brutal et illégal d’Israël, en particulier si elles ont des contrats avec votre institution
- Faire pression sur les gouvernements pour qu’ils cessent tout commerce militaire avec Israël et, dans le cas des États-Unis, qu’ils cessent de le financer.
Nous remercions Patrice Bouveret et Suhail Taha pour leurs interventions ainsi que le public pour ses contributions
Voici quelques photos de la soirée :
Jean-Guy Greilsamer, Sonia Fayman, Béatrice Ores