FRANCE. VERS LA FAILLITE DE L’ÉTAT DE DROIT ?

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COMMUNIQUÉ DU CCIF – 24 SEPTEMBRE 2021

Le Conseil d’État vient de confirmer la décision du ministère de l’intérieur français du 19 novembre 2020 de dissoudre administrativement le CCIF, (Collectif Contre l’islamophobie en France), organisme de défense des droits qui soutenait juridiquement chaque année des milliers de personnes victimes d’islamophobie en France. Cette décision, tant par sa cible que ses motifs, marque un tournant majeur dans l’institutionnalisation de l’arbitraire politique et répressif en France.

Nous exprimons notre inquiétude profonde à l’égard d’une décision ouvrant la voie vers le délit d’opinion, désormais porté par la plus haute juridiction administrative en France.

Les motifs avancés par la décision du Conseil d’État contre le CCIF constituent une attaque directe au cœur de son travail en tant qu’organisme de défense des droits de la personne, à savoir le plaidoyer, en direction des gouvernements et des institutions. 

Le Conseil d’État a en effet estimé à la suite d’une audience qui n’aura duré que 10 minutes que le seul et principal grief à retenir contre le CCIF est sa définition de l’islamophobie (notamment institutionnelle). Tous les autres griefs reprochés par le Ministère de l’Intérieur, en particulier celui de “l’apologie au terrorisme” ont été balayés. Il est directement reproché au CCIF de dénoncer l’islamophobie de certaines institutions publiques et du corps social. Pour le Conseil d’État, cela constituerait en soi de l’incitation à la haine, qui dépasserait le cadre de la protection de la liberté d’expression.

Pourtant, en 17 ans d’exercice, jamais le CCIF n’a été ni poursuivi, ni condamné.

Le rendu de la décision du Conseil d’État est ahurissant, à l’heure où nombre de chercheurs font avancer les recherches et les évidences scientifiques au sujet du racisme systémique, réalité sociologique largement établie et aujourd’hui adressée par des gouvernements après le meurtre de George Floyd.

Dans un état démocratique fort, les organismes de défense des droits sont considérés comme des parties prenantes dans les débats et les prises de décision politique. La France a fait le choix non seulement d’ignorer les multiples avis pointant du doigt ses politiques hostiles et discriminatoires à l’égard de sa composante musulmane mais en plus de cela, de les criminaliser, de façon totalement arbitraire, sans aucun contrôle de la charge de la preuve.

Tant la forme, que le fond et la portée de cette décision doivent alerter tout membre de la société civile attaché à l’État de droit.

Cette décision symbolise un point de bascule dans la dérive administrative du gouvernement français, qui se dit pourtant chantre de la liberté d’expression et de l’état de droit. Nous sommes extrêmement inquiets des répercussions que de telles dérives peuvent engendrer au niveau européen.

Nous appelons les autorités européennes à faire désormais preuve de lucidité et de courage politique pour dénoncer les multiples atteintes à l’État de droit commis par la France.

Si le Conseil d’État, plus haute juridiction administrative en France a été en mesure de valider une telle décision, alors c’est à nous tous, collectivement, de nous constituer comme garde-fous pour lutter, partout où nous le pouvons, contre ces dérives.

Le liquidateur du CCIF.